Certains lecteurs se souviennent peut-être qu’en janvier dernier, j’avais attiré leur attention sur le tournage réalisé par Jacques Malaterre d’après le livre de Marc Klapczynski "AO, l’homme ancien" :http://www.come4news.com/le-sang-de-neanderthal-coule-t-il-dans-nos-veines-767865Ce projet ambitieux ayant pris un peu de retard à cause des difficultés rencontrées sur le tournage, c’est seulement pendant les vacances estivales que certains ont pu découvrir ce film fort intéressant qui fait honneur à notre cinéma français …Dans ma « campagne profonde » c’est seulement hier 23 octobre , que notre cinéma ( « art et essai » quand même s’il vous plaît…) a pu le programmer pour deux séances  et malheureusement la salle n’était pas trop pleine ….Quel dommage !

En effet, j’ai trouvé que ce film tenait toutes les promesses que nous en espérions …Loin d’être un docu-fiction (comme l’on dit aujourd’hui) c’est une vraie histoire dont le fil conducteur nous conduit à découvrir la difficile cohabitation des divers clans humains existant au même moment, leurs évolutions différentes, leurs rites funéraires, leurs rapports harmonieux ou non avec la nature et le monde animal …ao2.jpgJacques Malaterre semble prendre parti pour l’hypothèse d’une possible descendance des Néandertaliens  grâce aux liens tissés avec une autre branche humaine. Mais pour nous spectateurs  c’est avant tout une émotion ressentie avec force lorsque que nous sentons se transformer peu à peu la relation entre Ao et Aki : d’une mutuelle incompréhension dûe aussi bien à leurs grandes différences physiques , de langages ou de vécus , ils cheminent vers une attirance mutuelle concrétisée par la naissance d’une autre vie , une solidarité sans faille  et un profond respect de leur environnement .Le destin de ces humains en proie à une vie rude, à des conditions climatiques rigoureuses, à une nature parfois hostile, et à la violence des autres clans , est profondément attachant et bien qu’il n’y ait dans ce film aucun dialogues audible par nos oreilles du XXIème siècle , on se sent profondément solidaires de leurs efforts et de leur lutte pour la survie…Vous devinez que j’ai beaucoup aimé ce film : la beauté des paysages à vous couper le souffle, la performance physique des acteurs , la précision du travail scientifique qui sous-tend l’histoire , tout concourt à le rendre vraiment intéressant .Les enseignants ne s’y trompent pas , qui déjà emmènent leurs élèves à sa découverte du film , ou organisent des travaux autour du thème…Le réalisateur explique lui-même que «  la Préhistoire constitue  un terreau extraordinaire, et nous renvoie à toutes les interrogations sur ce que nous sommes aujourd’hui. Il y a un proverbe africain qui dit: "Quand tu ne sais plus où tu vas, arrête-toi, retourne-toi et regarde d’où tu viens…".Plusieurs messages se dégagent de cette œuvre « humaniste » :                    si l’homme de Néandertal  a disparu , sans que nous sachions vraiment pourquoi , n’est-ce pas le signe que nous aussi nous pouvons disparaître si nous ne prenons pas garde à ce que nous faisons  du monde qui est le nôtre !                    Le rejet de l’autre, parce qu’il est différent, parce que son physique, ses modes de vie, sa culture et son origine ne sont pas les mêmes que les nôtres, est au cœur des relations entre les Néandertaliens, nomades, et les Sapiens, également nomades mais plus conquérants. N’en est-il pas encore de même aujourd’hui ?ao3.jpg Bien évidemment, les conditions matérielles de tournage ont été difficiles : de la Camargue infestée de moustiques, aux grottes bulgares perdues au cœur des montagnes, des gorges vertigineuses du Vercors  aux toundras glacées et glaciales de l’Ukraine, rien ne fut épargné aux acteurs et figurants, des levers au milieu de la nuit, aux 4h de maquillage journalières nécessaires, en passant par les tempêtes de neige par -20 ou -30°  ….Jacques Malaterre et son équipe ont également  privilégié l’aspect « plus vrai que nature »…Et, à l’exception d’une courte séquence avec des abeilles, il n’y a dans AO ni trucage numérique, ni animatronique. Tous les animaux du films sont vivants, y compris dans les scènes de chasse et de combat : vautours, bisons, chevaux. Le réalisateur précise à ce sujet : "J’ai choisi de ne travailler qu’avec des animaux existants. Ne pouvant mettre en scène des mammouths, j’ai préféré me contenter de les évoquer : une scène est tournée au milieu d’un cimetière de mammouths, où ne subsistent que cadavres et squelettes, comme une métaphore de la disparition de Neandertal". Agee, l’ourse canadienne de  600 kg , tout spécialement venue de Vancouver avec son dresseur et ses 4 kinés, et qui mangeait allègrement ses 30 kg de saumon frais par jour, est la seule de son espèce a être spécialement dressée pour le cinéma . Elle fut pourtant constamment encerclée par des assistants armés de seringues hypodermiques , restant avant tout un animal sauvage et excessivement dangereux .Pendant l’écriture du film, les scénaristes avaient imaginé qu’un homme de Néandertal et une Sapiens pouvaient avoir eu un enfant ensemble. A ce moment là,  certains scientifiques envisageait déjà prudemment cette possibilité que d’autres contestaient formellement, estimant impossible qu’ils aient eu une descendance commune et que l’homme moderne puisse avoir en lui des gènes de Néandertal. Mais tout récemment, grâce à la comparaison du génome de Néandertal avec celui de l’homme moderne, cette hypothèse s’est trouvée confirmée par la science, faisant se rejoindre la réalité et la fiction.Pour terminer, je vous engage bien sûr vivement à aller voir ce film. Même si la préhistoire ne vous pose aucune question existentielle, vous serez sans doute conquis comme moi par cette belle histoire des débuts de notre vie sur la terre et apprécierez le confort de votre vie actuelle en la comparant à la rudesse des conditions préhistoriques ….De toute façon une belle leçon de courage et de volonté  et une belle soirée en perspective …