Banksters et délocalisateurs…

On ne sait si Mélenchon et le Front de Gauche auraient fait mieux que l’actuel gouvernement pour obtenir des grandes entreprises le rapatriement en France des centres d’appel, des services à la clientèle ou de maintenance informatique. Tâche très ardue. Le gouvernement britannique de David Cameron, après les pannes informatiques durables de trois des plus grosses banques du Royaume-Uni (Royal Bank of Scotland et ses filiales Natwest et UlsterBank) se voit, lui, incité à le faire. Tout ou presque la maintenance informatique en a été délocalisée en Inde, et les Britanniques se demandent s’ils ne vont pas un jour tous en pâtir.

J’avais fait état, la semaine dernière sur Come4News, du gigantesque bogue informatique qui avait empêché les clients de NatWest, RBS et UlsterBank de retirer de l’argent ou d’avoir accès à distance à leurs comptes où qu’ils se trouvent de par le monde. Les conséquences d’une panne 24 heures sont déjà lourdes pour les entreprises ou ceux devant recevoir des paiements, encore davantage pour qui se trouve bloqué à l’autre bout du monde et en instance de régler un fournisseur, un hôtelier, une compagnie aérienne. N’insistons pas…
Mais quand les troubles ont une durée de plus d’une semaine, obligent les banques en question d’ouvrir à des heures plus tardives ou, oh! so choking! on a Sunday, par nature « closed », et que le mécontentement gagne les clients d’autres banques soucieux de se voir éviter une telle aventure, l’affaire prend une toute ampleur.

Déjà, le gouvernement britannique à de nouveau affaire avec la Royale Bank of Scotland et ses filiales, totalement refinancées par des fonds de Banque (royale) d’Angleterre (la banque centrale). Les primes accordées à des dirigeants ayant conduit ces banques à la faillite avaient déjà fait hurler, les actuelles rémunérations des plus hauts cadres font d’autant plus monter la grogne qu’ils ont massivement débauché au Royaume-Uni (environ 30 000 emplois) et… sous-traité à Hyderabad, en Inde.

C’est là que les équipes de maintenance du logiciel CA-7, qui régit toutes les tractations en ligne des trois banques, sont désormais localisées. Et tant leur superviseur britannique, Ron Teerlink, resté lui en Écosse, que l’encadrement ont fabuleusement failli…

Tout commence, la semaine dernière, par une « simple » opération de mise à jour ou à niveau du logiciel. Mais, premier point, aucune sauvegarde globale n’est lancée préalablement. Ensuite, cela se gâte. Dans la nuit du mardi  au mercredi 20 juin, rien ne va plus. Mais, de surcroît, des fichiers essentiels sont détruits et personne ne s’en aperçoit. On refait l’opération une fois, deux fois… sans vraiment se rendre compte qu’il fallait restaurer la date et l’heure exacte de toutes les transactions effectuées pendant l’opération initiale.

Ce mardi 26 juin, tout, loin de là, n’est pas totalement rétabli mais, en sus, tout le monde se demande où sont de fait gérées les données de toutes les banques, et par qui au juste.

Bien évidemment, la compétence des ingénieurs en informatique indiens n’est pas seule en cause. D’ailleurs, bien sûr, la haute direction de RBS, la maison-mère, se félicite encore d’avoir délocalisé ses services de maintenance. Rendormez-vous bonnes gens qui nous confiez votre argent, assoupissez-vous de nouveau, braves ministres, qui nous avez renfloués car nous sommes trop gros pour faire faillite.

Il ne resterait plus qu’un petit petit pour cent des comptes de la clientèle à remettre en ordre à présent. Les comptes les plus touchés seront ceux localisés en Irlande du Nord. Sympa pour les habitants de l’Ulster qui sont encore, comme beaucoup, payés chaque fin de semaine et ont bien du mal à régler leurs factures et… les indemnités de retard.

Bien sûr, les banques ne vont pas prendre à leurs charges les coûts subis, il faudra les prouver, et introduire une demande de dédommagement. Bien sûr, la ligne d’appel d’urgence mise en place a été surtaxée. Évidemment, si le bogue gigantesque a entraîné des alertes sur défaut de paiement (ce qui peut bloquer l’accès à d’autres crédits), il faudra se débrouiller (même si ces banques se sont mis en rapport avec les agences de crédit). Et qui n’a pu honorer une promesse de vente immobilière se retrouve fort embarrassé. Surtout s’il avait libéré son ancien logement.

Le magazine de défense des consommateurs Which? a aussitôt mis en ligne un comparatif des services de transactions bancaires en ligne. Sachant qu’en matière de sécurité et de facilité d’emploi, NatWest et RBS tenaient la seconde place en haut du classement (derrière NationWide BS, et assez loin devant Lloyds TSB, Santander ou Halifax), on se demande à présent ce qu’il en est des moins bien notées. Which? préconise un audit général, dans tous les établissements.

Au Royaume-Uni, ou la Bank of England pratique l’assouplissement quantitatif à tout-va (soit prêter aux banques à trois fois rien, bien en-dessous du taux de l’inflation, quand ces mêmes banques rénumèrent les dépôts très faiblement et remontent les coûts des crédits), la City n’a plus la cote que… dans le Square Mile (l’autre nom de la City).

Les contreperformances des trois banques, sauvées par les contribuables, ne font rien pour restaurer le crédit des banksters.

Pour ne rien arranger, la presse abonde en récits d’incidents antérieurs visant en particulier NatWest ou RBS. Un certain BGL narre, dans This is Money, que son adresse a été submergée, pendant cinq mois, de courriers et relevés de comptes adressés à un certain Mr Davies. Même la presse sportive (alors que RBS ou NatWest aident financièrement des tas de clubs et associations sportives, décernent des prix et trophées), y est allée de témoignages recueillis. NatWest? Not so “cricket”! (beau joueur).

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !