Un général étasunien, le brigadier Terence Hildner, est mort vendredi, de causes naturelles, à 49 ans, en Afghanistan, selon les premiers éléments divulgués par l’armée des États-Unis. Il n’y a évidemment pas lieu de s’en réjouir, le général était un riz-pain-sel, et aucune des quelque 140 morts de civils l’an dernier attribués à l’armée afghane ou aux forces de l’Isaf (la coalition à laquelle les armes françaises participent) ne peut sans doute lui être directement imputée.
C’est pour l’armée américaine « une perte tragique ». Et pour sa famille, donc ! Le brigadier-général Hildner est mort vendredi dernier en Afghanistan.
Il avait servi en Irak mais aussi pour coordonner les secours à la suite des désastres de l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans.
Depuis 2007, et la décision de Nicolas Sarkozy d’engager les troupes françaises en Afghanistan, ce sont près de 12 000 civils qui ont trouvé la mort en Kapisa et ailleurs dans ce pays. Sur ce nombre, les morts dues soit aux forces afghanes, soit aux forces coalisées, soit à des opérations conjointes, sont de l’ordre du sixième.
Profil bas ?
engagement réduit ?
On peut donc évidemment estimer que le général et d’autres protégeaient les civils contre les talibans, d’autres nationalistes opposés au gouvernement estimé corrompu de Karzaï, ou des brigands divers.
Ou que la présence des forces de l’Isaf contribue à dresser contre elles et le pouvoir afghan une forte partie de la population. On peut tenter de pencher pour une thèse ou une autre, mais il ne fait guère de doute que le départ des forces étrangères s’accompagnera d’exactions et d’atteintes aux personnes. Plus ou moins que la poursuite du meurtrier statut quo actuel ?
Le général Allen, qui supervise l’Isaf, a indiqué que la priorité avait été et restera de limiter les pertes civiles. Une Air Civilian Casualty Conference a été créée et une conférence plus générale se tiendra en mars prochain. Les talibans insistent aussi sur les victimes civiles et, après la mort de soldats français tués par un homme sous uniforme de l’armée afghane, un autre militaire, dont l’identité ou la nationalité n’a pas été révélée, est mort le premier février, lui aussi tué par un individu sous uniforme afghan. Les talibans donnent la priorité à ce type d’attaques ou à l’exécution de dignitaires ou de fonctionnaires du pouvoir. Le dernier attentat dans un bazar, à Kajaki Sofia, remonte à la mi-janvier.
En Kapisa, la dernière opération du dispositif La Fayette a engagé 300 soldats français (groupes Mousquetaire et Tigre), le 25 janvier dernier. Des tirs ont été échangés. 20 insurgés sont morts, une douzaine aurait été blessés. À part cela, hormis la formation de militaires afghans à la prise d’image (par les commandants Hubert et Hervé ou le lt Bérangère…), il semblerait que la dernière opération officiellement signalée remonterait à… fin juillet. Ou pour l’artillerie (35e RAP), à la fin août.
Les forces françaises en Afghanistan sont passées de 3 800 à 3 600 personnes depuis octobre et novembre dernier (trois Rafale ont aussi été retirés du dispositif). Il semblerait que, peu à peu, l’activité principale consisterait à déployer des tireurs d’élites pour protéger de loin les patrouilles ou opérations des forces afghanes (c’est du moins ce qu’on peut rapidement déduire, des blindés légers et des hélicoptères accompagnant aussi les opérations des forces de l’Ana).
On peut donc espérer raisonnablement que, hors attentats ou hors opérations de combat (soit du fait de la faute à « pas de chance »), les pertes françaises se réduiront au cours de l’année 2012, et bien sûr, globalement : souhaitons vivement qu’il n’y en ait aucune. Pour le moment, en Afghanistan, les plus hauts gradés décédés français ont été les capitaines Camille Levrel (152 RI) et Valéry Tholy (17e RGP), le chef d’escadron Patrice Sonzogni (35e RAP) et le lieutenant-colonel Fabrice Roullier (1e BM).
Sévères critiques
Le décès du général intervient peu après une nouvelle volée de critiques de la part de militaires américains en service en Afghanistan.
La dernière en date provient du lieutenant-colonel Daniel Davis et elle a été publiée sans langue de bois dans l’Armed Forces Journal des armées des États-Unis. L’officier supérieur rapporte qu’il n’a jamais rien vu sur le terrain quoi que ce soit ou presque qui corroborerait les déclarations américaines officielles sur l’Afghanistan.
« J’ai constaté l’absence de succès à presque tous les niveaux, » poursuit-il.
Partout où il s’est rendu, c’est pratiquement un échec abyssal, résume-t-il. Commençons par dire la vérité à l’opinion, urge-t-il.
C’est la seconde fois que le lieutenant-colonel Daniel Davis sert en Afghanistan, cette fois dans le cadre de la Rapid Equipping Force.
Il s’est longuement entretenu avec plus de 250 soldats, gradés ou officiers et le panorama est le suivant : les forces de l’Ana (l’armée nationale afghane) ou de la police refusent souvent le combat ou s’arrangent avec les talibans qui jouissent des faveurs et de l’assistance d’une majorité de la population.
Un porte-parole du gouvernement américain a réitéré que l’état-major conservait la confiance de la présidence mais aussi que l’officier pouvait exprimer son opinion. Le New York Times a largement repris les propos du colonel. L’AFJ a placé l’intégralité de l’article « Truth, lies and Afghanistan » sur son site. Selon lui, en maints endroits, les talibans contrôlent tout le terrain à portée de vue des postes et cantonnements des forces de l’Isaf. Le colonel a aussi consulté nombre de documents encore classés confidentiels (secret Défense). Il a notamment assisté, dans la province de Kandahar, région de Zharay, a un accrochage entre des talibans et une patrouille de deux véhicules. Deux policiers afghans ont été sommés d’intervenir pour intercepter deux talibans fuyant mais à leur portée, en vain. Dans la province de Kunar, l’armée ou la police afghanes relâchent systématiquement les prisonniers qui leurs sont confiés.
Les déserteurs afghans considèrent qu’ils retrouveront leurs postes après le retour des talibans en 2014, voire même auparavant. Après 10 ans d’opérations, la situation est pire qu’initialement.
Le ltc Daniel L. Davis a créé son propre site : afghanreport.com. Il met en ligne la plupart de ses écrits et d’autres documents d’accès libre.