« Alexandre Benalla, lui non plus, n’a jamais été mon amant… » a ironisé le chef de l’État. Peut-être mais Emmanuel Macron a menti effrontément sur d’autres points qui ne sont guère de détail…

En préliminaire, il reste plus que surprenant que le général d’armée Richard Lizurey, patron de la gendarmerie, n’ait pas été interpellé sur le respect des textes réglementaires. Lequel général, en personne, ou l’un des officiers supérieurs sous son commandement, a bafoué l’article 12 du décret nº 2008-959 fixant les conditions d’accès aux grades pour les militaires commissionnés. Pour être lieutenant-colonel de ce cadre de réserve, il faut au moins « être titulaire d’un diplôme de troisième cycle ». Licencié ès droit, Alexandre Benalla a pu obtenir un master 1 (ex-maîtrise) et non pas l’équivalent d’un DÉSS ou DÉA (master 2), qui sont des diplômes de deuxième cycle… Il ne justifiait pas non plus de huit ans d’expérience professionnelle à un niveau équivalent à celui d’un officier supérieur (c’était un simple brigadier auparavant). Bizarre autant qu’étrange : la commission des lois de l’Assemblée nationale semble ne guère connaître les règlementations. Pas davantage que les généraux Lizurey et André Petillot (général de brigade, chef de cabinet du directeur général).

Second point touchant à l’usage en matière de toute affaire publique. Untel ou Machin, serait-il chef de l’État, peut dire tout ce qui lui chante : tant qu’il ne réfute pas en justice une affirmation du Canard enchaîné et obtient satisfaction, c’est la version de l’hebdomadaire qu’il faut retenir. Lequel, sous le titre « La panoplie d’un enfant gâté » affirme sans ambages : « Alexandre Benalla était habilité au secret défense. ». Admettons charitablement qu’Emmanuel Macron fût insuffisamment informé, tout comme il est admissible que les multiples mises en garde ayant été adressées à son premier cercle (dont celle de Daniel Vaillant, ex-ministre de l’Intérieur, et de Gilles de Laclause, gestionnaire de l’immeuble de campagne d’En marche, parmi d’autres) ne lui aient pas été remontées.

Que « Maître » Alex ait été le gardien du donjon de l’Élysée ne fait aucun doute. Au sens figuré, bien sûr, et n’allons pas supputer que Brigitte Macron ne fessant plus correctement son époux, ce dernier s’en soit remis à un cogneur plus musclé… Il était aussi le concierge du domicile privé du Touquet et le « Papillon » en charge des menus plaisirs, comme celui de réserver la présence des Bleus à son patron, privant le bas peuple de les ovationner longuement sur les Champs-Élysées et place de la Concorde… Quant aux faveurs reçues, elles sont de l’ordre et niveau de celles ayant échu à la Pompadour avant d’être anoblie. Or, Le Canard le confirme, Alexandre Benalla était bel et bien un futur marquis élyséen. Dans son numéro transmis mardi soir à l’Élysée avant qu’Emmanuel Macron prenne la parole, l’hebdomadaire affirme que Gérard Collomb a menti sciemment, sous serment, qu’Alexandre Benalla avait été pressenti pour devenir un haut gradé de la future Direction de la sécurité de la présidence remaniée ad hoc pour lui faire gravir les échelons…Selon Gilles de Laclause, « Maître Alex » a été « le Kerviel de Macron ». Lequel a coûté « un fol pognon » à la Société générale et aux contribuables. Certes, son salaire brut, supérieur à celui d’un préfet au plus haut échelon, n’atteignait pas 10 000 euros, mais 7 113 (sans compter primes et autres…). Certes, il n’allait pas disposer d’un logement de 300 m² mais bien d’une surface avoisinant les 200. Emmanuel Macron, Gérard Collomb, Michel Delpuech n’ont pas dissimulé l’ampleur des faits que par omission… Au moins Patrick Strzoda a-t-il eu la pudeur de s’abriter sous le parapluie d’un devoir de réserve. Mais on attend de ce dernier qu’il communique toutes les pièces en sa possession qu’il lui est permis de transmettre. Notamment les montants des diverses commandes qu’aurait pu passer Benalla, ce aux fins de diligenter des vérifications auprès des fournisseurs.

Après les « précisions » fort imprécises du général Lizurey, c’est le général Éric Bio-Farina, commandant militaire de la présidence, qui affirme sous serment de Benalla n’était « pas en charge de la sécurité ». C’est exact. Il ne la chapeautait qu’officieusement en-dehors de l’Élysée. Le colonel Lionel Lavergne, du GSPR peut aussi dire de même : Benalla n’avait pas été nommé son supérieur, et il ne l’aurait sans doute pas été avant quelques années… Mais les documents, les faits, les images… les communications sont « têtues ». Il n’est nul besoin d’aller chercher Emmanuel Macron, lequel n’a pas parlé sous serment et ne risque donc pas cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende (CP art. 434-13). L’affaire Benalla est bien devenue, de fait, une affaire d’État aux yeux de l’opinion. Vaudrait-elle le dépôt d’une motion de destitution ? Sans doute pas. Il est indémontrable que le président ait soutenu Benalla jusqu’au lendemain de la parution du Monde.

Quant aux agissements du sieur Benalla le 1er mai, on retiendra que présent boulevard de l’Hôpital, face aux black blocks, il s’est bien préservé d’intervenir… Ce fier à bras ne s’en est pris qu’à des personnes (journalistes, quidams…) n’étant pas en mesure de riposter. Benalla était craint de ceux-, mais aussi des policiers sur le terrain, comme l’a précisé Rocco Contento, du syndicat Unité SGP, qui a décrit un individu nuisible. Espérons qu’il soit le seul de ce type dont Emmanuel Macron a choisi de s’entourer. On souhaiterait d’ailleurs à présent savoir combien de personnes ont été recrutées par Benalla, et le montant global des émoluments, remboursements de frais, fournitures, &c., de cette garde prétorienne…

P.-S. – L’ami d’ami (Charles Duchêne) Jean-Michel Delambre ne m’en voudra pas durablement de lui avoir piqué son dessin pour Le Canard enchaîné.