Ce début de phrase attend sa réponse, une terminaison qui mettra fin à un suspens intenable. Celui qui la prononce a d’un seul coup, un pouvoir incommensurable, il détient, sur le bout de la langue, le destin d’un film, d’un acteur ou encore d’un réalisateur. Il repose sur celui disant ces mots, une très grande responsabilité.

A la fin du mois aura lieu la très prestigieuse cérémonie des Oscars, l’occasion de retracer dans les grandes lignes une histoire de cette institution du 7ème Art.

Nous sommes entre les deux guerres, les années folles, si démentielles que dans l’esprit d’un amateur de cinéma germe l’idée de créer une cérémonie récompensant ce qu’il y a de meilleur dans le domaine. Un soir de 1929, le Hollywood Roosevelt Building de Los Angeles accueille en son sein une centaine de convives dans des smokings bien coupés et des robes de grande classe.

Une soirée élitiste pour des esthètes, le cinéma n’est pas encore ce qu’il est de nos jours, un produit de masse média, dont la forme va perdurer jusqu’en 1944. Les fastueuses réceptions sont rangées au placard au profit d’un avantage de traditions dans l’attribution des prix. L’endroit change également et se déroule dans le Grauman’s Chinese Theater, un vrai palais chinois dédié au cinéma. En 1953, les caméras de télévision retransmettent pour la première fois les Oscars. Tiens donc, pourquoi Oscar ?

Un drôle de nom pour cette petite statuette faite en britannium et plaquée or. Officiellement, elles s’appellent Academy’s Award mais la légende veut que ce soit un membre du jury de l’Académie qui trouvait une certaine ressemblance entre son tonton et la sculpture de George Stanley. Autre origine possible, le mari de Bette Davis, Oscar Nelson, qui aurait partagé des traits physiques communs avec l’objet tant convoité.

Les années ont passé et les grands évènements sont venus enrichir son histoire. Les 11 victoires, un véritable record, pour les 3 films les plus primés, Ben Hur, le Seigneur des Anneaux et Titanic, les 4 récompenses pour Katharine Hepburn et les 3 de Jack Nicholson. Le maitre de l’animation, Walt Disney et ses 22 titres toutes catégories confondues, la victoire de la première actrice noire dans un second rôle, Hattie Mac Donel dans Autant en emporte le vent, en 1940, une réelle avancée dans la reconnaissance des Afro-américains, 62 ans plus tard, ce sera Halle Berry qui décrochera celui de la meilleure actrice.

1959, malgré la fin du Maccarthysme, la paranoïa est toujours là si bien qu’aucun communiste n’est autorisé à venir au gala. 1964, le mouvement des droits bat son plein et Sidney Poitier est auréolé par l’Oscar du meilleur acteur pour Le Lys des champs. 1973, Marlon Brando, éternel insaisissable, ne vient pas chercher son prix préférant envoyer un indien pour faire l’éclairage sur leur condition intolérable dans des réserves insalubres ou bien encore, 2009, où le talent d’un homme lui survit et lui permet de recevoir le titre posthume de meilleur second rôle pour Heath Ledger dans Batman pour son interprétation délirante du Joker.

Mais comment est organisée l’Académie ? Aujourd’hui, 5800 membres en font partie, des acteurs, des réalisateurs, des producteurs, des techniciens et toutes les petites mains sans qui rien ne serait possible mais que l’on ne nomme jamais assez. Avec un rythme annuel, ce sont des habitudes qui se prennent dans la vie des films. Pour concourir au sésame, il faut que le film soit sorti durant l’année dans le comté de Los Angeles, qu’il soit d’une durée supérieure à 40 minutes et d’un format 35 ou 70 mm.

Durant le premier tour, celui d’une épuration massive pour pouvoir établir 5 prétendants dans chaque catégorie, les différentes branches du métier votent pour leurs semblables, acteurs pour les acteurs, etc. Une forme de reconnaissance par les pairs en quelque sorte. Hormis pour le meilleur film où toutes les catégories professionnelles sont réunies. Ensuite, il faut un deuxième tour afin de pouvoir mettre un nom sur la fameuse enveloppe qui, décachetée devant des millions de spectateurs, bouleversera la vie d’une œuvre. Une décision qui se fait de façon collégiale.

Pour s’attirer les bonnes grâces des votants, une grande campagne de promotions se met en place, on déploie le grand jeu car un film oscarisé et c’est son futur qui se trace sous des auspices favorables. Les retombées économiques peuvent être énormes et les cachets des acteurs atteindre des strates célestes. On court d’une émissions à une autre avec ses bobines sous le bras, ses pancartes publicitaires, on enchaîne des interviews dans des hôtels grand luxe.

Le jour J, le tapis rouge est déplié puis foulé par les gens du métier éblouis par les flashs des appareils photos. La cérémonie est généralement présentée par un comique dont le but est d’installer une bonne humeur. Rire est une façon positive d’avaler la pilule quand la prime vous passe sous le nez.

Le fonctionnement des Oscars a été souvent décrié, on parle de copinage et de réseaux. D’un favoritisme envers les grandes productions et un déni pour les films indépendants. Ceux qui sont intégrés démentent mais certaines choses surprennent. Les grands oubliés qui pourtant, par leur talent, ont fait leur preuve, Hitchcock, Kubrick, Chaplin, Orson Welles. Scorsese a faille rentrer dans la famille des rejetés s’il n’avait pas gagné sa place au soleil pour ses Infiltrés.
Dimanche 26 février se déroulera la 84ème cérémonie, elle réservera son lot de blagues, de pleurs, de « thank you », des rires, de joies, d’amertumes, de costumes, de chapeaux, de chaussures cirées, de talons aiguilles, de coupes de champagnes, de journalistes tendant des micros pour récolter à chaud les premières émotions des lauréats, bref une cérémonie normale, quoique, il se pourrait bien qu’un film muet français y fasse beaucoup de bruits.