Certains en font l’incarnation d’une menace qui pour être attentatoire à la diplomatie est forcément terroriste. Julian Assange est pour nombre de personnes dans le monde un quasi criminel à arrêter d’urgence. Et pourtant l’un de ses plus illustres prédécesseurs, Daniel Ellsberg, montre qu’à ce petit jeu là les gouvernements n’ont pas toujours gain de cause.
Pas un jour sans que « l’affaire Wikileaks » n’ait son flot d’indignations ou d’accusations émanant de hauts responsables politiques dénonçant l’irresponsabilité des agissements de Julian Assange. Et pourtant loin de nier le caractère potentiellement utopiste de cette démarche, il semble intéressant ; en parallèle de tout ce que Wikileaks nous dit des médias, de la politique, de l’idéal démocratique et du principe de transparence, idéal jusque là irréalisé des Lumières, d’identifier d’éventuels précédents.
Au premier rang d’entre eux figure bien sur le cas de Daniel Ellsberg, qui durant l’été 1971 révélât au public les fameux Pentagon Paper. Alors expert de la défense cet homme, docteur en économie de Harvard, était à l’époque âgé de 40 ans. Des mois durant il photocopia, et oui internet facilite grandement le travail aujourd’hui, les 7000 pages d’un rapport secret rédigé à la demande de McNamara sur l’implication politique et militaire des États-Unis dans la guerre du Viêt Nam de 1945 à 1971.
A l’époque l’affaire fit grand bruit. Comme pour Wikileaks de grands journaux s’était emparé de ces 47 volumes pour tenter d’informer l’opinion publique. Et la classe politique, diplomates en tête, avait hurlé à l’irresponsabilité. Informer les citoyens sur ce qui doit rester secret ? Pensez donc c’est une infamie.
Pour de tels actes Ellsberg avait été poursuivi pour vol, conspiration et espionnage, le cabinet de son psychiatre avait même été cambriolé, sa carrière se trouva stoppé net. Persuadé, à juste titre vraisemblablement, que le retournement de l’opinion publique contre la guerre datait de cette affaire, l’administration Nixon organisa son espionnage et son harcèlement.
Mais Ellsberg résista et ne renia jamais rien des engagements et des convictions qui avaient guidés son action. En 1973 Ellsberg fut acquitté et le New York Times, qui fut poursuivi pour avoir publié des extraits du document, s’en sortit, lui aussi, sans encombre. Le jugement de la Cour Suprême (The New York Times Co. Vs United States) fit même précédent
Preuve en est que certes Assange peut se voir comme un utopiste à l’attaque d’une forteresse bien défendue. Son action ne doit vraisemblablement pas se passer de notre point de vue critique. Mais notons, tout de même, qu’il peut très bien faire l’histoire, tout comme Ellsberg pu, dans « l’illégalité », la controverse et les risques, la faire.