La crise économique a posé une chape de plomb sur nos têtes, nos médias, nos politiques et plus particulièrement nos grands secteurs industriels. L'automobile tangue ainsi dangereusement, les annonces de suppressions d'emplois se multipliant. Le gouvernement y est allé de ses milliards, enfin je veux dire de nos milliards, pour provoquer la relance. Sans que l'on comprenne très bien la vocation de ces aides directes, les éventuelles contreparties attendues et le spectre des entreprises concernées. On pourrait se croire sur le Titanic en plein naufrage avec un commandant distribuant les invitations à sa table pour la soirée du lendemain…
mais heureusement non, ma mauvaise foi est battue en brèche puisque la pertinence de cette politique, disons simpliste, saute déjà à nos yeux ébahis. A commencer par ceux de Luc Chatel, notre Secrétaire d'Etat à-ce-qu'il-nous-reste-d'Industrie. Comme l'homme est généreux, il n'a pas manqué de largement partager la nouvelle : "Aujourd'hui le groupe Renault va annoncer le rapatriement de la production d'un véhicule jusqu'à présent réalisé hors de France dans l'usine de Flins, ce sera un surplus d'activité pour cette usine". Bon, les plus difficiles argueront qu'il est heureux qu'un rapatriement de production implique un surplus d'activité mais qu'importe la nouvelle est d'importance : c'est peut-être un vrai tournant, un revirement majeur, car le terme est bientôt lâché, voici venu le temps des rires et des chants et des… relocalisations. Pensez donc, une des peurs majeures des français, les délocalisations, renvoyée aux oubliettes, exit les fermetures, le manque de compétitivité et les pays émergents, elles reviennent. Qui donc ? et bien les entreprises voyons ! voyez Renault, la Clio fabriquée en Slovénie revient par chez nous, à Flins. Et 400 emplois avec. Emballé c'est pesé, un ordre nouveau est en marche, enfin presque. Déjà il n'est pas trop nouveau puisque Renault est assez coutumier du fait, un fait somme toute plutôt banal puisqu'il ne s'agit pas de privilégier des sites ou des pays mais simplement de répondre à une demande. En ce sens, on saluera, en ces temps de disette, l'existence d'un besoin, en l'occurence la Clio. L'effet prime à la casse nous dit-on, un effet à double tranchant puisque manifestement ce sont les petites cylindrées qui tirent seules leur épingle du jeu. Au détriment de modèles plus puissants et plus élaborés. Une surproduction à assurer en France, c'est une activité temporaire de plus, certes, mais pas une stratégie non plus. Encore moins un changement de cap : l'usine française est sollicitée pour gérer le surplus que son homologue slovène, au taquet, ne peut assumer… alors bien sûr, faire le rapprochement avec ces fameux prêts de six milliards d'euros à taux préférentiels pour les deux constructeurs nationaux Renault et PSA Peugeot Citroën, en contrepartie d'engagements sur le maintien de la production en France était tentant, ça tombait même pile poil. Oui mais voilà ce n'était pas vrai. Pire, elle suscite de faux espoir puisque d'embauche il ne sera pas question, tout juste Renault envisage t'il de solliciter les… chômeurs partiels, la belle affaire. L'annonce hâtive, précédant même l'annonce officielle du constructeur, du Secrétaire d'Etat a donc fait long feu et ne prêterait peut être pas tant à conséquence si :
elle ne servait à justifier dans la précipitation ce que l'on aurait pu espérer être un plan réfléchi, soigneusement élaboré et parfaitement maîtrisé
elle ne provenait pas de celui qui a comme autre casquette d'être… porte-parole du gouvernement.
Du coup sa précipitation comme son opportunisme inquiètent et le spectre de l'à-peu-prés et du joyeux amateurisme guette…
D'autant que Luc Chatel, si prompt à s'emparer d'une fausse bonne nouvelle devant micros et caméras l'est beaucoup moins pour recevoir les élus en difficultés comme Richard Jarrett. Vous me direz c'est plus sexy d'annoncer des relocalisations slovènes que de recevoir le maire… d'Auchel. Certes. Mais cette petite ville du Pas de Calais, jadis florissante, perd son dernier gros employeur, Faurecia, détenu par PSA, un groupe aidé dernièrement il me semble par un plan imparable. 600 emplois sur la ville sont condamnés en 2010 et notre nouveau roi des médias ne délègue que son directeur de cabinet pour recevoir l'élu pourtant de droite. Drôle de sens de la mesure, de la mesure de cette crise contemporaine unique par un homme au pouvoir ! Et que croit-il donc qu'il se passera dans ces terres travailleuses mais privées de travail ? Le long des corons désaffectés, murés, témoins d'un passé révolu la colère gronde. Est-ce le sort attendu de l'usine Faurecia que de la murer sans omettre de lui associer bientôt un musée où se souvenir ? Le personnel, et toute une ville avec, ne l'entend pas de cette oreille. L'usine est bloquée depuis quinze jours dans l'indifférence générale. Une première médiation vient d'échouer, la lutte se poursuit. Alors bien sûr, on peut agiter un petit foulard rouge et brandir la menace de l'extrême gauche, mais la réalité Monsieur le Secrétaire d'Etat porte-parole est tristement plus banale : des gens comme il faut, volontaires comme tout le monde pour travailler, payés petitement mais qui se débrouillent, que l'on va balloter d'un site à l'autre quelques temps avant de les écarter discrètement mais sûrement du monde du travail. Sans retour.
En attendant, la ville se meurt paisiblement et on espère sans bruit pour ne pas troubler les prochaines annonces triomphantes venues de Paris.
En attendant, Faurecia négocie, 800 euros pour reprendre le travail, et Luc Chatel se cache parce que 800 euros, c'est finalement le prix de la misère annoncée, et c'est bien peu au milieu de tant de milliards.
Alors gare au retour, notamment au retour de manivelle…
"Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait faire bientôt éclater la terre" Germinal.