Pierre Moscovici vient d’annoncer que, par décret, les commissions d’intervention qu’imputent, en sus des agios, les banques à leurs clients seront plafonnées. Pour tout le monde, à huit euros par opération (et 80 euros par mois), à respectivement quatre et 20 euros pour « les clients les plus fragiles ». Est-ce vraiment une bonne nouvelle pour tout le monde ? Sans doute pour les petits clients, peut-être pas pour ceux qui pouvaient obtenir de leur banquier une exonération de ces frais. La mesure devra être évaluée sur la durée… 

Dring-dring, la dépêche, signalée urgente, tombait sur les téléscripteurs. Aussitôt, radios et télés répercutaient la nouvelle, brute de décoffrage ou presque, et parfois les quotidiens prenaient le temps d’en examiner les répercussions.

Tout le monde a applaudi la mesure annoncée par Pierre Moscovici de limiter les commissions d’intervention des banques à huit ou quatre euros par opération selon le profil des clients, et à 20 ou 80 euros du mois en fonction du nombre de découverts donnant lieu à perception d’agios. Soit, pour les uns, cinq découverts par mois, dix pour les autres.

En 2009, la Commission européenne établissement un classement par pays des banques les plus gourmandes : loin derrière le Portugal (45 euros/an), la France se situait au sixième rang, avec 154 euros/an, suivie par l’Espagne et l’Italie (championne avec 253 euros/an) pour le coût moyen annuel de détention d’un compte courant.

Cela avait ému le ministère des Finances, Christine Lagarde avait adressé un avertissement aux banques françaises, diverses mesures étaient entrées en vigueur.
À l’époque, l’UFC-Que Choisir relevait que « les opérations liées aux incidents de paiement » avaient augmenté « de 28 % en cinq ans ». Aux agios s’ajoute, par incident, une commission d’intervention.

Le total agios plus commission grimpait entre plus de 22 et 27 % selon les établissements. Alors que le taux d’usure se situait à peine au-dessus de 19 %.

En juillet 2010 paraissait un rapport, dû à Georges Pauget, Emmanuel Constans et Jean Guillaume, sur le dispositif français de tarification bancaire. Non seulement le coût de revient d’un compte courant plaçait le déposant français en piètre position européenne pour ses frais de gestion de compte(s) courant(s) mais il dépensait « chaque année un montant 14,5 % plus élevé que la moyenne des six principaux pays partenaires de la France » (Bénélux, Allemagne, Italie, R.-U. et Espagne).

Le point 28 du rapport préconisait « pour les clientèles fragiles » une réduction substantielle des frais d’incidents, soit de la moitié de la commission d’intervention, plafonnée au « maximum de cinq euros par commission ».

Par conséquent, en fixant le plafond à quatre euros, le décret à venir fait mieux.

Quant aux agios, leur calcul reste le même, soit un taux journalier appliqué aux sommes des découverts selon leur durée. Ce taux, en 2011, variait entre huit et 19 % selon les établissements.

Même à un taux de 16 %, quelqu’un ayant, sur un mois, deux découverts de quelques jours pour des sommes inférieures à 400 euros n’avait à régler que de deux à huit euros.

D’où l’intérêt de la commission d’intervention, qui variait, en 2011, entre cinq et dix euros par opération en anomalie, soit dépassant le découvert autorisé. La plupart des clients peu précaires se voient autoriser un découvert, gracieusement ou non. La gratuité étant négociable.

La question est de savoir comment les banques vont encaisser le coup (et coût). Vont-elles toutes s’aligner sur les plafonds ? Vont-elles renoncer à accorder la gratuité des autorisations de découverts ?

Bref, la mesure entraînera-t-elle des effets pervers ?

Pour la plupart des déposants, la meilleure mesure consiste à être averti lorsque votre compte atteint un seuil, par exemple positif, d’une cinquantaine ou centaine d’euros. Cela suppose bien sûr d’être abonné aux services en ligne. Et de pouvoir couvrir immédiatement (en ponctionnant dans un compte épargne, en empruntant auprès de proches ou d’amis).

Pierre Moscovici estime que la mesure « protège mieux les clients et les consommateurs ». En général, sans doute. En détail, cela reste à voir, et pour qui.

Auparavant, les banques fixaient un seuil d’interventions donnant lieu à perception de la dite commission : de 30 à 150 maximum par mois (pour un coût maximal théorique de 187 à 1 094 euros par mois). Les plafonds sont donc sérieusement rabotés.

Un décret de novembre 2007 avait réglementé déjà les frais de rejets d’un chèque, d’un virement ou prélèvement. Constat : « les établissements se sont presque tous alignés sur les plafonds réglementaires. ». Et souvent, la même créance étant représentée plusieurs fois, il y avait à chaque fois perception d’une commission (ce qui pouvait être remboursé… si le client en faisait la demande).

Très certainement bénéfique aux ménages endettés ou ne pouvant faire face à leurs dépenses et se retrouvant fréquemment en découvert, la mesure sera-t-elle aussi favorable à ceux se retrouvant peu souvent à découvert ? Bref, ponctionnera-t-on davantage les uns pour compenser le manque à gagner sur les autres ? Ce qu’il restera à vérifier.