Mal formulée(s), la ou les demandes de Jérôme Cahuzac à UBS risquent fort peu à court terme d’aboutir. Mais, en Suisse, l’Association des banquiers privés suisses pourrait, s’il fallait s’y résoudre, communiquer aux pays en faisant la demande des informations sur leurs déposants. Le secrétaire général de l’ABPS a déclaré lundi dernier « nous n’avons pas pour objectif stratégique d’empêcher un échange automatique des données. ». Cela vaudrait-il pour les comptes existants ou ceux ayant existé ? Si cela avait un effet rétroactif, même si Jérôme Cahuzac n’avait pas de compte à son nom, mais un compte dont il aurait été le bénéficiaire, ouvert sous un autre nom, de dépositaire non helvète, théoriquement, cela pourrait se savoir…
Jusqu’à présent, les banques suisses défendaient le dispositif Rubik. Sous ce nom est désignée la notion de l’impôt libératoire. L’accord Rubik est entré, en début d’année, en vigueur avec l’Autriche et le Royaume-Uni.
Les dépositaires autrichiens ou britanniques en Suisse d’avoirs divers pourront choisir entre une taxation à la source (prélevée par les banques, reversée aux fiscs respectifs) ou « la transmission de leurs données à leur fisc national ».
Cela vaut pour les particuliers, les groupes de particuliers, les entreprises, &c. L’anonymat subsiste, mais le jeu ne vaut plus trop la chandelle, et mieux vaut se tourner vers un paradis fiscal moins regardant.
Grèce et Italie devraient suivre, d’autres pays divers pourraient souscrire à cet accord, suggéré par la Suisse et l’Allemagne (mais la Chambre des Länder a refusé le principe). La Hongrie s’est déclarée favorable à l’accord.
Resterait la possibilité d’ouvrir un compte au nom d’une société suisse ou d’un particulier helvète.
Car l’association bancaire suisse ne voit pas pourquoi les problèmes des relations avec l’étranger devraient modifier le secret bancaire interne. Cela ne représente pas un trop grand risque si le partenaire suisse consent à signer un chèque (du montant de la somme moins une commission, largement compensée par la non imposition) qui est restitué contre liquidités au bout d’un certain temps : le fraudeur fiscal y trouve son compte, le partenaire empoche commission et intérêts. Après tout, Lamblin et les clients des El Maleh ont bien récupéré partie conséquente de leurs placements en Suisse…
Mais si la France se dirigeait vers un tel accord, même si une filiale asiatique d’UBS détenait des avoirs appartenant à Jérôme Cahuzac ou à sa famille, obtenir des informations sur le compte dont Mediapart soutient mordicus la réalité deviendrait possible.
Or, selon une information non signée relayée par Bakchich.info, obtenue de source présentée comme «&bnsp;la communauté des exilés fiscaux en Suisse », ce compte, « expliquent certains, apparemment bien renseignés, la clinique de chirurgie esthétique (…) posséderait bien un compte au sein de l’établissement suisse ».
Mensonge, non, mais omission ?
Si cette rumeur venait à être confirmée, le ministre n’aurait absolument pas formellement menti, surtout si sa seule signature ne lui permettrait pas de débloquer des fonds. Si tout retrait devait être contresigné par son épouse ou un mandataire de cette dernière, les fonds seraient bloqués jusqu’à ce qu’un arrangement à l’amiable intervienne entre les époux en instance de divorce.
Conclusion prudente de Bakchich.info : « c’est à de telles subtilités, si elles étaient confirmées, qu’on sent bien que le métier de banquier en Suisse mérite sa réputation d’excellence. ».
Précédemment, Nicolas Beau, de Bakchich.info, avait noté que Jean-Baptiste Charpentier avait été maintenu à la tête de Tracfin, l’organisme de contrôle des opérations bancaires en liaison avec la lutte contre le blanchiment d’argent sale. Selon le journaliste, Jérôme Cahuzac se serait opposé à ce qu’il soit remplacé par un une personnalité plus proche du Parti socialiste ou très peu politiquement marquée.
En fait, les banquiers suisses sont surtout soucieux d’obtenir « le libre accès au marché européen » et de solder les différends : « nous ne ferions pas échouer une telle solution », a indiqué Michel Y. Dérobert.
Selon Ian Hamel, du Point, près, voire plus, de 75 % des avoirs des banques suisses ne sont pas déclarés par les dépositaires.
La France (donc, Jérôme Cahuzac) s’oppose au principe d’un impôt libératoire car les banquiers suisses n’auraient pas forcément à rendre compte de ce qu’ils déclarent. Mais la donne change puisque, faute d’accord, les banquiers suisses semblent disposés à rendre accessibles leurs données. Au risque, bien sûr, soit de perdre leurs clients, soit que les services fiscaux des pays concernés ponctionnent les comptes si lourdement (avec de fortes pénalités) que trop peu reste dans les coffres des divers établissements. La communication des données pourrait être conditionnée à de discrets accords visant à apurer le passé sans trop de sévérité.
Cela ne se ferait évidemment pas au cas par cas, compte par compte. Dans une telle perspective, on pourrait comprendre que les exilés fiscaux en Suisse escomptent beaucoup d’une clinique Cahuzac qui aurait placé partie de ses bénéfices (ou d’éventuels honoraires perçus discrètement) en Suisse. L’indulgence profiterait à l’ensemble. Peut-être prennent-ils leurs désirs pour des réalités ou, prenant les devants, demandent-ils à relocaliser leurs avoirs loin de la Suisse.
Un accord « clinique » ?
En tout cas, comme Christophe Barbier, de L’Express, l’a reproché à Edwy Plenel, Mediapart n’a jamais dit formellement que le compte présumé était détenu par Jérôme Cahuzac en nom propre, ou au nom d’une autre entité, ou si le ministre détenait ou non seul la signature. « Il faut maintenant, Cher Edwy, abattre vos cartes, les derniers atouts et compléments d’information. ».
Le dernier article de Mediapart sur « l’affaire Cahuzac » remonte à présent au 17 janvier dernier. Le premier était daté du 4 décembre 2012. Après tout, l’appartement acheté en 1994 par le couple Cahuzac n’a pas profité qu’au seul alors futur ministre, qui ne s’intéressait pas trop à l’époque aux montages financiers. Un compte aurait-il été ouvert « à l’insu de son plein gré » ? Tout comme un sportif ou un cheval pourrait être dopé ? Ce ne serait pas tant Mediapart qu’une ou un autre qui lui aurait fait « un enfant dans le dos » ?
Le plus drôle, dans ce vaudeville, serait que Mediapart se soit laissé désinformer tandis que l’ex-chirurgien capilliculteur aurait été financièrement cocufié. Si Jérôme Cahuzac n’a jamais cru à la lutte des classes, il doit sans doute accorder à présent accorder quelque crédibilité à celle que se livrent les conjoints dans les ménages. Et dire qu’il soutient l’accessibilité au « mariage pour tous » ! Cadeau empoisonné !