Lyon Magazine a-t-il poussé le bouchon un peu loin ? Histoire de mettre en avant Pierre-Alain Muet (PS, Rhône), successeur potentiel de Jérôme Cahuzac ? Information aussitôt démentie au plus haut niveau. Mais l’hypothèse n’a-t-elle pas été envisagée ? Finalement, dans cette affaire Cahuzac, le plus important est peut-être ce que révèle un ancien inspecteur des impôts en commentaire sur Mediapart. « Je confirme ce que j’avance, les personnalités politiques bénéficient en France d’une impunité fiscale de fait&bnsp;», témoigne sous pseudonyme un abonné de Mediapart.

Pour « Bernard » (que l’on suppose de Rumilly, puisque son pseudo sur Mediapart est Bernard 62650), qui se présente en tant qu’ex-inspecteur des impôts, Jérôme Cahuzac vaut exemple d’une règle générale. Les personnalités politiques françaises seraient « quasiment intouchables fiscalement ».

Il faudrait vraiment qu’elles soient prises la main dans le sac, à la suite d’une affaire pénale d’importance, généralement de corruption, pour que le fisc soit amené à s’intéresser à leur situation fiscale.

Car si le fisc se penchait sur le cas des femmes et hommes politiques de manière régulière, voire systématique, « on pourrait découvrir (…) d’importantes irrégularités ou dissimulations non seulement au niveau de leurs revenus mais aussi sur le plan patrimonial. ». Pour l’ancien inspecteur, des contrôles pourraient conduire à des poursuites pour « enrichissement sans cause ».

« Combien de personnes ont pu déjà constater que des personnes entrées en politique sans aucune fortune personnelle avaient réussi à se construire un important patrimoine en fin de carrière politique ! Des exemples connus de personnalités politiques qui ne disposaient d’aucune fortune personnelle lors de leur entrée en politique se sont retrouvées 20 ans plus tard posséder une fortune très importante en tenant compte évidemment de  leurs rémunérations perçues durant cette période ! Preuve qu’elles ont perçu des sommes d’argent occultes en espèces liées à leur mandat électoral ! ». Et elles sont impunies.

Cela découle du fait qu’il est interdit à un inspecteur des impôts de prendre l’initiative de se pencher sur le dossier fiscal d’une personnalité politique. Il faut un ordre tombant de très haut. Lequel est automatiquement ou presque la suite obligée d’une « affaire grave portée sur la place publique ». C’est ce qui aurait valu à Bernard Tapie ou à Jacques Médecin (ancien maire de Nice) de tenir le rôle de l’exception qui confirme la règle.

En cas de contrôle, les vérificateurs ne sont pas informés de la suite, soit des arrangements et divers accommodements dont bénéficieraient les personnes en termes de redressements, rappels et amendes.

On se souviendra que, dans l’indifférence quasi générale, Le Monde avait rapporté que la justice suisse avait accusé les autorités françaises d’avoir modifié (donc falsifié) les listings originaux pointant les évadés fiscaux français de la banque HSBC (dont Antoine Cahuzac était un cadre dirigeant jusqu’en janvier 2012). Information démentie par Bercy.

Et François Hollande ?

Selon Le Canard enchaîné, le seuil de l’ISF aurait été placé à 1,3 millions d’euros parce que le patrimoine personnel de François Hollande (au fait, comment un simple énarque en arrive-t-il là ?) n’excéderait pas cette limite.

Or, selon d’autres sources, le patrimoine réel du président Hollande serait non pas inférieur, mais presque deux fois supérieur à cette limite. La valeur de sa maison de Mougins aurait été minorée. De même que celle d’un appartement. Quant à de présumés biens immobiliers à Londres, ils auraient été tout simplement ignorés. Hmm… quelque peu douteux.

Cela ne peut être que faux puisque… jamais Nicolas Sarkozy, ou l’UMP, ou le FN, ou Bayrou, ni même Jean-Luc Mélenchon n’ont abordé cet aspect des choses lors de la campagne présidentielle… n’est-il point ?
Mais en fait, la question a été autant creusée qu’il était possible, et le fameux appartement londonien semble relever du fantasme. La répartition de certains bien en parts de SCI fait que, vraisemblablement, le seuil d’imposition à l’ISF n’est pas atteint.

Pierre Moscovici n’est pas non plus soumis à l’ISF (Jérôme Cahuzac l’est, comme trois autre ministres).

Jean-Baptiste Carpentier protégé par Cahuzac ?

Le site Bakchich.info s’est étonné que Jean-Baptiste Carpentier, qui dirige Tracfin depuis 2008, ancien magistrat devenu inspecteur des Finances, reste en poste. Pour Nicolas Beau, ce serait dû à l’insistance de l’actuel ministre du Budget. Mais cet élément n’est guère étayé.

En fait, en l’absence d’élément nouveau, on aurait pu espérer que Mélenchon croise le fer avec Cahuzac dans l’émission « Mots croisés », lundi prochain. Aux dernières nouvelles, Cahuzac se serait décommandé. Sans garantie bien sûr que la question ait pu être abordée de front.

Sauf improbable rebondissement, l’affaire devrait se tasser. Sans que bougent les lignes ou les appréciations de ceux qui soutiennent ou condamnent soit Mediapart, ou Jérôme Cahuzac, ou restent dans une sceptique expectative. Quant à l’attention dont sont l’objet les hommes et femmes politiques de la part du fisc, on en restera sur l’adage : « pas de fumée, pas de feu ».