C’est avec plaisir que j’ai récemment salué le deuxième numéro de Siné mensuel après avoir évidemment annoncé le premier. Je signalais aussi incidemment que Bakchich, qui avait disparu des kiosques, et le reste, était de retour en ligne. Franchement, et pour des raisons qui s’expliquent, à mon goût en tout cas, « c’était mieux avant ». Ce qui ne veut pas dire que le nouveau site de Bakchich soit inintéressant, bien au contraire.
L’exécrable commentaire « confraternel » empreint de feinte commisération et se concluant par un hypocrite, charitable, « peut mieux faire », surtout venant de qui fait tout autant « ce qu’il peut », m’horripile.
Force m’est cependant faite d’énoncer crument que je préférais le Bakchich d’avant.
Tout simplement parce que ce dernier avait eu – un temps – les moyens de ses ambitions, pouvait se livrer à de véritables enquêtes d’investigation, qui me sont tout autant à présent hors de portée (à moins, bien sûr, de m’acharner en chevalier blanc, en don Quichotte obstiné à se ruiner et y laisser sa santé).
L’actuel site de Bakchich, avec x fois moins de moyens, semble devoir se situer sur la ligne de celui de Rue89.
Soit tenter de suivre l’actualité en apportant un éclairage différent, et privilégier l’analyse et les faits de société, dans la veine de l’ancien-nouveau journalisme.
Ce n’est pas négligeable (litote).
Cela consiste aussi à relever, dans la presse étrangère, des faits insolites.
Ainsi de ce sujet « Ponzi chez les Amish ». Ou de précéder de peu la condamnation du pape catholique romain de la mafia calabraise en s’intéressant aux recherches de Fabrice Rizzoli sur la France, « terre d’accueil des mafias ». Dommage que les signataires du sujet sur les Amish, Woodward et Newton, n’aient pas assuré de suivi : l’histoire de l’escroquerie chez les Amish s’est prolongée depuis par des raids dans les communautés, les assaillants se livrant à des tontes sauvages de chevelures et de barbes. Mais on ne peut être partout, et toujours sur la brèche (c’est aussi un sujet que j’ai choisi de ne pas traiter, faute de temps, de documentation permettant d’aller plus loin que la redite, le pompage de la presse étrangère).
Concentration
France-Soir renoncerait à sa publication papier, le groupe belge éditant Le Soir serait en passe de sauver la mise du groupe Hersant medias. Ce qui conduirait, au nord de la Loire (mais pas que… loin de là), à se retrouver avec une presse régionale largement dominée par le Crédit mutuel, Ouest-France, et le groupe Rossel. Lequel pourrait faire des économies d’échelle touchant à La Voix du Nord, Le Courrier Picard, L’Union, L’Ardennais, et quelques autres titres (dont Paris-Normandie), dont les zones de diffusion buttent contre celles du Crédit Mutuel (à l’est) et d’Ouest-France.
C’est dire à quel point un Bakchich n’est pas à négliger. Car c’est rarement dans ces grands groupes qu’une information innovante, différente (enfin, si, mais pour traiter des sujets rentables, souvent les mêmes, remis au goût du jour), est encouragée, soutenue, promue. Les localiers ou reporters qui s’y essayent finissent par émigrer, ou rentrer dans le rang, publiant parfois des bouquins pour compenser leurs frustrations. J’admets, c’est caricatural de l’énoncer ainsi, mais les notables exceptions ne contredisent que rarement la règle.
Un, deux, trois au plus
Le nouveau rythme de croisière de Bakchich, c’est en moyenne, un à deux sujets quotidiens. Bien sûr, il y a aussi le « dessin du jour », et quelques rubriques annexes ou connexes. Évidemment aussi les sujets Bakchich TV. Les sujets dominants « ne mangent pas de pain » : entendez qu’ils ne nécessitent pas – ou très peu – d’engager des frais de reportage, de déplacement, et que le talent, le style, la documentation doivent compenser. Peut-être qu’en cas d’exclusivité très porteuse il serait consenti un effort, dans l’espoir que le reste de la presse reprenne, répercute, en créditant. Par le passé, la confraternité hors du cercle des mieux nantis se faisant chiche, Bakchich n’a guère bénéficié de retombées pour ses exclusivités.
Talent, donc, et Jacques Gaillard n’en manque pas. Son approche de la classe politique (« Candidat »), illustrée par RayClid et Morvandiau, est savoureuse au possible. Il l’amorce avec Cicéron, Quintus, pour introduire l’envoi : « Un candidat, cela se fabrique, c’est un artefact à la Rubens, pas un ready made à la Duchamp ». Éloge du factice, du simulé, de l’artifice ? Voyez Onfray, Bédard, Scarpetta (et leurs prédécesseurs) : Gaillard les a sans doute lus, mais ne les « ramène pas » (pas comme moi à présent). C’est décapant, pertinent. Ainsi de la remarque que la gauche « doit déployer un art de persuader supérieur » face à une droite pour qui « tout est naturel » (et frappé au coin du bon sens des possédants et de ceux aspirant à le devenir). Décider, c’est renoncer, au moins à quelques options, voire principes. À la veille du second tour des primaires socialistes, c’est lestement remémoré. On a bien bu, il faut éliminer.
