Affaire Cahuzac : entraide répressive demandée à Genève et Singapour et démission du ministre

Le parquet de Paris confirme les informations de Mediapart sur l’authenticité de l’enregistrement de la voix de Jérôme Cahuzac que détenait Michel Gonelle. Du coup, le parquet souhaite une poursuite de l’enquête « dans un cadre procédural plus approprié au regard de la complexité des investigations à diligenter, notamment la mise en œuvre complète de l’entraide répressive internationale, en Suisse, mais aussi à Singapour ». Comment ? Quoi ? La parole du ministre Moscovici ne suffirait-elle point ? Selon Europe1, le ministre aurait démissionné ce mardi soir… La nouvelle de sa démission a été annoncée par Reuters qui indique que Bernard Cazeneuve (Affaires européennes) le remplacera, Thierre Repentin (Formation professionnelle) remplaçant ce dernier.

Par un communiqué de presse diffusé ce jour, le parquet du tribunal de grande instance de Paris fait valoir que l’enregistrement remis – pourtant tard et après des manœuvres de l’Élysée qui pourraient être qualifiées de dilatoires ou dignes de Ponce Pilatre – est authentique, et non manipulé. Trois témoins ont reconnu la voix de Jérôme Cahuzac.

Les services du laboratoire de la police scientifique précisent que la comparaison phonétique renforce l’hypothèse que Jérôme Cahuzac est « le locuteur inconnu ». En fait, la probabilité, selon la méthode indiquée, est de deux-tiers.

Un témoin à indiqué que les sommes versées sur le « prétendu compte » proviendraient de laboratoires pharmaceutiques.

Dès le 12 mars dernier, une demande d’entraide pénale internationale (Depi) a été adressée aux autorités judiciaires suisses. La demande d’assistance fiscale demandée par Bercy ne constitue, selon le parquet, « qu’un simple renseignement ». Au temps pour Moscovici et Cahuzac qui se targuaient d’avoir eu une réponse claire, exhaustive, exonérant le ministre du Budget.

Le parquet demande donc « la mise en œuvre complète de l’entraide répressive » auprès de la Suisse et de Singapour.

L’information judiciaire porte sur : « blanchiment de fraude fiscale, perception par un membre d’une profession médicale d’avantages procurés par une entreprise dont les services ou produits sont pris en charge par la sécurité sociale, blanchiment et recel de délit. ». C’est donc clairement le (voire la, aussi, soit son épouse) chirurgien-capilliculteur qui est visé.

Cette fois, Mediapart à commenté collectivement, signant une tête de page d’accueil « par la rédaction de Mediapart ». Le site indique que Jérôme Cahuzac « avait annoncé le dépôt d’une plainte en diffamation (…) qui ne nous a jamais été signifiée ». En fait, il en fut annoncé trois. L’une en tant que ministre, finalement retirée (après consultation de la Chancellerie, sans doute), deux autres en nom propre. Le ministre pourrait à présent risquer de voir une telle plainte considérée telle une procédure abusive. De toute façon, il se fondait sur des articles, soigneusement choisis, remontant à début décembre de l’an dernier. Les annonces ont été faites en temps voulu, mais la prescription guette, si d’autres articles ne sont pas visés.

Visiblement, le site savoure après tant et tant de mises en cause de la part de Séguala, d’élus UMP dont le plus virulent reste Bernard Debré, de chroniqueurs et amuseurs comme le très peu apathique (sur le sujet) Aphatie, de la rédaction de Causeur, &c. (et on n’oublie pas le Journal du dimanche, Pascale Clark, Dely).

À maintes reprises, Jérôme Cahuzac avait usé de la plus véhémente dénégation « en bloc et en détail ». À présent, les commentaires se font rares (on attend celui d’Éric Woerth, entre autres).

Le juge Taïeff avait fait savoir que l’affaire pouvait être jointe à ses investigations sur le rôle d’UBS en matière d’incitation à l’évasion fiscale en France. L’ouverture d’une information judiciaire implique la désignation d’un juge d’instruction, ce que Mediapart réclamait depuis le début.

Me Gilles August, avocat de Jérôme Cahuzac, a fait savoir que son client attend sereinement la réfutation de « prétendues informations ». L’information judiciaire ne l’est plus.

Une polémique s’achevant par une démission

Hervé Gattegno avait déclaré sur RMC : « jusqu’ici, on a vu au moins autant d’insinuation que d’investigation ». Le parquet se retrouve dans le même sac : on attend d’Hervé Gattegno qu’il qualifie le communiqué du parquet d’insinuations en attendant la poursuite des investigations judiciaires. On attend aussi du Canard enchaîné, qui souhaitait que Mediapart dévoile ses sources, un peu davantage d’investigation pour les désigner. Ce devrait être désormais à la portée du volatile. Pour Jean-Luc Mélenchon, il lui appartient de qualifier la démarche du parquet : «  souvenons-nous de l’affaire Baudis, le nombre de gens qui se sont fiés aux apparences », avait-il conclu après avoir renvoyé le ministre et Edwy Plenel dos à dos, leur accordant à tous deux le bénéfice de la bonne foi
Il avait été au moins plus prudent que Vincent Placé qui évoquait « les pratiques répugnantes » de Mediapart.

Jean-Michel Aphatie estime à présent sur Twitter que Jérôme Cahuzac doit quitter le gouvernement. Et lui RTL ? Ce serait le moindre.

Michel Gonelle, sur BFMTV, a estimé qu’il « serait digne » de la part de Jérôme Cahuzac de se retirer du gouvernement. On peut en dire autant de nombre de commentateurs.

