Et si, finalement, la démission d’un président aussi dispendieux que Nicolas Sarkozy était de nature à rassurer les marchés ? Pour Papandreou, Berlusconi, l’effet semble positif, au moins pour l’instant. Alors qu’après Dexia, Groupama, plombé par l’Italie, l’Espagne, et le Portugal, entre dans des eaux troubles, la sortie de Sarkozy ne pourrait-elle pas donner un signal positif ? Et puis tiens, entouré de Takieddine, Bourgi, Djouhri, ou Minc, Groupama pourrait lui trouver un point de chute : sa très coûteuse filiale hongroise, Garancia Biztosito.

Prenons-le d’abord par le gros bout de la lorgnette. Berlusconi est un président moins dispendieux que Sarkozy : 30 000 euros la nuit pour une suite à Cannes lors du dernier G20, contre 34 000 pour Obama, ou… 37 000 euros pour Sarkozy (selon les journaux britanniques et italiens, et divers organisateurs, mais dix fois moins, soit 3 500 euros, selon l’Élysée et peut-être la police). Bizarrement, David Cameron, moins gourmand, a confirmé au Sun sa relative frugalité (moins de 1 800 euros la nuit). Au passage, on peut comprendre pourquoi la Chine peut se permettre d’apporter des fonds à la Grèce : son dirigeant est le moins fastueux.

En Italie, après la rue, ce sont les députés de sa majorité qui ont « vidé » Berlusconi. En France, les députés de l’UMP, du Nouveau Centre, et les orphelins de Borloo ne disent rien, comme Boeckel. Qui ne dit mot, consent. Il faudra s’en rappeler lors des législatives.

La communication de l’Élysée et du Premier ministre explose ses budgets, sans aucun contrôle apparent si ce n’est celui de la Cour des comptes ? Aucune sanction possible : le président français est au-delà de toute poursuite. Qui ne dit mot, consent !

« Mi hanno tradito, ma questi dove vogliono andere » (ils m’ont trahi, mais où veulent-ils aller ?), s’est exclamé Berlusconi. Ben, c’est simple, ils veulent revenir siéger, se faire réélire… Mandarvi a casa… Revenir à la maison, ou à la caisse, comme on voudra. Quant à Berlusconi, il pourra à présent inviter DSK à pratiquer le bunga bunga sans qu’on lui cherche trop de poux dans la tête. Mais bizarrement, la presse italienne a évoqué un « suicide judiciaire ».

Argent facile

Mais pourquoi Sarkozy serait-il économe des deniers publics ? Qui, de fait, a décidé du montant de la commission de Ziad Takieddine pour le marché des trois sous-marins vendus à Islamabad en 1994 et selon quels critères ? C’était 4,3 millions d’euros, révèle Mediapart, d’après un document de la justice du Liechtenstein. Pour dégager combien de rétrocommissions ?

Ce contrat dit Agosta a généré au moins cette somme en commissions, laquelle a transité par le Luxembourg, l’île de Man, le Panama, le Liechtenstein et Jersey. Mediapart emploie le conditionnel de circonstance pour décrire le montage de la Luxembourgeoise Heine, « société dont Nicolas Sarkozy, ministre du budget (…) aurait supervisé et validé la création, selon un rapport de janvier 2010 de la police luxembourgeoise. ».

Eh oui, comme le commente un procureur de Genève pour GHI, à propos de Joëlle Ceccaldi-Raynaud, ex-suppléante de Sarkozy, « Contrairement à ce que raconte le cinéma ou la télévision, ce n’est plus les magistrats qui sont en retard d’une guerre, mais les fraudeurs. Ces derniers n’ont pas encore compris que les justices suisse, luxembourgeoise et même liechtensteinoise, exécutent dorénavant les commissions rogatoires internationales… ».

« Est-ce que vous imaginez que s’il y avait quoi que ce soit à reprocher à Monsieur Balladur, on ne l’aurait pas trouvé en 17 ans ? 17 ans ! », s’est récemment exclamé Môssieu Sarkozy. Au fait, était-ce vraiment Balladur qui était aux manettes du financement de sa campagne ? N’était-ce pas plutôt des amis et des proches de Sarkozy, Nicolas ?

Soit le marchand d’armes Abdul Rahamm El-Assir, l’intermédiaire Ziad Takieddine, proche de François Léotard, et leurs convives habituels : Renaud Donnedieu de Vabres, Nicolas Bazrie, Thierry Gaubert, Brice Hortefeux, Jean-François Copé…

Au besoin, Takieddine faisait masquer sa signature, remplacée par celle d’un avocat suisse, Hans-Ulrich Ming. Mais ce dernier ne se souvient que d’Abdul Rahamm El-Assir. Et puis, Nicola Johnson, ex-épouse Takieddine, a communiqué des piles de dossiers au juge Van Ruymbeke.

La fortune de Takieddine, parti d’un poste de cadre à la station de ski Isola 2000, est estimée à cent millions d’euros. Combien, d’après vous, a-t-il pu palper pour redistribuer à « qui de droit » ? Le double ? Davantage ? Et quand Nicola Johnson s’est-elle préoccupée des documents de son mari ? Il y a 17 ans, ou était-ce en 2010 comme elle l’assure, de même que l’épouse de Thierry Gaubert ?

