Les partis islamistes de l’Afrique du Nord semblent pour le moins fragilisés. Après les soulèvements populaires en Égypte, voici que de très nombreux Tunisiens et Tunisiennes réclament que le parti Ennahda quitte le pouvoir. En cause, le second assassinat d’une personnalité politique de premier plan, lui aussi opposé au parti islamiste, Mohamed Brahmi. Les personnes impliquées dans celui de Chokri Belaïd, en février dernier, sont en fuite ou restent au secret.
Ennahda n’a guère de solutions. Soit il s’oppose très fermement aux islamistes plus radicaux que lui-même, et procède à des vagues d’arrestations, prend de très fermes mesures de répression, soit il lâche du lest dans les institutions et cède des ministères. Il peut aussi laisser pourrir, et se retrouver obligé de mettre fin dans la violence à des manifestations qui risquent d’enfler.
En cause, la mort de Mohamed Brahmi, dirigeant du Mouvement du peuple, abattu ce matin au sortir de son domicile. Deux hommes à moto ont surgi, une douzaine de balles ont été tirées, ne faisant pas d’autre victime alors que l’opposant à Ennahda se trouvait accompagné de sa femme et d’enfants.
Une première manifestation s’est dirigée devant le siège du ministère de l’Intérieur, considéré infiltré par des islamistes radicaux. La veuve de Chokri Belaïd était présente. La police n’a heureusement pas tenté de disperser celles et ceux qui se sont rassemblés devant son siège ou devant l’hôpital de l’Ariana où a été conduit la dépouille de la victime. Ni n’a vraiment cherché à repousser ceux qui ont incendié le siège du parti Ennahda à Menzel Bouzaiene.
Mais les slogans visaient, au-delà d’Ennahda, les Frères musulmans. Des manifestants ont aussi envahi les rues de Sidi Bouzid. Mohamed Brahmi était natif de cette ville. D’autres incidents ont été aussi relevés à Sfax. À Monastir, l’opposition a appelé à investir les rues « jusqu’à la chute du système ».
Demain, vendredi, sera décrété jour de deuil national dans l’espoir de contenir des manifestations pouvant tourner à l’émeute.
M. Brahmi avait été arrêté deux fois, en 1981 et 1986, du temps du régime de Ben Ali. Il avait rejoint le Front populaire ces derniers temps et voulait fonder un Courant populaire.
Comme dans le cas du précédent exécuté, la famille a mis Ennahda directement en cause. La sœur de la victime, Chhiba, a déclaré : « Notre famille avait le sentiment que Mohamed allait connaître le même sort que Chokri Belaïd » avant de s’en prendre « aux barbus ».
Mercredi, un ministre avait déclaré que les identités des assassins de C. Belaïd allait être, enfin, dévoilées. Il serait temps, elles sont de notoriété publique depuis des mois. Le ministère de l’Intérieur a dévoilé dans la soirée de ce vendredi que l’arme ayant servi à abattre Brahmi était d’origine libyenne. Une manière de faire entendre que les auteurs sont des islamistes djihadistes.
Business News rappelle qu’à la suite de la destitution du pouvoir égyptien, un député d’Ennahda, Sahbi Atig, avait déclaré : « nous vous écraserons dans les rues ». C’était le 13 juillet.
Ce qui apparaît aux yeux de diverses composantes de la société tunisienne, c’est que, fondamentalement, l’islamisme est une impasse dangereuse. D’abord, l’instauration de la charia est préconisée. Ensuite, faute de savoir résoudre les problèmes économiques, une police des mœurs est instaurée, sur le mode iranien. Par la suite, toute opposition est réprimée mais les problèmes vitaux subsistent.
En fait, d’autres composantes redoutaient que Mohamed Brahmi radicalise les tensions entre une partie de la société tunisienne et le pouvoir : il s’apprêtait, selon diverses sources, de quitter l’Assemblée nationale constituante, à la suite d’Ahmed Khaskhoussi.
La nuit n’a pas calmé les esprits et à la veille de ce samedi, la police a utilisé les gaz lacrymogènes pour disperser les manifestations de Tunis, sur l’avenue Bourguiba. Hatta Barakati a déclaré qu’il démissionnait lui aussi de l’Assemblée constituante. Le parti Nida Tounès, dénoncé par Ennahda en tant que reconstitution du parti de Ben Ali, appelle à la dissolution de l’Assemblée.
L’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) appelle à une grève générale vendredi prochain. Son bureau régional de Side Bouzid préconise la désobéissance civile.
Il est sans doute abusif – c’est mon opinion – de dénoncer toutes et tous les femmes et hommes politiques estimant, dans le monde musulman, que la religion est le ciment de la société. Toutes et tous ne sont pas des criminel·le·s avides de pouvoir absolu. Toutes et tous ne sont nullement prompts à dénoncer toute opposition en tant que « mécréante », et d’instrumentaliser la religion pour tout justifier. Mais il leur faut comprendre : c’est fini, l’hypocrisie ne peut durer, ne peut masquer les inégalités, aucune religion ne peut sensiblement réduire les inégalités, la misère.
Pas davantage que les incantations d’un Mélenchon qui a déclaré « on a tué l’un des nôtres ». Il n’a certes pas tort. Mais, pour la Tunisie, il est grand temps de se reprendre, d’abandonner les lignes partisanes, d’évacuer toute référence à la religion ou à tout autre dogme. Cela ne vaut bien sûr pas que pour la Tunisie, mais il serait grand temps qu’elle donne l’exemple. Nous avons besoin d’elle. Partout dans le monde.
Mohamed Brami sera enterré samedi 27 juillet au cimetière du Jallaz. J’espère que Rached Ghannouchi pourra lui rendre hommage. Voilà tout. En compagnie d’Amina, de Leila Ben Debba, de Lina Ben Mhenni et d’autres. Oui, c’est possible.
La fièvre « monte » à Tunis.
Une étincelle suffirait à mettre le pays à feu et à sang.
Et la mort de Brahmi va envenimer la situation.
J’aime ce peuple tunisien auquel j’ai consacré quelques articles quand Ben Ali avait censuré C4N.
Nous avions à cette époque des rédacteurs citoyens qui publiaient dans nos colonnes.
[b]Il n’y a pas que la Tunisie [/b]
Déjà écoeuré à 21 ans, un député suédois quitte la politique
[url]http://www.7sur7.be/7s7/fr/1505/Monde/article/detail/1675326/2013/07/25/Deja-ecoeure-a-21-ans-un-depute-suedois-quitte-la-politique.dhtml[/url]