Réalisateur : Joel et Ethan Cohen
Date de sortie : 17 février 2016
Pays : USA, UK
Genre : Comédie policière
Durée : 100 minutes
Budget : 22 millions de dollars
Casting : Josh Brolin (Eddie Mannix), George Clooney (Baird Whitlock), Alden Ehrenreich (Hobie Doyle), Ralph Fiennes (Laurence Laurentz), Scarlett Johansson (Dee Anne Moran), Tilda Swinton (Thora/ Thessaly Tacker), Channing Tatum (Burt Gurney)
Ave, César ! est le film des retrouvailles. Quatrième collaboration pour George Clooney et les frères Cohen après O’Brother, Intolérable Cruauté et Burn After Reading. Troisième fois pour Josh Brolin, après avoir brillamment opéré dans True Grit et No Country For Old Man. Mais première fois que la fine équipe travaille ensemble. Ave, César ! c’est aussi l’occasion de clore la « trilogie des idiots » entamée par O’Brother en 2000. 16 années pour parvenir à une idiotie mature, une idiotie bien mûre, prête à être consommée par le spectateur. Le titre pourrait faire penser à un péplum mais il n’en est rien, il s’agit plutôt d’une mise en abîme dans le monde impitoyable du cinéma des années 1950.
L’autre titre du film aurait pu être : « la folle journée d’Eddie Mannix » (plus honnête et un hommage à John Hugues en passant) directeur du Capitole, le studio de cinéma où tout se déroule ou presque. Au programme : des conflits internes à gérer, des accords à négocier, des acteurs capricieux à materner, des réalisateurs à rassurer, des journalistes à éviter, des agissements douteux à élucider et une vie privée très écourtée. Le film est bourré de personnages, ça grouille comme dans une fourmilière ! Tellement que l’on s’y perd à force de passer d’une histoire à l’autre. On entame celle d’un personnage sans réellement la terminer.
Cela passe du kidnapping de la grande star des plateaux, celle que l’on utilise pour les grosses productions ce qui met en péril la suite du péplum en cours de réalisation (Clooney), à l’actrice pulpeuse parlant comme une vachère souffrant de gaz devant gérer l’annonce de sa grossesse (Johansson), sans oublier le jeune premier, star des films de cowboy, qui par soucis d’agenda doit jouer dans un drame romantique alors qu’il n’a aucune once de théâtralité (Ehrenreich), à cela se rajoute le réalisateur de ce drame exaspéré par sa nouvelle recrue (Fiennes), mais aussi la belle gueule qui fait des claquettes et qui chante terriblement bien (Tatum), tout en prenant en compte l’embarrassant réalisateur suédois coureur de jupons profitant des charmes des actrices qu’il dirige (Lambert), puis en ménageant les deux sœurs jumelles journalistes prêtes au chantage pour écrire un scoop et salir la réputation des acteurs (Swinton), ainsi que le recruteur d’une société gouvernementale faisant les yeux doux à Mannix pour le débaucher (Blackman), un étrange homme à tout faire, bien utile pour se sortir d’une situation houleuse (Hill) et pour finir le groupe de scénaristes communistes, dupés par les studios. Pas facile de s’y retrouver !
L’intrigue principale s’évente rapidement pour laisser place à une multitude de sous intrigues à tiroir pas toujours intéressantes. Malgré tout elles ont le mérite de dépeindre le cinéma comme un monde de fous, derrière les strass et les paillettes se cache des personnes névrosées, un univers géré par l’image et l’argent. De l’argent mal redistribué si on en juge les griefs de scénaristes lésés par les producteurs se réservant la part du lion lors de la signature des contrats. Un clin d’œil, voulu ou pas, à la crise qui avait secoué le monde du cinéma et des sériés américaines il y a quelques années ce qui avait occasionné des pertes sèches et des modifications dans les scénarii originels de nombreux programmes.
Le film est long même s’il est sensé se passé sur 24 heures, il y a tellement de choses à voir que ça en devient brouillon. Malgré ce côté « sac de nœuds », l’humour reste présent, quoi de plus normal quand l’idiotie est le thème abordé. Et des idiots, il y en a ! Pas seulement George Clooney, crétin qui ne comprend pas ce qui se passe autour de lui, sympathisant avec des communistes, pourtant érigés comme véritable bête noire de la société américaine. Il y a aussi Ehrenreich, emportant avec lui son petit univers de cowboy texan pas très futé, 2 concepts pas très en phase occasionnant de beaux télescopages. Les intellectuels aussi sont des idiots car attirés par le communisme, persuadés qu’il s’agit d’un régime politique idéal où se fait une juste répartition des biens. Cette forte concentration de protagonistes nuit au talent des acteurs car ils ne sont pas assez présents à l’écran pour déployer l’étendu de leur compétence. Une léger gâchis quand le casting est de cette qualité.
Malgré ces points faibles, le film brille pour sa reconstitution des années 1950. Les décors, les costumes, les voitures, les maisons, les personnes qui clopent allègrement dans les lieux publics, les musiques, tout y est ! Idem dans les choix des films produits par le Capitole, péplum, western, films de claquettes et mélodrames bourgeois, des genres prisés par cette Amérique d’Eisenhower. Une période faste pour le cinéma caractérisée par des teintes majoritairement dorée. Les plus cinéphiles pourront apprécier une certaine critique des frères contre la main mise qu’avaient les producteurs sur les acteurs et les réalisateurs par le biais de contrats pas toujours justes. Des grands manitous laissant peu de place au hasard et ne pensant qu’à l’image de marque, il n’y a pas de vie privée ni de vie publique, il y a juste le cinéma. Ave, César ! est un film intéressant et de bonne qualité mais il n’est pas aussi bien fini et touchant que No Country For Old Man ou O’Brother.