Afrique : Les grands hommes gaspillés

Comme je vous le disais hier, Wade (président du Sénégal) sait depuis longtemps que P'tit Karim (son fils et probable successeur) est de la race dont on fait les chefs.

Depuis quelques années, quand il réfléchissait, seul dans son bureau au destin de l'Afrique et singulièrement du Sénégal, il faisait l'amer constat qu'arrivé trop tard au pouvoir, la biologie qui conditionne la longévité humaine ne lui laisserait pas le temps de terminer son "grand oeuvre".

Lui, qui avait bataillé durant 3 décennies pour arriver au pouvoir, n'arriverait pas à marquer durablement le futur et à laisser son empreinte dans l'histoire comme Jules César, Napoléon ou Pierre le Grand.

Il se disait même que si son Karma avait été juste un peu plus favorable il aurait pu rivaliser avec Winston Churchill ,dont l'image d'un homme seul, s'élevant contre les hordes barbares et galvanisant son peuple, l'avait toujours fasciné.

Il se voyait bien dans ce rôle. Il y a quelques années, il avait essayé d'incarner ce type de mythe en lançant à grand renfort de publicité son plan Omega (Super plan de développement de l'Afrique, totalement irréaliste mais très séduisant), plan qu'hélas ses collègues chefs d'états africains avaient dénaturé par la suite en le mixant avec 2 ou 3 plans foireux présentés par des collègues jaloux de son aura.

Il fut tellement mutilé son beau plan qu'il fut vidé de sa cohérence interne : les grappes de convergences ne convergeaient plus. Et, arriva ce qui devait arriver : le plan agonisa (comme tous les plans africains qui ont la particularité d'agoniser très longtemps et de coûter très chers).

Pourtant les partenaires au développement avaient bien reçu le message quand le visionnaire avait détaillé son plan en expliqué que l'Afrique n'avait pas besoin de prêts ou de dons, mais qu'elle allait se développer grâce à la mobilisation de ses ressources internes. Ils avaient tellement bien reçu le message qu'ils proposèrent des sous pour marquer leur soutien à cette autoprise en charge de l'Afrique.

Il faut dire que ce plan était génial, même lui qui en est le père en convient. Et pourtant vous savez combien il est modeste…

Aujourd'hui, il en était presque à regretter d'avoir mis son intelligence soutenue par le libéralisme et guidée par Keynes, au service d'un syndicat de gens incapables de goûter la haute tenue intellectuelle de son travail.

Faut dire qu'il avait été bien naif, lui même s'en rendait compte, car ses collègues n'étaient pas des lumières, sans vouloir être désagréable. Au choix : militaires ayant troqués le treillis contre le costume civil national à la faveur de coups d'états réussis et d'élections truquées de main de maîtres, ou civils plus ou moins farfelus et analphabètes, aussi creux que des bulles de savon et dotés d'un appétit de requin.

Wade se démarquait naturellement de ses collègues que, comme ses parents, on ne choisit pas. Nous étant donnés par Dieu, il faut faire avec.

Avec tristesse, Wade pensait au gaspillage que les peuples font de leurs grands hommes. Il en souhaitait que Dieu lui accorde 2 ou 3 décennies de vie en plus. Il ne demandait pas un Reich de mille ans, non juste 20 ou 30 ans histoire de faire émerger un pays que le monde entier observe avec envie et admiration (selon lui) mais qui n'arrive pas à décoller des derniers de la classe et des pays les plus pauvres du monde.