(à la manière de JM…)

Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde.

Plus c’est simple, plus ça peut être compliqué ! Telle semble être devenue la devise de notre monde technologique, comme en témoignent les deux anecdotes développées ici, dont le lecteur serait sans doute bien inspiré de conserver le souvenir dans quelque coin obscur de sa mémoire. Ayant ainsi fait, il pourrait le cas échéant les en extraire utilement s’il devait se trouver à son tour plongé dans ces miasmes kafkaiens !

Il se trouve que toutes deux se rapportent au monde numérique. Il se trouve aussi, mais ce n’est que pure coïncidence, que l’une relève du Secteur Public (avant que le choc de simplification ne le tsunamise, bien entendu) alors que la seconde chevauche de manière incertaine la frontière des deux mondes, public et privé (privé du moindre scrupule, probablement…)

 

Je disposais naguère d’un studio que j’utilisais en guise de pied à terre lors des visites régulièrement rendues à ma mère demeurée fidèle à sa tradition provinciale. A son décès, le studio ne m’étant plus utile, je le mis en vente et il finit par faire l’objet d’un acte de vente à son acquéreur le 25 juin 2013. Comme il se doit, mon notaire en avait dûment géré les conséquences fiscales.

On me fit remarquer que, de fait, le studio avait été totalement inoccupé au cours de l’année 2013, depuis le décès de ma mère, début janvier, et jusqu’à sa vente, en juin. Une raison permettant valablement de solliciter l’exonération de la taxe d’habitation.

J’en effectuais donc la demande, une démarche qui ne me serait pas venue spontanément à l’esprit ; tant et si bien que lorsque cette demande fut acceptée peu de temps après et que le service des impôts m’annonça le remboursement prochain de sommes perçues à tort, j’en fus fort agréablement surpris, d’autant que ce remboursement me parvint effectivement par deux virements en date du 14 et du 16 janvier 2014.

Pourtant, ce même 16 janvier de nouveaux prélèvements étaient effectués. Le temps que mes relevés me le révèlent, j’adressais une réclamation par le biais du site impots.gouv.fr le 13 février. Pour ceux d’entre vous qui n’ont pas eu l’occasion d’en faire l’expérience, les correspondances électroniques avec l’administration fiscale sont traitées avec une célérité que l’on ne soupçonnerait pas a priori et j’eus le fin mot de l’histoire dès le … 13 février :

« Bonjour,

Les contrats de mensualisation ne s’arrêtent pas de façon automatique, le contribuable doit en faire la demande auprès du centre de prélèvement service de … sur la messagerie suivante: …

à votre service,

XXX, Inspecteur DGFIP,
Service des Impôts des Particuliers de XXX
nn rue XXX BPnnn
nnnnn XXX CEDEX n
 »

Il se trouve en effet que, comme la majorité d’entre vous sans doute, et pour en atténuer l’onde de choc, mes impôts ont fait l’objet de contrats de mensualisations. J’appris donc à cette occasion (et vous, peut-être, en me lisant) que si vous n’êtes plus assujetti à un impôt, vous devez prendre l’initiative de la démarche de demander l’annulation des contrats de mensualisation dont il était l’objet. Sachez le donc vous aussi et souvenez-vous en si votre propre moment devait venir !

Pourtant, l’histoire ne s’arrête pas tout à fait là car je viens de trouver dans ma boîte aux lettres, ce matin même, un avis d’impôt pour la taxe d’habitation 2014 afférente à ce studio !… Je viens donc de déposer une nouvelle réclamation et vous tiendrai informé de ses suites, le moment venu …

Cette première anecdote ne manque pas de piquant ; encore que comme vous l’allez voir, la seconde n’en est pas non plus dépourvue.

Entreprenant de vendre mon véhicule, j’ai éprouvé le besoin de me procurer le sésame que ceux de ma génération continuent d’appeler un Certificat de non gage, ignorant qu’il est devenu un Certificat de situation administrative. Mais n’ignorant pas qu’au XXIème siècle, il n’est plus besoin d’affronter des queues aux guichets et que l’on peut se le procurer via Internet.

Savoir à quelle adresse est une autre histoire, même si je l’avais utilisée voici moins d’un an ; mais fort heureusement Google s’est gardé, lui, d’oublier le vieux français « non gage » et offre une liste impressionnante de réponses.

Tellement longue cette liste, que me souvenir pourquoi ma souris s’est arrêtée sur www.services-prefecture.com tiendrait d’un miracle que je ne mérite certes pas.