En toute impunité

Dans le Canard enchaîné de ce 9 novembre, il est relevé que l’île de Saint-Barthélemy, pour sa partie française, exonère d’impôt sur le revenu particuliers et entreprises après cinq ans de résidence… souvent aménagée. « Et si la CSG et la CRDS sont officiellement dues, aucun fonctionnaire de Bercy n’a jamais pensé à les réclamer, » poursuit le volatile.

La Cour d’appel, dans l’affaire des contrats de communication de l’Élysée, exonère tout contrat « susceptible d’avoir été signé à la demande ou, à tout le moins, avec l’accord du chef de l’État. ». Cela vaut aussi pour les contrats signés par le même du temps où il était ministre (du Budget, de l’Intérieur, &c.) ?

Qui ne dit mot, consent, Messieurs les parlementaires : aux paradis fiscaux, aux rétrocommissions comme à l’impunité et au reste.

Djouhri blanc comme neige

Autre intermédiaire, Alexandre Djouhri. Il vient de signifier au magazine Capital, qui avait publié le 3 novembre l’article « Porteurs de valises : les racketteurs du CAC 40 », qu’il n’a jamais, au grand jamais « géré discrètement des financements politiques » ou « fait “miroiter” quelques contacts que ce soit dans le but d’être mandaté comme intermédiaire dans des contrats internationaux. ». Bien, lui aussi parti de rien, dépourvu de contacts, jamais mandaté par personne, comment donc a-t-il fait fortune ? Et pourquoi donc Claude Guéant l’estime « utile à notre pays » ? Le Genevois Wahid Nacer, associé de Djouhri selon Takieddine, préfère, lui, se taire.

Takieddine obtenait des contrats, Djouhri ou André Guelfi, dit Dédé la Sardine, n’ont pas obtenu grand’ chose de tangible. Mais peu importe. Ils perçoivent quand même des commissions.

Parfois, aussi, les intermédiaires se tirent dans les pattes. Ainsi, pour le compte de Thalès, théoriquement, Takieddine roulait pour celui de Sarkozy tandis que Djouhri intervenait en Arabie Séoudite en tant qu’émissaire de Villepin. EADS, accouplé avec le groupe local Al-Rashid, a emporté un contrat estimé à trois milliards d’euros (de surveillance du territoire saoudien), en tant que projet soutenu par l’Allemagne. Vinci espérait des retombées, c’est raté.

Takieddine est beaucoup plus bavard sur Djouhri que sur son propre compte. « Je ne suis pas le “grand rival” de Monsieur Takieddine puisque je n’ai jamais exercé les activités qu’on lui prête et qu’il semble aujourd’hui reconnaître, » réplique Djouhri. Les Échos avaient estimé, à tort selon Djouhri, que ce dernier était partout, « de l’affaire Elf au feuilleton Clearstream en passant par l’Angolagate. ». Djouhri était nulle part. Il jouait aux courses, au Loto ?

Pour le site belge Le Vif, Pierre Péan a estimé que Djouhri fait surtout, à l’étranger, de la figuration : « J’émets l’hypothèse que, comme il ne parle pas arabe, comme on n’a pas besoin de lui comme intermédiaire classique et comme on le place sur des contrats existants, il est au cœur de l’appareil d’Etat et il permet probablement que de l’argent arrive chez des décideurs et dans des partis politiques. ».

Et puis au fait, est-ce grâce à un prêt à taux zéro que Villepin International, cabinet d’avocat, ou de Villepin lui-même a pu acquérir l’ancien hôtel particulier de Sarah Bernhardt pour plus de trois millions d’euros, fin 2009 ? Et puisque Djouhri n’a pas de contacts, que faisait-il donc, en compagnie de Villepin, à Djerba, le 15 août dernier, pour rencontrer Béchir Ben Salah, proche des Kadhafi ?

Au fait, puisque qu’Éric Woerth est intervenu dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne, il pourrait alléguer qu’il aurait signé « à tout le moins, avec l’accord du chef de l’État. ». Passez muscade, seule la Cour de cassation peut désavouer une cour d’appel.

Rassurer les marchés

Ce serait aussi pour « rassurer les marchés » qu’un Berlusconi trahi aurait démissionné. Il semblerait que Groupama chercherait plusieurs centaines de millions d’euros. En promettant de forts dividendes, mais pas voix au chapitre (pas de droit de vote). C’est du lourd, Groupama. Et c’est un ami ou recommandé de Sarkozy, Jean Azéma, qui l’avait lancé dans une croissance immodérée. Standard & Poor’s (la mal nommée) a baissé la note de Groupama… D’un BBB+ à un BBB p minus.

Messieurs les Parlementaires, ne croyez-vous pas qu’une démission de Nicolas Sarkozy, et un grand ménage, un grand coup de balai écartant notamment tous les intermédiaires, rassurerait les marchés ? Mais, effectivement, on peut comprendre (moins admettre) que ceux qui se sont si longtemps tus, peu assurés de leur réélection, préfèrent conserver leurs sièges quelques mois de plus…