Critique de l’éclat de Dieu, Romain Sardou.

Le roman chrétien n’est pas en vogue. Romain Sardou (fils du chanteur du même nom, les parenthèses sont à respecter puisque l’auteur est connu pour ne pas tirer profit de son nom)  est un habitué des romans médiévaux. Dans le passé français, difficile de ne pas allier religion et Moyen Âge. Pour autant le roman réussit par là même où le lecteur attendait de le voir échouer : revendiquer une intrigue, un fond réellement chrétien, sans se détourner d’un lectorat non religieux.

Qu’est-ce que le Temps ? Voilà la question soulevée par le roman. Car au-delà des guerres de religion, malgré le thème du pèlerinage, le fond véritable sur lequel se penche l’auteur est notre place dans le Temps. L’Eclat de Dieu, sorte de relique de Salomon, attirant les convoitises des Chrétiens comme des Musulmans, serait doté du pouvoir de nous montrer toutes les « versions » différentes de nous-mêmes, à travers le Temps.

Romain Sardou nous livre d’abord des pistes. Le Temps, éternel, nous forcerait à répéter les mêmes actions ou bien nous proposerait de prendre d’autres chemins. « Si le Temps est sans limites, s’il s’écoule à jamais vers le futur, on peut raisonnablement penser que ce jour que nous vivons aujourd’hui possède une « infinité de chances » de demeurer unique dans l’Histoire, mais qu’il a aussi une égale « infinité de chance » pour qu’il se reproduise dans l’avenir. » (p.392, éditions Pocket)

Mais il n’est pas simple d’écrire un roman dont l’action se situe à deux époques différentes. C’est pourtant là tout l’intérêt de l’histoire. Les mêmes personnages, les mêmes intrigues, à plusieurs millénaires de distance dans le Temps. Les uns au Moyen-Âge, les autres dans l’espace. Une attirance pour la Science-fiction qu’il explique ainsi : « Il est bon de renouveler les sources d’émerveillement, dit le philosophe. Les voyages intersidéraux ont refait de nous des enfants. » (Ray Bradbury, Chroniques martiennes). Une citation qui rejoindra de nombreuses autres, ainsi débutant chaque chapitre du livre. Malgré la distance, les personnages se rejoindront, à but commun, actions communes. Destin identique ? Il faudra lire le livre pour le savoir.

On pourrait s’étonner du mélange entre le futur et le Moyen-Âge, entre la Science-fiction et le pèlerinage religieux. L’auteur s’en défend pourtant par une habile citation empruntée à Nerval : « Il y a, certes, quelque chose de plus effrayant dans l’Histoire que la chute des empires, c’est la mort des religions. Avec le scepticisme de notre époque, on frémit parfois de rencontrer tant de portes sombres ouvertes sur le néant. » (in Quintus Aucler) Peut-être Romain Sardou est-il désireux des mêmes volontés de Quintus. Car ajoutait Nerval : « On doit peut-être savoir gré à Quintus Aucler d’avoir, dans une époque où le matérialisme dominait les idées, ramené les esprits au sentiment religieux. » (in Quintus Aucler)

S’il existe différentes versions de nous-mêmes, dispersées dans le Temps, les mêmes actes entraînent-ils les mêmes conséquences ? Sommes-nous prisonniers du Temps ?