Elles nous font cracher au bassinet, c’est nous qui les payons. Qui cela ? Fitch, Moody’s, Standard & Poor’s, principalement. Rétribuées par, notamment, par la bancassurance, elles avaient fait semblant de ne rien voir sur la précédente crise avant de pousser banquiers et assureurs à faire la part du feu. Avec la crise des liquidités dans l’Eurozone, c’est idem. Tant que Goldman Sachs maquillait les comptes de la Grèce, tout allait bien pour elles. Fitch vient de contribuer, avec l’argent pompé chez Goldman Sachs, de faire dévisser cette banque de 4,2 % sur les marchés, histoire qu’au final, rien ne change. Et si les épargnants remplaçaient, bénévolement, les agences de notation ?

J’ai bien souri, mais jaune, en lisant que Claude Allègre, dans Match, cirait les pompes de Sarkozy, « excellent dans les tempêtes », et lui donnait l’avantage sur Hollande qui ne serait pas « un capitaine de grand vent. ». Mais qui a contribué à faire se lever la tempête ? Sarkozy, en dictant à Bercy, Lagarde ou Baroin, ou Woerth, ou d’autres, l’art et la manière de maquiller la dette, la faiblesse de la croissance, l’explosion du chômage, tout en protégeant les banques et les assurances. Au passage, c’est grâce à des « capitaines “socialistes” brassant du vent », du genre Allègre, que partie de l’électorat a préféré Le Pen à Jospin.

Pour vérifier les comptes publics et privés, notamment ceux des banques et des assurances, il faudrait des règles comptables transparentes, aucun subterfuge permettant aux chambres de compensation, du type Clearstream ou Clearnet, de faire passer des fonds dans les paradis fiscaux. Mais finalement, si Bercy est rétribué par les contribuables, ne serait pas la bancassurance qui, en favorisant les va-et-vient des hauts fonctionnaires entre elle et la fonction publique, qui dicte la façon d’exercer les contrôles ?

Qui rémunère les dirigeants et cadres des agences de notation financière ? Qui en rémunère les actionnaires (le groupe de médias Hearst, Warren Buffet, l’éditeur McGraw-Hill, entre autres) ? Les notés. Soit des entreprises qui répercutent les coûts sur leurs clients, des banques, des assurances, qui font financer leurs contributions aux agences par les épargnants et les assurés.

Wikinotation

FBI (fausse bonne idée) ? Quand on voit les manipulations, parfois sournoises, sur les pages de Wikipedia, pour restaurer, conforter (plus qu’écorner, généralement) la réputation de tel ou tel, on peut effectivement douter qu’une Wikinotation soit et reste au-dessus de tout soupçon. Alors que Wipedia ne rapporte pas grand’ chose, une Wikinotation serait l’objet de fort douteuses sollicitations. Mais, contrairement à ce qui se produit avec les agences de notation, un recours subsisterait. Ainsi, les économistes et analystes ou prévisionnistes, en travail collaboratif, devraient débattre ouvertement, au vu et su de toutes et tous.

Et le fameux secret des affaires ? Et les délits d’initiés ? Allons donc… Les banques centrales savent parfaitement que celles, privées, qu’elles contrôlent, supposément, ont des filiales dans des paradis fiscaux. Qu’à fait la Banque de France pour les petits actionnaires d’Eurotunnel ou de Natixis ?

Capitaines abandonnant

Ce que ne veulent surtout pas les banques et les assurances, et ce que relaye un Sarkozy et d’autres, c’est que les règles comptables ne soient pas contournables, que le système soit davantage réglementé. Certes, mettre tant de fiscalistes, de conseillers intègres, de ministres vertueux au chômage aurait un coût. Sarkozy, comme d’autres, préfère en verser d’autres au Pôle Emploi. Que vaut un avocat d’affaires qui se verrait incapable de suggérer des solutions de défiscalisation, des arrangements via la création de filiales ?

Que vaudrait d’ailleurs un Claude Allègre si des entreprises cessaient de le consulter ? Ancien directeur du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), quel fut au juste son rôle dans l’affaire des permis de prospection de gaz de schiste ? Pour lui, au Japon, il s’est produit « un accident nucléaire » mais pas de « catastrophe nucléaire ». Pour l’exploitation du gaz de schiste, « l’interdire serait incompréhensible ». Idem pour les OGM, en dépit du fait que les rendements annoncés sont bien en-deçà des chiffres annoncés (trois fois moins dans le cas du coton indien), en dessous de ceux des cultures traditionnelles (cas du colza australien), que des parasites mutent, exigeant l’emploi massif de nouveaux pesticides pour en contenir les nuisances. Des pesticides fournis par les mêmes.

Voici donc un lobbyiste préconisant la réélection d’un autre lobbyiste.

Indifférence, passivité

Le problème de la crise n’est pas que financier, il est aussi de nature morale, tant il est vrai que les poissons pourrissent par la tête. Mais, à tout niveau, personne ou presque ne peut s’exonérer, d’une part si minime soit-elle, de responsabilité. Car qui ne dit mot, consent. Le civisme ne consiste pas qu’à être irréprochable.

Comme le dit Claude Allègre des « gauchistes », « opposants aux sociétés dans lesquelles nous vivons », ceux qui se taisent ou ne font strictement rien sont les complices des mêmes sociétés, les fauteurs passifs des crises, des exactions.

Certes, il y a la prière, le secret de la confession, l’absolution, que rechercheraient ces traders allant soulager leur conscience à l’église de La Défense. À chacun sa propre « discipline » et l’Élysée veut bien dire se flageller, mais dans l’intimité, pas question de contrôle extérieur trop strict. Sarkozy est le « flagellant de grand vent », de grande esbroufe.

Il est quand même bizarre que les agences de notation et la Communauté européenne n’aient pas voulu voir l’absence de cadastre, l’exonération fiscale des églises et des armateurs grecs, la dilapidation des subventions européennes. Elles préconisent à présent non pas de remédier vraiment à ces « anomalies », mais d’en faire supporter les conséquences à celles et ceux qui ont laissé faire en étant les moins bien informés : soit près de 99 % des Grecques et des Grecs, anesthésiés par un clergé atone, des politiciens complices.

Claude Allègre voudrait-il que Sarkozy se transforme en Philippe le Bel, faisant main basse sur les trésors des banquiers lombards et juifs, s’accaparant les biens des Templiers (soit des Bettencourt et Tapie et autres d’antan) ? Non, il mise sur l’austérité, et la « croissance » soutenue par les OGM, les gaz de schiste, le nucléaire, donc les dépenses induites par la pollution, les nuisances, le traitement des déchets, la reconstruction après les « accidents »… Tout contribue au Produit intérieur brut, tout fait bois pour Allègre, et les citoyens joueront les pompiers plus tard. Capitaine « de grand vent » ou « de pédalo », de ce point de vue, c’est un peu du pareil au même.

Mais quand les digues cèdent, ce qu’on attend du capitaine, c’est aussi de transporter ses sacs de sables et de déblais, de manier la pelle. Allez, Allègre, donne un peu l’exemple.

La réalité, comme l’indique Toomas Hendrik Ilves, le président estonien, c’est que la crise dérive notamment de « l’irresponsabilité fiscale » de gouvernements européens. Aussi de quelques joueurs de flûte employés par la finance et divers intérêts industriels ou autres. Des noms ? Au moins deux : Sarkozy, Allègre ! Il est grand temps de se boucher les oreilles et d’agir.