Dans la presse écrite francophone apparaissent des commentaires relatifs à l’article du premier ministre russe Vladimir Poutine intitulé « La démocratie et la qualité de l’Etat », publié en pleine contestation électorale à Moscou dans le quotidien de renom « Kommersant ».

En effet, cet article traitant de la démocratie et pouvant être considéré d’une part, comme une tentative du futur candidat à la présidentielle du 4 mars de calmer les esprits en promettant aux contestataires un renouveau démocratique et d’autre part, comme une ébauche de son programme électoral, ne peut que provoquer un intérêt tout à fait justifié de la presse internationale.

 

Il semble toutefois que soit la presse ne veut comprendre que ce qu’elle veut comprendre, soit elle ne comprend pas du tout certaines déclarations du premier ministre russe.

Ainsi « Le Monde » donne une interprétation suivante à un des passages : "Nous n’avons pas besoin d’une situation où la démocratie est réduite à une enseigne, lorsqu’un spectacle politique et un casting de candidats sont présentés comme le pouvoir du peuple", a-t-il déclaré, dans une allusion apparente aux manifestations de l’opposition. »

« Le Point » ne reprend que quelques mots du même passage et va dans le même sens : « Le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, a appelé, lundi, à un renouveau des mécanismes démocratiques tout en critiquant "les spectacles politiques" organisés par l’opposition, qui a de nouveau rassemblé des dizaines de milliers de Russes à Moscou samedi. »

Il est difficile de voir même dans ces citations maladroites des 2 journaux, pourtant de renom, une allusion quelconque aux manifestations des contestataires.

Mais revenons à la traduction du passage cité ci-dessus plus près du texte pour comprendre mieux ce que veut dire M. Poutine à ses concitoyens: « Je suis certain que nous n’avons besoin ni de farce, ni de compétition de promesses non tenues. Nous n’avons pas besoin d’une situation où la démocratie serait réduite à une enseigne, où le "pouvoir du peuple" se traduit par un show politique amusant et un casting de candidats, tandis que son contenu essentiel est balayé par des déclarations provocantes et des accusations réciproques. »

De quoi parle donc M. Poutine ? Il parle de « farce », de « compétition de promesses non tenues », de « show politique amusant », de « casting de candidats » et d’«accusations réciproques ». Mais oui, y’a pas photo, il parle de notre système électoral ! Ni plus, ni moins.

Par ailleurs, il annonce la couleur pratiquement dès les premières lignes de son article : « La véritable démocratie ne se crée pas d’un coup, ne copie pas un modèle extérieur. » Cela veut dire qu’il n’en est pas question de copier les systèmes démocratiques occidentaux que M. Poutine cite par ailleurs en exemple, ni de les appliquer en Russie tels quels.

Avant de parler « du développement de la démocratie » – tel est le titre du premier chapitre – M. Poutine dresse dans l’introduction un tableau réaliste et impitoyable des années Eltsine (années 90). Ensuite, pour expliquer l’instauration de l’anarchie et de l’oligarchie en Russie à cette époque il cite les propos du philosophe et juriste russe Pavel Novgorodtsev (1866-1924) : « On pense souvent que la proclamation de toute sorte de libertés et du suffrage universel a elle-même une force magique de diriger la vie vers de nouveaux chemins. En réalité, habituellement ce n’est pas une démocratie qui s’installe dans la vie mais, selon le cours des événements, soit une oligarchie, soit une anarchie ».

On peut observer le même phénomène dans les pays où l’Occident a essayé d’instaurer la démocratie par la force : Irak, Afghanistan, Lybie…

En fait, si on suit bien la pensée de Poutine, d’après lui, la Russie n’est pas encore prête à une vraie démocratie. « Il est nécessaire que la société soit prête à l’utilisation des mécanismes démocratiques », déclare-t-il. Visiblement, le premier ministre russe se fixe une tâche de préparer la société russe à la démocratie, d’où le titre du premier chapitre : « Du développement de la démocratie ».

Un autre chapitre intitulé « Nous devons vaincre la corruption » laisse la même impression : ce n’est pas demain la veille que la Russie en sera débarrassée. Néanmoins, le premier ministre propose des mesures sérieuses tout en réfutant la pratique de la répression massive : il s’agit d’une nouvelle politique des cadres et d’une transparence totale des revenus d’un nombre de fonctionnaires.

Cependant, la phrase finale de ce chapitre doit laisser le lecteur russe complètement perplexe : « Nous avons vaincu l’oligarchie, nous vaincrons également la corruption », déclare le premier ministre. Or, malgré l’élimination de certains oligarques, l’oligarchie continue de prospérer en Russie et M. Poutine en fait toujours partie…