Ce dont je me souviens parfaitement en revanche, c’est qu’à une certaine étape de la procédure, il me fut demandé 1 euro. Une somme tellement raisonnable, en tous cas, que je n’hésitais pas à la régler en ligne par l’entremise de ma carte Visa.

Un acte qui entraîna deux conséquences, instantanées : primo, la réception par courrier électronique d’un ticket de paiement ainsi libellé :

CARTE BANCAIRE
DATE : 01/11/2014 10 :21 :05
NOM SUR VOTRE RELEVE BANCAIRE : SERVICE-AIDE.FR
REFERENCE :XXXXXXX
Votre achat :
– AIDE ET ASSISTANCE CERTIFICAT DE NON GAGE
Paiement traité par SERVICE-AIDE.FR
TICKET A CONSERVER
Pour nous contacter : http ://service-aide.fr/

Et secundo, la réception du document convoité, en format .pdf, en pièce jointe d’un autre courrier tout aussi électronique que le premier.

Point final ! Et vive le dématérialisation qui m’avait fait conquérir le Graal en moins de quinze minutes !…

Point final ? Voire !… Il se trouve (et c’est aussi un phénomène générationnel) que je pointe régulièrement mes relevés bancaires. Et que je m’en trouve bien, en règle générale (cf. supra, en particulier). En l’occurrence, cette hygiène de vie me fit découvrir un prélèvement de 59,00 € pour "FACTURE CARTE DU 011114 SERVICE-AIDE.FR CARTE".

Le temps de retrouver le ticket de paiement et je me rendis aussitôt sur le site service-aide.fr qu’il mentionnait pour en découvrir l’élément le plus visible, à savoir le bouton « Effectuer une demande de remboursement | Cliquez ici ».


Un bouton que je cliquais sans hésitation, comme vous le pensez à juste titre, pour déposer ce message :

« J’ai demandé le nn XXXX 2014 à nnhnn sur Internet un certificat de non-gage (certificat de situation administrative simple) pour mon véhicule XX-nnn-XX (numéro VIN : XXXXnnnnn).

La procédure comportait un règlement de 1 euro, que j’ai effectué par carte Visa.

Sur le relevé que je consulte aujourd’hui apparait un prélèvement de 59,00 € pour "FACTURE CARTE DU 011114 SERVICE-AIDE.FR CARTE".

Je vous demande donc le remboursement IMMEDIAT des 58,000 E INDUMENT PRELEVES.
RSVP
 »

ce qui eut pour conséquence une réponse instantanée, sous la signature de « Nathalie Service client (SERVICE PREFECTURE) » :

« Nous avons bien reçu votre demande. Celle-ci est enregistrée sous le numéro 4034.

Notre équipe va bientôt la prendre en charge. Nous nous engageons à vous répondre le plus rapidement possible.

Ci-dessous la copie de votre message.

Si vous souhaitez rajouter des éléments à votre demande initiale, répondez à cet email. »

Y étant invité, je répondis :

« Bonjour "Nathalie",

Merci de votre réponse pratiquement instantanée.
Veuillez SVP lire "le remboursement IMMEDIAT des 58,00 € INDUMENT PRELEVES" au lieu de "le remboursement IMMEDIAT des 58,000 E INDUMENT PRELEVES"

En outre, je demande avec insistance à connaitre le statut de SERVICE-AIDE.FR, qui dispose d’un "Service Client", vocabulaire pas vraiment administratif. Votre "SERVICE PREFECTURE" serait-il en fait un Partenariat Public-Privé, "à la" ECOMOUV ?

RSVP »

ce qui me valut « l’explication » finale suivante :

« Bonjour,

Le remboursement vient d’être effectué.

L’accès à nos services d’assistance est facturé 1 €, chaque demande de certificat livré est facturée 58 €.

Notre personnel d’assistance effectue les démarches à votre place pour vous faire gagner du temps et vous assurer la délivrance de vos documents administratifs, nous sommes disponibles 7j/7 pour vous conseiller dans les démarches administratives de vente de votre véhicule.

Nos tarifs sont très clairement indiqués à plusieurs reprises et rappelés précisément dans un paragraphe au moment de la souscription finale du service.

