Vers l’époque Elstine, dans la Russie des oligarques, s’afficher avec un chien était devenu le dernier must à la mode. En Roumanie, de nombreuses villes limitent la possession de chats ou de chiens à un seul animal. En Chine, le même phénomène qu’en Russie ayant été constaté, depuis mai 2011, la possession d’animaux domestiques est limitée à un par foyer. C’est qu’ils coûtent cher, nos compagnons à quatre pattes. Vraiment autant que ce qu’en disent les professionnels ? À voir. Et surtout vérifier.

 

 

Vu sur la page d’accueil du Post, donc validé par la rédaction de la filiale Lagardère-Monde interactif, ce billet de Toganim titré sans conditionnel « 19 000 euros, c’est ce que va vous coûter votre animal de compagnie ». 

En fait, cette somme, fondée sur la durée de vie moyenne d’un chat ou d’un chien (et non d’un cheval ou d’un éléphant, on s’en doutait), découle d’une mystérieuse « étude britannique ».
Seule source citée ou presque, et qui reste énigmatique. Un lien renvoie sur un site animalier qui précise qu’un chien revient sur 13 ans à 19 425 euros, un chat, sur 15, à 19 770 euros.

Ce que précise, lui, le site Wamiz, référence de notre « posteur », c’est que la dite énigmatique étude britannique émane « d’une compagnie britannique d’assurance pour animaux. ». Laquelle au juste ? On ne le saura pas. Mais la précision est d’importance. Qui peut avoir intérêt à gonfler, par exemple, les frais vétérinaires pour faire passer la modicité d’une prime d’assurance annuelle ?
Dernier paragraphe du site Wamiz : « C’est là qu’une assurance pour chien ou chat se révèle essentielle. ». Suit un lien : « Pour en savoir plus, consultez notre rubrique assurances pour animaux. ».

Eh, même remarque sur Le Post, les soins vétérinaires sont fréquents lors de la première année et pendant les dernières de la vie de l’animal de compagnie. Conclusion du papier : songez aussi au coût de la crémation (entre 100 et 350 euros). Pourquoi ne pas non plus recommander une assurance décès ?
En fait, pour les chats, je doute fort que les coûts faramineux avancés soient proches de la réalité. Connaissant les propriétaires de deux chattes (et d’autres avant elles) qui s’épanouissent dans un assez grand jardin et ont eu de multiples portées (moitié éliminées ou données, avec toujours un ou deux chatons gardés assez longtemps près de leurs mères), je doute fort que le budget nourriture et vétérinaire (pour les accessoires, il n’y en pas) revienne à si cher.

Le papier de Toganim renvoie aussi à un autre, de Marie-Amélie Putallaz, de LExpress. Il s’agit d’un entretien avec deux vétérinaires et une toiletteuse. Je ne sais trop combien est facturée en livres sterling la visite outre-Manche ou la séance de tonte. Et compte-tenu du cours de la livre, comment comparer les chiffres cités par Wamiz avec ceux figurant sur L’Express. Au pif, cela irait quasiment du simple (France) au double (Royaume-Uni).

Qui croire ? Les chiffres sont de toute façon importants mais ne prennent pas en compte les coûts pour les collectivités (part du traitement des eaux, aménagements en mobiliers urbains divers, sans doute d’autres…). J’en atteste en tout cas, certains frais vétérinaires peuvent surprendre : près de 200 euros pour le détartrage des dents d’un vieux matou. Et encore, certains vétérinaires prennent davantage (d’autres moins). Car, oui, un vieux chat aux dents entartrées finit par crachouiller un peu partout : ce qui peut générer des notes de nettoyage. En plus, il renâcle, repousse de la gueule. Prescrit derrière : l’atomiseur Oral Clean & Care (36 euros, moins cher que le gel, à 41 euros, mais deux précautions valant mieux qu’une…).

On le sait, les sports, les questions relatives à la santé, à l’argent, aux enfants, à la sexualité, aux animaux, font lire. Toutes les études portant sur les lectorats de la presse généraliste le révèlent. Les magazines de programmes de télévision ont soit des rubriques, soit des sujets récurrents se rapportant au bien-être de minette ou de médor. Histoire aussi d’attirer, en « l’accompagnant », de la publicité. Et puis, sur de tels sujets, les préoccupations déontologiques passent plus facilement au second plan.

Vu par ailleurs, sur le site Chien.com, un communiqué de SantéVet (mutuelle animaux). Seulement deux pour cent de propriétaires assurés en France, contre 20 % au Royaume-Uni et 80% en Suède. Difficile à vérifier. Mais est-ce bien raisonnable ? Est-ce même tolérable ? Hein ?

Déjà, et c’est heureux, une assurance dite de responsabilité civile est obligatoire pour les toutous. Mais pour le reste ? Cela peut devenir une course sans fin aux dépenses et aux primes. En effet, étant assurés, pourquoi ne pas, si Choupette ou Prince a des sautes d’humeur, ne pas aller consulter régulièrement un vétérinaire comportementaliste (comptez plus de cent euros de l’heure). Les propriétaires assurés n’y songeant pas déjà verront aussi leurs primes progresser. Les éthologistes se font désormais dénommer éthologues, ce qui fait peut-être plus sérieux, et vont finir par se partager en écoles. Si l’un ne convient pas, allez donc consulter l’autre, et pourquoi pas un troisième, histoire d’être plus sûr ? Le placement en clinique psy canine ou féline s’impose-t-il ?

Plafond de remboursement annuel de la société April : 2 400 euros par animal. Tant qu’à faire, autant chouchouter son chien ou son chat, n’est-il point ? Au fait, et le toilettage à domicile, histoire de ne pas faire frayer médor avec le tout-venant canin, c’est couvert ?

« Bizarrement », tous ces articles ne visent nullement à vous faire renoncer à l’adoption d’un compagnon mais à vous vanter soit des assurances, soit des « bons plans » et de bonnes affaires pour payer moins cher. Rarement à vous signaler des répulsifs pour chiens et chats (peut convenir pour préserver des canapés ou des tentures, mais je n’ai pas testé).

 

Je n’y connais rien, mais j’ai bien l’impression qu’il s’agit aussi de vous faire oublier qu’un animal reste un animal. Et attention, sujet brûlant. En témoigne cet avertissement d’une page d’un site d’éleveurs qui soulignent tous les inconvénients de la stérilisation (très souvent recommandée par les vétérinaires, s’imposant dans de rares cas) :
« Mise à jour en août 2010 : plutôt que de décrier cet article (…) ou de nous envoyer des mails limite “injurieux” (…) nous réitérons le fait (…) que nous sommes loin d’être “extrémistes”, » (vu sur domainehaisha.com)

 

Ce qui est sûr, c’est que si un animal de compagnie revient pratiquement deux fois davantage au Royaume-Uni qu’en France – ce qu’il resterait à établir en se fondant sur des sources sérieuses et indépendantes des assureurs, toiletteurs, éleveurs, vétérinaires… – c’est qu’il y a fortes marges de dépenses d’entretien à envisager. À la presse française le soin d’accompagner le mouvement ? Parfois, on peut se le demander.