Ainsi des Échos, qui titrent « Le Parquet semble valider l’enregistrement audio ». Divers élus et responsables socialistes ont estimé, comme Bruno Le Roux, Olivier Faure, que la justice devait sereinement faire son travail.

Volte face en revanche des responsables UMP qui, comme Christian Jacob, ou Luc Chatel, qui veulent à présent, autant que Wauquiez (fort isolé alors) initialement, des explications que Jérôme Cahuzac a déjà amplement fournies : soit sa voix a été imitée, soit tout cela n’est que cabale.

Jean-Christophe Lagarde, de l’UDI, a notamment évoqué le cas de Julien Dray, lui aussi grand amateur de montres de collection. En estimant que Julien Dray avait « été innocenté ».

Edwy Plenel a estimé que le parquet « fait litière de toutes les manœuvres et manipulations médiatiques organisées par des officines de communication pour entraver la marche vers la vérité ». C’est allé un peu vite en besogne puisque Jérôme Cahuzac allègue que sa voix aurait pu être imitée pour lui nuire… Mais, effectivement, Mediapart avait des billes, en a fait part, et dans cette hypothèse, pourra se réconcilier avec le ministre du Budget.

Cahuzac démissionné

Peu avant 19 heures, ni l’Élysée, ni Matignon, n’avaient souhaité se prononcer sur la décision du parquet. Sollicités, les services de presse ont répondu par un laconique « pas de commentaire ». Très peu de temps après, la présidence de la République annonçait que Bernard Cazeneuve remplaçait Jérôme Cahuzac. Bernard Cazeneuve était ministre aux Affaires européennes, il sera remplacé par Thierry Repentin (Formation professionnelle) pour lequel un remplaçant n’a pas été ce soir désigné.

La Dépêche a contacté Jérôme Cahuzac qui a fait valoir que les témoins sont « peu fiables » et que les experts de la police scientifique n’ont pas identifié sa voix. Son avocat maintient que la banque UBS a certifié « que Monsieur Cahuzac ne détenait aucun compte chez elle ». Bref, le parquet fait perdre de l’argent au contribuable, il n’y a rien à racler auprès de Jérôme Cahuzac, qui, ministre d’un jour ou de plusieurs, percevra de toute façon l’intégralité de sa retraite ministérielle, comme tant d’autres ministres ayant eu à faire avec la justice (à de rares exceptions près, dont celle de Pierre Laval, fusillé à la prison de Fresnes en octobre 1945).

Il n’empêche, dans son édition datée du 20 mars 2013, Frédéric Bonnaud, des Inrocks, pigiste occasionnel de Mediapart (on ne prête ou donne qu’aux riches ou personnes en vue ?), relève à juste titre que tout cela « ne suffira jamais ».
Car, « en France, on considère que le journalisme, ça ne consiste pas à dévoiler aux citoyens les pratiques délictueuses de ceux qui sont censés les représenter et agir en leur nom. Ça, c’est bon pour les films américains. Ici, c’est considéré comme la plus basse des démagogies et une insupportable atteinte à la vie privée. ». Une affaire privée entre Jérôme et Patricia Cahuzac qui ne se souvient plus du tout avoir jamais évoqué un compte en Suisse ouvert au nom de son mari, de leur clinique, ou du cabinet conseil auprès des laboratoires pharmaceutiques.

Europe 1 a indiqué que Jérôme Cahuzac a « démissionné mardi soir » à la suite des agences annonçant le nom de son remplaçant. Le communiqué est tombé à 19 heures ce mardi soir.

La voie est libre

Samedi 9 mars, Jérôme Chauzac avait été l’invité de l’émission de France 3, La Voix est libre. À une lettre près, c’était prémonitoire. La voie est désormais libre pour la justice, qui dira ou non si les indices concordants sont suffisants pour renvoyer l’ancien ministre devant un tribunal.

Vendredi dernier, sur BFM TV, Jérôme Cahuzac proclamait encore son innocence. En fait, l’annonce d’une mise en examen ne signifie pas culpabilité, mais il était devenu courant que les ministres démissionnent dans la perspective d’une telle éventualité.

Pour la presse, François Hollande aurait décidé cette démission. Même si il aurait mis « fin aux fonctions de Jérôme Cahuzac à sa demande », selon un communiqué qui aurait dû, logiquement, émaner de Matignon, des services du Premier ministre.

Olivier Faure (PS) a précisé que Jérôme Cahuzac n’était pas mis en examen mais que sa décision avait été rendue nécessaire. Guillaume Pelletier (UMP, Droite forte) a violemment dénoncé « une dérive à l’américaine » et Mediapart sur BFMTV. Jérôme Cahuzac, dans un communiqué, a de nouveau dénoncé le caractère calomniateur des accusations le visant.  

Pïerre Lellouche (UMP Paris) s’est refusé à « tirer sur une ambulance ». Le gouvernement a perdu avec lui une « pièce maîtresse » ; il redoute que « les extrêmes » tirent parti de l’affaire. Olivier Faure lui a rétorqué que « la morale était sauve ». Pourtant, la suspicion touche toute la caste politique traditionnelle.

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

Une réflexion sur « Affaire Cahuzac : entraide répressive demandée à Genève et Singapour et démission du ministre »

  1. Il semblerait que Monsieur CAHUZAC ne soit pas habitué aux procédures
    pénales
    Un flot discontinue de Questions Réponses par lettres A.R. communiquées
    dans la presse est la seule méthode pour mette la Pression !
    Une explication détaillé des opérations de toutes natures au cours
    d’une émission Télévisée mettrait en cause les résultats de l’enquête
    et de toutes les déformations mediatiques …..§
    Il est libre pour réagir ….Pourquoi ne le fait il pas !
    J’espère qu’il a les cartouches pour se tirer d’affaire !

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