Au nom du maire

Aujourd’hui et dimanche prochain, tous les français et les françaises en âge de voter, soit plus de 44 millions de personnes, seront invitées à glisser leur bulletin dans l’urne de leur bureau de vote. Les 36682 communes seront en effervescence, des salles prévues à cet effet seront réquisitionnées toute la journée durant, des isoloirs montés, des poubelles positionnées à proximité afin que les listes n’obtenant pas la faveur de l’électeur y finissent leur vie. En effet, au terme de ces deux week ends, beaucoup de candidats auront perdu, peu auront gagné, pour certains ce sera la première fois, pour d’autres la énième qu’ils reprennent les rênes de leur ville. Mais d’où vient cette tradition ?

 

A l’instar d’un album d’Astérix, les chefs des villages étaient choisis, parmi les habitants, pour leur force, leur capacité à gérer des troupes, les affaires quotidiennes, leur diplomatie et un charisme unique. Cela se faisait progressivement, au cours des années, un homme se détachait du lot et prenait la tête de ses concitoyens.

 

L’origine du mot « maire » vient du latin « major »signifiant « le plus grand », « le principal », il était dans les villas romaines celui chargé de l’intendance, toutes les affaires de la maison transitaient par lui. Accolé au terme « domus », nous avons aujourd’hui le mot « majordome ». L’Antiquité a cessé, l’empire romain a périclité et le Moyen Age s’est installé, le maire est à cette époque le principal collaborateur du seigneur au sein d’un village, ou du palais royal auprès du roi. Ses charges sont référencées dans ses grandes lignes dans l’œuvre de l’abbé Irminon au début du IX ème siècle, le Polyptyque.

 

Au XIème siècle, le pouvoir des communes progresse et elles souhaitent s’émanciper de la tutelle parfois oppressante des seigneurs. Des villes flamandes et nord-italiennes commencent déjà à s’autogérer, s’étant enrichies fortement par le commerce, leur structure politique devient forte et leurs élites ne plient pas face aux seigneurs. Attention à ne pas confondre à cette époque, ville franche où les bourgeois rachètent des droits seigneuriaux pour s’en servir à leur guise, par exemple l’utilisation du puits ou encore des péages, et les communes où un conseil municipal se met en place. On estime que la première commune française est Le Mans, instaurée en 1070. Les rois capétiens encouragent ces initiatives, ils y voient une façon de peser contre l’hégémonie grandissante des seigneurs. C’est alors que de nombreuses communes obtiennent des chartes avec la liberté de choisir leurs représentants issus des élites, des notables, les pauvres continuent leur misérable existence et ne sont que peu représentés.

 

Au fil des siècles, communes et villes franches se confondent et la différence entre les deux devient perméable, du fait de leur administration semblable. Elle se compose d’un maire choisi par le roi parmi les personnages importants et de ses échevins. Attention, dans le Sud, petite particularité, les maires sont encore élus au suffrage censitaire et sont appelés consul. Par l’édit de 1692, la fonction de maire, et celle d’assesseur, deviennent payantes, pour deux années, les bourgeois peuvent s’en procurer une, cela rapporte de l’argent à l’Etat et limite encore d’avantage l’accession. En 1764-65, le Contrôleur Général Laverny réforme la structure des communes afin d’uniformiser leur gestion. Tout d’abord dans celles de moins de 2000 habitants, il n’y a plus de maire, mais des syndic-receveurs, dans celles de 2000 à 4500, tout comme celles supérieures à 4500, le pouvoir est donné à une Assemblée de notables, élus au suffrage indirect par les différents corps de métiers, pour une durée 3 ans, il y a 3 maires et les échevins le sont pour 2 ans. Une réélection ne peut se faire qu’après une pause de 3 ans.

 

En 1771, une fois de plus les coffres du pays sont vides si bien que des offices payants sont remis en circulation. Dix sept ans plus tard, les archives des mairies commencent à se constituer officiellement, on stocke les notes des délibérations et la vie communale prend forme en rythmant les séances du conseil municipal, ce sera 1 fois par semaine dans un lieu précis. Le 14 décembre 1789, les révolutionnaires structurent la nation, le terme de « maire » est instauré partout en France, il revêt la tenue officielle avec l’écharpe tricolore bordée d’or et de blanc, il lit les textes législatifs avant ou après la messes, il est élu pour 2 ans, à la majorité absolue au premier et deuxième tour, puis relative au troisième. Le suffrage reste censitaire par le biais d’un impôt valant 3 journées de travail par mois.

 

Napoléon Bonaparte devenant Premier Consul, bouleverse la donne pour assurer son pouvoir. Il nomme les maires des villes de plus de 5000 habitants, charge aux préfets de nommer les autres. Les maires agissent bénévolement, ils ne reçoivent aucun émolument de ce fait, la charge est souvent occupée par des rentiers ou des hommes exerçant des professions libérales, notamment les notaires. Les conseillers municipaux sont supprimés car le maire incarne une forme de pouvoir absolu, gestion des biens et de la police, mais également bienveillant, en 1833 il fait en sorte qu’il existe une école dans sa commune. Ce mode de fonctionnement perdure jusqu’à la IInde République puis vient le coup d’État du « petit neveu » le 2 décembre 1851.

 

La fonction de maire est purgée par les pions de l’empereur car il y voit un foyer d’anti-bonapartistes. Rapidement, ils sont traqués et emprisonnés, les devises de la république sont retirées des façades des mairies. 1870 et la défaire de Sedan font émerger la IIIème république dans un pays meurtri par la défaite. Elle se consolide un socle républicain dans la douleur et le sang et ce n’est qu’en 1884 que les règles communales sont instituées. Une réforme, marquée par les antécédents de 1789, et qui a toujours cours actuellement avec des petites améliorations. La mise en place d’une indemnité en 1942, 50 ans que les maires la demandaient et le suffrage ouvert aux femmes en 1945. La seule coupure à ce système fut la période Vichy où Pétain choisit lui même ses chefs de communes. Une fois ces lignes lues, il faudra voter car choisir ses représentants locaux est peut être plus important que les nationaux, loin des préoccupations des provinces.