Cette fois, il s’agit bien d’une véritable affaire Cahuzac qui se profile. Si rien n’est fait sous l’impulsion du ministre du Budget, pourquoi les grands établissements bancaires français ne s’acquitteraient pas à l’avenir de moins de dix pour cent d’imposition ? C’est ce que révèle le Conseil des prélèvements obligatoires et que relève Emmanuel Lévy, de Marianne. 

Elle en est où, l’affaire Cahuzac soulevée par Mediapart ? Dans les limbes car le parquet prend tout son temps même s’il auditionne en périphérie et a dû obtenir des réponses de Jérôme Cahuzac sur de présumées minorations de déclarations au fisc. L’intéressé veut trouver six milliards de ressources ou de recettes sans augmenter globalement les impôts en 2014. Ni hausse, ni baisse. Oui, mais quelle répartition ?
Hormis Jean-Michel Apathie, plus personne n’évoque de comptes à l’étranger détenus en direct ou en loucedé par Jérôme Cahuzac. « Vendu et revendu que je suis, je persiste néanmoins à penser ce que je pense et à dire ce que je dis, » insiste Apathie sur RTL. Eh bien, qu’il nous cause donc du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) qui a conduit divers titres de presse à pleurer sur le sort des établissements bancaires.

Vers 2015, le secteur devrait verser plus de huit milliards d’euros par rapport à 2010. Certes, mais cela découle de quoi ? De super-profits supplémentaires envisagées ou d’une hausse du taux réel d’imposition ?

Emmanuel Lévy, de Marianne, qui s’est penché sur le rapport du CPO, souligne que depuis 2002, les grandes banques françaises (dont BNP Paribas et la Société générale) ne se voient ponctionner que 8 % de leurs bénéfices. Et c’est combien en Allemagne ? Plus de 50 %. Combien en Italie ? La moitié de l’Allemagne, comme le Royaume-Uni.
Pour les Pays-Bas, c’est un cinquième des bénéfices.
Vantons donc le modèle Allemand. 

C’est partout en (légère ou à peine forte) baisse, sauf en France. Jusqu’à 1994, la part était d’environ un tiers. Depuis 2002, c’est de l’ordre de 12-13 % en moyenne, mais plus la banque est grosse, moins elle crache au bassinet. Et ce sont les banques mutualistes, genre BPCE ou Crédit agricole, qui sont ponctionnées le plus. Eh, leurs actionnaires sont des sociétaires, dont pas mal de petits déposants ou épargnants : ceux-là, nous autres, on peut les tondre ?

En 1994, banques mutualistes et autres se retrouvaient à la même enseigne fiscale. Mais à partir de 2009, après deux ans de sarkozysme, tient on commençait déjà à taper sur les particuliers et les autres entreprises pour faire des cadeaux fiscaux aux banques.

« C’est bien simple : seule l’Autriche qui taxe ses banques à 10 % [ndlr. en moyenne] a fait pire que nous dans l’OCDE », résume Lévy. Grâce à quoi ? À la filialisation dans les paradis fiscaux. Ce que Denis Robert dénonçait déjà en 2001, avec l’affaire Clearstream, ce que les auteurs du rapport reconnaissent s’être largement amplifié.

Et lorsqu’il présidait la commission des Finances à l’Assemblée nationale, Jérôme Cahuzac n’avait-il rien vu passer ? Henri Sterdyniak, membre du CPO, s’insurge : sur les 7,35 milliards d’augmentation envisagée, « la moitié proviendra de la taxation sur les mutuelles de santé ».

Je ne suis pas prêt de m’inscrire à une mutuelle. Le CPO aurait-il masqué la faiblesse des hausses de prélèvements des banques ? Pour ne pas ajouter l’injure à l’affront de Mediapart pointant Jérôme Cahuzac ? Principal adversaire des banques, avec François Hollande, jusqu’à l’élection ?

En février 2010, BNP Paribas annonçait un bénéfice net en hausse de 34 %. En 2012, après la crise de l’Eurozone, on annonçait six milliards de bénéfices pour 2011. En progression d’un demi-point en 2012. Pour la Société générale, avec 774 millions d’euros pour 2012, la baisse des bénéfices était sévère. Mais quelles performances en 2010 !

Ah, casser les banques, c’est casser la croissance ? Où cela au juste ? Là où les banques investissent, soit souvent à l’étranger ?

D’un autre côté, les banques seraient peut-être prêtes à payer un peu plus d’impôt… à condition qu’on leur permette de taxer bien davantage les déposants. L’État est certes habitué à la grogne des contribuables, et puis, il a des CRS, des gardes mobiles à disposition. Tandis que les banquiers ne se verraient pas trop suspendus à des crocs de bouchers. Et comme la plupart des politiques un peu en vue finissent par pantoufler dans des banques ou par se faire recommander par elles pour obtenir des places (dans des entreprises dont elles sont actionnaires), pourquoi s’en faire ?

Les banques françaises vont à peu près toutes fermer des guichets, des agences. Pas BNP Paribas, dit son directeur général. Bah, lui-même ou son successeur diront autre chose plus tard, après le lancement d’une banque en ligne.

Il conviendrait déjà que banques publient leurs résultats (bénéfices, impôts, &c.) pays par pays. Les instances européennes soutiennent pour le moment le projet, mais les États membres renâclent. On peut comprendre : les banquiers, leur mandants, aussi.