Deux déserteurs estoniens sur les traces de Robin des Bois. Dans les années 80, deux jeunes estoniens deviennent peu à peu des héros en vivant cachés dans les fourrés. Vive l’Estonie libre !
Ils ne voulaient pas devenir de la chair à canon. Alors, ils se sont enfuis dans les bois. Voici la véritable histoire de deux jeunes Estoniens qui ont vécu cachés durant quatorze ans dans la forêt pour échapper au service militaire soviétique. Tout commence en 1986, l’Armée rouge est en guerre en Afghanistan et recrute large. L’Estonie, ce petit pays balte, n’est alors qu’un satellite de la Russie communiste. Cette contrée doit fournir son lot de jeunes recrues. C’est à cette époque qu’Aivar Voitka (18 ans) et son frère Ùlo (17 ans) décident de prendre le maquis et de jeter leur convocation militaire aux orties. Ils s’enfuient dans les forêts profondes du sud du pays, à 160 kilomètres de Tallinn, la capitale. Dès les premiers mois de leur exil, les frères Voitka vivent à la «Rambo».
En habits militaires, le fusil à l’épaule, ils tentent de survivre dans un milieu hostile. Ils se construisent des espèces de bunkers souterrains. Ils y installent le chauffage et une sortie de secours en cas d’invasion policière. Pour se nourrir, le duo verse très vite dans la délinquance.Les frérots braquent les quelques magasins qui se trouvent en périphérie des bois immenses.Malgré ces faits, l’histoire des frères Voitka se répand dans la population estonienne comme un vent de fraîcheur. Ces deux délinquants ordinaires deviennent tout doucement des héros, des résistants au joug communiste.Leur folle épopée aurait pourtant dû s’arrêter en août 1991. C’est à cette date que l’Estonie accède à son indépendance.
C’est également à cette période que les Voitka demandent leur grâce au jeune gouvernement. Mais le Premier ministre de l’époque ne donne pas son aval. Les frangins restent donc dans les taillis, poursuivant leur vie de Robin des Bois.Ce n’est qu’en février 2000, piégés dans une bâtisse au cœur de la forêt, qu’Aivar (32 ans) et Ùlo (31 ans) se rendent aux autorités après un siège mémorable de six heures. De nombreux coups de feu sont échangés lors de la plus grande opération policière d’Estonie.
Peu après son arrestation, Aivar est considéré comme fou. Il est interné. Son frère Ülo, reconnu coupable de 21 chefs d’accusation, se voit condamné à trois ans de prison. Quant aux médias, ils prennent le parti des deux frères. Ils voient en eux l’Estonie rebelle et libre. Il faut souligner que cette jeune société est encore en quête d’identité culturelle et de mythes fondateurs. Devenus des icônes, les frères Voitka sont ensuite mangés à toutes les sauces : un groupe de rock porte leur nom, leur biographie se vend comme des petits pains et leur aventure inspire des créateurs de jeux vidéo. Plus cocasse encore, la promenade en forêt que font tous les écoliers estoniens est désormais appelée la journée… Voitka.