C’est un bien étrange film qui explore l’état de deuil d’une famille trois ou quatre ans après le décès par accident de voiture de la mère, (Isabelle Huppert) ; photographe de guerre, elle sillonnait les pays en proie à des conflits, y immortalisait l’éphémère beauté de l’horreur…De cet engagement professionnel, la mère devait sans doute pâtir tout comme les enfants, le mari. Sa disparition laissera un grand vide comme en témoigne le quotidien de la famille dans lequel va nous plonger le film pendant plus d’une heure trente. 

C’est justement à l’occasion de la préparation d’un hommage posthume à travers une exposition de ses photographies que les blessures non cicatrisées de ses proches se verront ravivées. Assemblage de ces bribes de souvenirs exhumés formant comme un improbable puzzle.  L’incommunicabilité entre les membres de cette famille plus particulièrement entre le père et son benjamin de fils Conrad, emmuré dans le silence, est oppressante. Les errements psychologiques de cet insaisissable lycéen mis à l’écart d’un secret de famille, (Devin Druid),attestent des extrêmes dangers auxquels pourrait s’exposer un jeunes fragilisé rendu plus appâtable. Si bien que l’on peut souvent se surprendre à retenir son souffle de peur qu’il ne se lance au sein de son lycée dans un de ces assauts explosifs devenus légion en cette époque… 

On se fera ballotter ainsi en douceur pour se familiariser avec les pérégrinations sentimentalo-dépressives de Gene Reed le père, (Gabriel Byrne), celles de Jonah,(Jesse Eisenberg) le fils aîné. La mélancolie suinte de partout à travers les portraits de ces trois personnages frappés d’une désillusion à l’intensité inversement proportionnelle à leur âge respectif. Convoitées, les vaporeuses apparitions en flash back d’Isabelle sont rares, saisissantes de beauté, alors que tout le film gravite autour de son fantôme ! 

Joachim Trier réussit là à filmer de manière aussi intimiste que minimaliste le mal être de ses personnages. Sa caméra décrypte les 50 nuances des émotions : le visage moucheté de tâches de rousseur, le regard si expressif d’Isabelle Huppert ; celui de Conrad, etc. N’empêche qu’on peut bizarrement se surprendre en fin du film toujours au seuil de cette maison lumineuse aux multiples baies vitrées plantée en pleine nature… 

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