A la lecture de votre message, vous ne semblez pas avoir lu ces indications. Nous ne souhaitons pas semer le doute à nos clients c’est pour cela que j’effectue le remboursement de la somme de 59 € sur votre compte dès à présent. Visible sur votre compte bancaire sous 7 jours ouvrés selon votre banque.

Cordialement »

Je m’autoriserai donc quelques commentaires, cordiaux également :

1.      « Nos tarifs sont très clairement indiqués à plusieurs reprises ». Ils sont en effet indiqués sur la page d’entrée dans services-prefecture.com, comme j’ai pu le vérifier (mais a posteriori, ayant a priori été persuadé, du fait de son nom, de me trouver sur un site de l’administration) ; les autres occurrences éventuelles m’ont totalement échappé.
Qu’ils le soient « très clairement » est une autre affaire, jugez-en vous-même :
« www.services-prefecture.com vous assiste pour obtenir votre certificat de non gage.
Si vous préférez ne pas être assisté, vous pouvez accéder directement au site siv
Si vous choisissez d’être assisté, nos services et les couts associés sont :

·        Collectes de vos informations

·        Vérification et correction des informations transmises

·        Démarches administratives effectuées à votre place

·        Assistance 7j/7

·        Envoi par courrier sur demande

·        Vous payez 1 euro pour accéder à nos services d’assistance en ligne et 58 euros pour la transmission du certificat »

2.       Est-ce un pur hasard si le nom du site (services-prefecture.com) prête grandement à confusion ? Au point qu’il pourrait constituer ce que la Répression des Fraudes nomme « intention de tromper »…

3.       Est-ce un pur hasard si la première ligne de sa page d’accès comporte un drapeau tricolore, même s’il est stylisé ?

4.       Est-ce un pur hasard si le site de recours (service-aide.fr) est cité très explicitement dans le ticket de paiement ?

5.       Est-ce un pur hasard si son élément le plus visible conduit directement à un formulaire de réclamation ?

6.       Est-ce un pur hasard si l’on peut lire sur la page d’entrée du site de recours :
« Vous êtes un banquier ?
Votre client a effectué un paiement sur Internet qu’il conteste ou dont il ne se souvient pas. Vous souhaitez savoir si ce paiement était légitime et donc éviter de faire une constestation
(sic) abusive qui sera constestée (re-sic) et justifiée en retour de la part de notre service.
Complétez le formulaire et nous reviendrons vers vous dans les plus bref délais avec l’ensemble des informations détaillées.
Un remboursement immédiat et intégral sera effectué si votre client ne semble pas avoir choisit
(re-re-sic) cet achat en parfaite connaissance de cause. »,
un peu comme si les responsables du site étaient parfaitement conscients du fait que leurs pratiques « flirtent outrageusement avec la ligne jaune » ?

7.       Est-ce un pur hasard si l’envoi du formulaire se traduit par une réponse immédiate (un peu comme si les responsables etc …, etc…) ?

8.       Est-ce un pur hasard si un remboursement intégral est initié immédiatement sans la moindre discussion, sans le moindre marchandage (un peu comme si les responsables etc …, etc…) ?

9.       Suis-je le seul à avoir « expérimenté » ce système ?

10.   Sinon, combien de personnes (combien de dizaines ? de centaines ? de milliers ?…) en ont-elles été victimes ?

11.   Et parmi elles, combien ne se sont-elles aperçues de rien, faute de prêter une attention suffisante aux mouvements sur leurs comptes ?

12.   Les services préfectoraux n’ont-ils jamais été alertés ?

13.   Le ministère de l’intérieur n’a-t-il jamais été alerté ?

14.   Si oui, quelles mesures ont-elles été prises ?

15.   Le système est-il en « service » dans d’autres secteurs ? Combien ? Lesquels ?

16.   Par quelle aberration est-il concevable que n’importe qui puisse accéder, soi-disant en mon nom, à des informations qui relèvent de la sphère privée ?

17.   Pourquoi les systèmes d’information de l’administration se prêtent-ils avec autant de complaisance à de telles intrusions ?

18.   etc…, etc…, etc…

En tous cas, si vous avez eu la curiosité (la patience ?) de poursuivre votre lecture jusqu’à ce point, vous voilà désormais invité à vous souvenir que plus c’est simple, plus ça peut être compliqué et que

la prudence s’impose !

Un homme averti en vaut deux ; et quand je parle d’hommes, gardez vous bien de toute jalousie mal placée : j’embrasse naturellement toutes les femmes dans cette formule !

Ar’vi ‘pa …