Casino : la finance mondialisée à l’assaut d’un groupe français fragilisé

Fragilisé par sa dette, le groupe Casino est la proie depuis plusieurs mois d’attaques massives et répétées de fonds spéculatifs anglo-saxons. Alors que sa maison mère Rallye est entrée dans une procédure de sauvegarde, les salariés craignent d’être les premières victimes de ces spéculations.

Les attaques ont été d’une violence sans précédent. Les short sellers, ces fonds spéculatifs anglo-saxons qui utilisent la vente « à découvert » pour s’enrichir en faisant chuter artificiellement le cours de l’action, ont fait de Casino depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, une cible privilégiée.

Déjà, en décembre 2015, le fonds activiste américain Muddy Waters avait attaqué Casino sur son endettement et la complexité de sa structure. Puis il avait relancé les hostilités à la fin de l’été 2018, entraînant dans son sillage plus d’une quinzaine d’autres hedge funds et provoquant une chute de l’action de 17 %. Une offensive massive et apparemment coordonnée, dénoncée par Jean-Charles Naouri, le PDG du groupe Casino, lui-même.

Certains fonds activistes anglo-saxons se sont en effet spécialisés dans cette stratégie de spéculation à la baisse utilisant les ventes « à découvert ». Chassant souvent en meute, ces « vautours de la finance » peuvent ainsi manipuler des volumes d’actions impressionnants, allant jusqu’à déstabiliser les entreprises visées.

Malgré la réduction drastique de la dette du groupe Casino – divisée par trois en quatre ans via un vaste plan de cession d’actifs non stratégiques, notamment immobiliers – et malgré les bons résultats annoncés en mars dernier qui viennent valider le business model du distributeur, en pointe sur le digital et le commerce de proximité, les attaques ont continué. L’action Casino restait toujours la valeur la plus « shortée » de Paris, les ventes à découvert représentant 35 % de son capital flottant le 23 mai dernier.

C’est d’ailleurs à cette date et pour se protéger des attaques répétées et de grande ampleur menée par ces fonds spéculatifs, dont Casino est la cible depuis de longs mois, que la société Rallye, actionnaire de contrôle du groupe Casino, ainsi que les sociétés Foncière Euris, Finatis et Euris, ont décidé d’entrer dans une procédure de sauvegarde. Une procédure qui suspend le service de la dette bancaire et obligataire pour une période de six mois – renouvelable deux fois – et qui va donc donner du temps à Rallye pour négocier avec ses créanciers.

« La procédure de sauvegarde va permettre à Rallye de travailler, sereinement, en concertation avec ses créanciers, à un plan visant à pérenniser son rôle d’actionnaire de contrôle du groupe Casino grâce à une structure de financement adéquate, durable et renforcée », a ainsi expliqué Jean-Charles Naouri aux salariés du groupe.

Casino n’est pas concerné par cette procédure et reste concentré sur l’exécution de son plan stratégique. Durant la période de sauvegarde, le distributeur n’aura plus à verser des dividendes élevés pour permettre à ses actionnaires (Rallye, Finatis, Euris) de payer leurs intérêts d’emprunts. Casino devrait ainsi pouvoir dégager plus de cash flow pour investir, poursuivre son désendettement et rassurer les marchés financiers. Et lorsque l’action Casino monte, la valeur des actifs de sa maison mère Rallye augmente, ce qui est aussi une bonne nouvelle pour ses créanciers.

Même s’ils ont bien compris la pertinence de cette stratégie, les salariés ne sont pas rassurés pour autant. Dans un groupe qui n’a jamais connu de plan social, les inquiétudes sont fortes tant les attaques de la finance mondialisée sont virulentes depuis un an. Les syndicats craignent que la société Rallye ne doive « céder des parts à des fonds prédateurs pour rembourser sa dette », ce qui représenterait « un vrai risque de démantèlement du groupe avec un fort impact social ». Les syndicats se tournent désormais vers les pouvoirs publics et leur demandent de tout faire pour empêcher un démantèlement du groupe : 75 000 emplois sont en jeu rien qu’en France. Compte tenu de l’émoi suscité, à raison, par les 1000 suppressions de postes à Belfort chez General Electric, le gouvernement serait bien inspiré de s’emparer rapidement de ce dossier.