Arnaud Montebourg, ministre de l’Économie : la fausse bonne idée de Manuel Valls

L’annonce de la composition du nouveau gouvernement Valls fait la Une de tous les médias en France aujourd’hui. Si la plupart s’intéressent à la nomination de Ségolène Royal comme ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, l’arrivée au ministère de l’Économie d’Arnaud Montebourg fait également couler beaucoup d’encre. Une véritable prise de risque pour Manuel Valls qui pourrait bien le regretter dans quelques mois. Si Arnaud Montebourg passait pour un candidat cohérent en 2012, sa crédibilité dans les affaires économiques du pays est sérieusement remise en question depuis plusieurs semaines et particulièrement depuis l’affaire de la vente de SFR pour laquelle Numericable et Bouygues Telecom sont candidat.

 

Montebourg, agent de la démondialisation en 2011

 

Le choix de Manuel Valls comme Premier ministre est vécu par beaucoup comme un aveu de faiblesse du Gouvernement qui donne le pouvoir à l’homme le plus à droite du PS. Pour Henri Emmanuelli, député PS et président du conseil général des Landes, il s’agit « d’un coup de barre à droite (au) moment où il aurait sans doute fallu autre chose ». Des mots durs que le nouveau Premier ministre a tenté d’adoucir en nommant à des postes importants certaines figures de l’aile gauche du PS, Arnaud Montebourg en tête.

 

Le tout récent ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique s’était en effet illustré en 2011 lors des primaires socialistes pour son positionnement très à gauche qui avait su convaincre l’électorat le plus radical du Parti socialiste. Démondialisation, mise sous tutelle des banques, taxation à 0,1 % des transactions financières… Ses propositions faisaient de lui l’atout social et radical du PS qui séduisait les Français épuisés par la crise et dégoutés des systèmes financiers de l’époque.

 

En le nommant ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique, Manuel Valls espère probablement faire mouche et atténuer son côté sévère en envoyant un message à l’électorat radical du PS : « la gauche de la gauche a son mot à dire dans mon gouvernement ». Le Premier ministre semble cependant avoir raté un épisode. Arnaud Montebourg aujourd’hui n’est plus que l’ersatz de lui-même. Si en 2011 il se distinguait de ses confrères, il est aujourd’hui complètement intégré dans un système pro-mondialisation, pro-capitalisme et pro-lobby. Ses récentes sorties médiatiques sur la vente de l’opérateur SFR à Numericable ou Bouygues Telecom ont donné le coup de grâce à ce qui lui restait de crédibilité.

 

Soutien à Martin Bouygues et contradictions en série, ses premiers pas dans l’establishment

 

Depuis le début du mois de mars, Vivendi, le groupe propriétaire de SFR, cherche à vendre son opérateur. Deux candidats sont en lice : Numericable et Bouygues Telecom. Si jusque-là, nous avons simplement affaire à l’histoire d’un banal rachat d’entreprise, Arnaud Montebourg a décidé d’y mettre son grain de sel et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a surtout donné du grain à moudre à ses détracteurs. Le ministre a en effet décidé, à la surprise générale, de soutenir le grand ami de Sarkozy, roi des lobby français et de TF1 : Martin Bouygues. Une prise de position de la part d’Arnaud Montebourg difficile à imaginer en 2011 et dont l’incohérence ne s’arrête pas à une banale histoire d’image et de réputation. Les contradictions se multiplient, ses arguments défient toute logique économique et il devient de plus en plus évident que derrière des faux-semblants économiques se cache bel et bien un copinage digne des plus grands maîtres du système de l’establishment français.

 

Que Montebourg considère que l’offre de Bouygues est plus avantageuse pour le développement de SFR est en effet extrêmement étonnant au vu de la réalité des offres. L’homme à la marinière assure en effet qu’un retour de 4 à 3 opérateurs serait bénéfique pour le marché des télécoms. Les économistes s’accordent pourtant pour dire qu’un tel recul du nombre d’opérateurs en France n’aurait pour effets que d’augmenter les dividendes des actionnaires et les prix pour les consommateurs. L’Autriche en a fait la dure expérience récemment et les prix ont augmenté de presque 20 %. Une erreur inquiétante de la part de celui qui vient de devenir ministre de l’Économie, rappelons-le. Heureusement, les membres du conseil de surveillance de Vivendi semblent avoir mieux suivi leurs cours d’économie et ont décidé de privilégier Numericable pour plusieurs jours de négociations. Une décision qui n’a pas plu à Arnaud Montebourg. Celui-ci s’est alors illustré à la radio et dans la presse pour ses critiques à l’encontre de Numericable.

 

Alors même que Patrick Drahi, le propriétaire de Numericable, assure que l’entité Numericable/SFR sera imposée en France, Arnaud Montebourg attaque le câblo-opérateur pour ses actifs à l’étranger. Des déclarations qui finissent d’enterrer sa crédibilité alors même que son poulain Martin Bouygues demande des financements au Qatar pour gonfler son offre et tenter un renversement de situation de dernière minute. Mais que peut bien valoir l’intelligence d’un propos et la légitimité d’une offre contre une jolie place bien au chaud dans les reportages de TF1 et autres journaux de 20h ? La situation est claire aujourd’hui : Arnaud Montebourg a bel et bien troqué sa marinière pour un costume d’homme d’affaires. Reste à savoir quand Manuel Valls se rendra compte qu’il a fait sa première erreur en tant que Premier ministre le lendemain à peine de sa nomination.