Se démarquer
N’ayant pas vu The Artist, avec Jean Dujardin dedans, je ne sais si Marc Godin a voulu de démarquer des autres critiques, qui ont fort bien accueilli, voire encensé ce film muet. « Une promo aussi rôdée qu’un tract UMP, » estime-t-il. Tout cela pour un scénario pompé de Chantons sous la pluie et « un rôle aussi épais qu’un sandwich SNCF pour Dujardin. ». Bon, c’est une façon de voir, car les sous-traitants de la SCNF s’y entendant pour gonfler leurs sandwichs, en aérer la mie, cela peut s’entendre de deux manières : raplapla ou baudruche. Heureusement, Godin ne nous laisse pas sur notre faim en suggérant de mordre dans « L’Aurore, le DVD de chez Carlotta » (The Sunrise, de Murnau, aussi commercialisé avec City Girl, je le signale au passage).
De même que j’avais relevé que le Handelsblatt doutait de la solidité de l’économie allemande (« Crise de la dette… »), Woodward et Newton continuent d’expliquer la crise « à ma manucure », scrutent l’actualité d’outre-Rhin en se les tenant (les rognons) à lire et relire les commentaires sur la solidarité européenne des Allemands. Après tout, ayant réussi leur réunification grâce à l’Union européenne (par eux-mêmes, aussi), ils pourraient être à présent tentés de jouer cavalier seul.
L’éditorial du 6 octobre, égratignant la mémoire de Steve Jobs en rappelant ô combien les sous-traitants chinois d’Apple étaient surexploités, tranche aussi avec la tonalité de tous les papiers ayant déploré la disparition d’un génie. Lequel avait surtout pillé la concurrence (je pourrais largement développer, depuis la période Palo Alto). On se souvient aussi qu’Apple, un moment, histoire de soutenir les ventes de ses systèmes d’exploitation, avait encouragé la fabrication de clones de ses matériels… avant d’étrangler sommairement ceux qui s’y étaient risqués avec sa bénédiction transformée en excommunication. J’aurais dû m’en souvenir (Bakchich n’en s’en est pas non plus souvenu sur le moment, ni par après) et vous évoquer le StarMax de Motorola, l’Apple II+ de Bell & Howell, les Tiger et autres Outbound, Unitron… Qui a tué les clones qui, parfois, voire souvent, étaient plus performants que les Mac ? Jobs, Steve… Laissant le seul Umax, un temps, exploiter le SE 8, jusqu’en 1998.
Xavier Monnier a aussi exhumé la lettre ouverte de Jennifer Mendelewitsch à la FFF (football). Elle avait fait paraître, à Lausanne (chez Favre), un Raymond Domenech Hors-jeu. Vous croyez que c’est dans L’Équipe que cette savoureuse missive aurait pu paraître ? J’ai bien cherché, je n’ai pas trouvé sur le site de L’Équipe. Lisez donc « Une démangeaison pour Noël Le Graet ». Convaincus de l’utilité de Bakchich ?
Cartes postales
C’est aussi Bakchich qui relaie l’opération de CCFD-Terre Solidaire.
Voyez le site de Bakchich ou, direct, www.aidonslargent.com.
Envoyez donc au G20 des cartes postales made in Seychelles, la City de Londres, ou Antigua et la Barbade…
Alors oui, je préférais Bakchich avant.
Mais je ne l’en aime pas moins autant, si ce n’est davantage.
Ou encore Le Tigre (.net), Le Ravi (.org), le mensuel CQFD (cequilfautdetruire.org), et quelques autres dont vous trouverez les liens en bas de page d’accueil de Bakchich. Guy Birenbaum aussi, qui la joue solitaire.
DijonScope (plutôt signalé par Mediapart), manque à la liste. Dommage. Son « Avons-nous les moyens de l’étalement urbain », d’Hanaë Grimal, n’a pas qu’une valeur régionale bourguignonne.
Ah oui, tiens, au fait, si je vous signale DijonScope, c’est que Le Bien Public et Le Journal de Saône-&-Loire lui avaient intenté un procès (sans que les journalistes de ces titres ne se manifestent trop fort). Ces deux journaux sont dans l’escarcelle du Crédit Mutuel (voir supra, via le groupe de presse Ebra). Le CM et le groupe Ebra s’étendent de l’Ardèche aux Vosges… Il s’agit de philanthropes, bien sûr, qui ne veulent que du bien à votre argent. Qui soutiennent le « développement durable ». Surtout celui de la presse indépendante ? Vous pouvez leur envoyer aussi des cartes postales…