Franc plagiat, puisque le titre de Mediapart est « Affaire Takieddine : des espèces pour le clan Sarkozy », mais je vous le traduit dans ce néo-langage familier des sauvageons du Neuf-Deux que le président de la République, à l’occasion, ne dédaigne pas. Puisque Le Figaro s’est permis de résumer assez copieusement, mais en choisissant ses morceaux, l’article de Mediapart, faisons de même, en rajoutant, pour mémoire, quelques noms.

Or donc, selon Mediapart, des valises d’argent liquide « on bien circulé dans l’entourage de Nicolas Sarkozy (…) jusqu’à une période relativement récente… ». C’est le sieur Bourgi, Robert, qui mouillait si bien de Villepin et J. Chirac dans des affaires de mallettes africaines, mais assurait que, depuis Sarkozy, tout avait cessé, qui doit se sentir nié (car niais, il ne l’était certainement pas).

En fait, selon Nicola Johnson, ex-épouse Takieddine, Brice Hortefeux aurait aussi palpé. Combien, c’est là la question ? Réponse d’Hortefeux à Mediapart : « c’est une plaisanterie, je commence à en avoir par-dessus la tête de cette histoire. Je ne laisserai pas passer de tels propos. ».

On ne sait s’il en a vraiment ras le bocal, mais jusqu’au dessus de la ligne (de blanche ?) colombienne du Nichon et du Nibar, les bars détenus en copropriété par Thierry Gaubert, autre proche du Niko le toujours en pétard, là, on veut bien le comprendre (voir nos précédents articles sur Nichon et Nibar et Gaubert).

Ce serait en 2005 que Brice le sac à malice se serait pointé chez les Takieddine pour palper le pèze, les pépettes, le blé, le grisbi.
Combien ? Bah, sans doute qu’il n’a pas dû, si l’on en croit les sommes évoquées, juste écarter le pouce et l’index pour désigner une petite liasse.

Plutôt les mains, au bout des bras, de sous la ceinture à par dessus la tête, pour donner une idée du paquet, de la pile, de l’entassement. Takieddine est coutumier du transport de flouze en gros biftons. Déjà 500 000 francs (76 000 euros) en petits paquets entourés de plastique, passés discrètement hors de Suisse, 1,5 million d’euros de retour de Libye, dans un bagage taille « cabine ».

Pour le moment, Takieddine ne reconnait avoir versé en espèces que diverses sommes à Thierry Gaubert. Montants ? Trou de mémoire. Remarquez, Hortefeux, très récemment, ne se souvenait plus s’il palpait 6 000, ou 14 000, ou 15 000, ou 20 000 euros mensuels (voir Marianne sur le sujet, c’est assez hilarant). C’est quand même un peu moins qu’un gros dealer marseillais, et sans doute beaucoup plus légal. Mais, à Marseille, cela ferait un bon second couteau.

Yoghourt et cigares
À Genève, Takieddine rencontrait Gaubert chez Gégé, un marchand de cigares. Mais on retrouve, comme à Marseille chez les gros bonnets de la beuh, des documents chiffrés. Avec des noms de code comme « yoghourt ». Alors, pensez, si le montant du yaourt est de l’ordre de 300 000 francs, quand c’est du chaource ou du mont d’or, à plus de 50 % de matière grasse, vous pouvez vous faire une idée. On ne va pas aller jusqu’à dire que le gang se livrait à la fabrication de fausse monnaie, mais l’un des contacts en Suisse était « un richissime papetier français », Jacques Lejeune, par ailleurs propriétaire d’un yacht de 44 mètres, l’Idyllwild. Born to be wild, mais plutôt en chemise blanche et boutons de manchette qu’en blouson noir.
Les jeunes Lejeune, Alain et sa frangine, Annika, devenue membre du cabinet de Copé, fournissaient-il une planque parisienne à Nicolas Bazire, autre proche du quatuor formé avec Hortefeux-Gaubert-Sarkozy ? Toujours est-il que les Bazire étaient logés chez les enfants du milliardaire. Avec boîte aux lettres à leur nom ou sous un nom d’emprunt ? Mediapart ne le dit pas.
Gaubert aussi palpait auprès des Lejeune. De l’argent « gris » ? Non pas. Le compte en Suisse était au nom de code Legris, mais n’en déduisons rien. Il y en avait quand même pour un million de francs suisses, qui passa sans doute en douce.

Le scénario était le suivant. On se posait sur un aéroport français proche de la Suisse, et on y louait une tire, pour quelques heures seulement. En privilégiant les petites routes. Manque de bol, Takieddine, cette fois seul, fut pincé par la douane volante ou celle de Fernay-Voltaire, vers les 23 heures, fin juillet 1994. Les chats Legris ne sont pas toujours gris, cette nuit-là, ils étaient plus voyants, même sous le siège conducteur. Selon Takieddine, c’était pour des dépenses personnelles (notamment, peut-être, le retour en jet privé depuis le petit aéroport de Meyrin).
C’était peut-être pour se payer des tours de manège chez les forains qui n’acceptent que le liquide, ou si ce n’est pas possible, à la rigueur, des chèques, mais jamais de carte de crédit, allez savoir.

Bon, Hortefeux n’a jamais eu « aucune information sur les conditions de financement de la campagne d’Édouard Balladur. ». Pour celle de 2007, de Sarkozy, sans doute non plus. Les plus dépensiers sont souvent les moins bien informés de la provenance des fonds. Cela tombe bien, on peut ainsi dépenser sans compter, en estimant que le ciel des sondages est la limite. On verra, pour la campagne 2012, quel innocent aux mains pleines sera chargé d’en faire autant.
À moins que…  Comme l’a dit l’humoriste suisse Gaspard Proust, « vu le nombre de candidats à droite, j’espère que Sarkozy ne va pas ajouter à la confusion… » et s’abstenir de déclarer sa candidature. Cela aurait l’avantage de reléguer aux oubliettes ces histoires de comptes en Suisse et dans des paradis fiscaux. 

Car autrement, on pourrait penser que la fameuse phrase d’Hortefeux, « mes liens avec le président sont inoxydables », serait une allusion prémonitoire aux menottes. Quelle histoire de bondage (utilisé dans SMBD, pour sado-maso-bondage-discipline) : bientôt 36 ans d’amitié entre Sarkozy et Hortefeux. Pour le moment, rassurez-vous, on n’en est que là, à des petits jeux coquins entre amis et non point à des jeux de coquins entre copains. Personne n’en doute.