Je croyais que le phénomène des très jeunes mères était surtout répandu aux États-Unis et au Royaume-Uni. Le message d’une infirmière scolaire d’Ille-et-Vilaine, qui reçoit des lycéennes désireuses d’être enceintes, m’a fait tenter de réagir (puis de m’engager à réfléchir, ce qui viendra) sur la question. En fait, les ados devenant mères sont en progression aux États-Unis, en léger fléchissement en Grande-Bretagne, mais le phénomène n’est plus vraiment marginal en France et Belgique. Qu’en penser ? Premiers pistes d’impression…

Poser la question des mesures ou attitudes à envisager face au phénomène des très jeunes mères n’est pas y répondre, d’autant plus qu’il n’y a pas une, ou quelques réponses, mais, au cas par cas, sans doute des approches à fortement différencier. Hier midi, en compagnie d’une médecin ex-Lorientaise, évoquant la misère des régions frappées par le chômage ou le sous-emploi, nous évoquions brièvement les naissances précocement conçues par de très, très jeunes femmes. Il fut bien sûr question des deux-trois cas de fillettes pubères (9-10 ans) ayant fait l’actualité récente. Je me demande sérieusement si ces cas, s’ils s’étaient situés dans une province reculée chinoise, dans une plaine du Yémen, une savane africaine, auraient obtenu un tel écho. L’ethnocentrisme n’est jamais un bon poste d’observation, le relativisme non plus. Il y a quelques cas, rarissimes, de pubertés précoces vraiment anormales, et de plus en plus d’autres de puberté précoce, en particulier dans nos sociétés. Mais aussi, et c’est relativement nouveau (ou plutôt de nouveau considéré nouveau), des occurrences de jeunes, très jeunes, femmes désireuses de mener à terme une grossesse pas forcément non-désirée, du moins pas rejetée pour des raisons autres que religieuses. Et puis, hier soir, le message d’une infirmière scolaire d’Ille-et-Vilaine était relayé sur un site proche des mouvements du Planning familial et assimilés. Elle recevrait « régulièrement » (voire fréquemment) des jeunes femmes de 15-17 très déçues de se voir répondre que le test de grossesse demandé s’était révélé négatif.
l serait très réducteur, ce me semble, de se dire qu’accoucher fort jeune se résume à un phénomène de mode inspiré par la presse ou les médias, ou l’environnement adolescent (condisciples, proches, ami•e•s, connaissances).

La première réaction à ce message, intitulé « Lutte contre le retour des femmes au foyer », provenait de l’association SOS-Sexisme. Il y a effectivement maintes façons d’aborder ce phénomène, et c’en est une. Car, tout comme dans certaines localités désindustrialisées du Pays de Galle ou du Nord et de l’Est de l’Angleterre, la maternité précoce peut être un choix. Parfois, au Royaume-Uni, c’est une option transmise de grand-mère en fille (avec des cas d’arrières grands-mères tout jeunes cinquantenaires). Tant qu’à n’avoir d’autre avenir que des boulots précaires, à temps partiel (genre quelques heures derrière une caisse de bar ou magasin, ménages, gardes mal rémunérées d’autres enfants), autant créer une microsociété à dominante matriarcale permettant de subsister, d’une manière socialement acceptée en proximité (voire « promiscuité » aménagée), en ayant recours à la palette des aides sociales. C’est ce que l’on suppose du moins généralement, ou véhicule en évoquant ces cas. Le choix du « retour au foyer » n’est pas forcément un « choix », mais une option valide, nuance, ou du moins considérée telle, à tort ou raison.
Sous nos quartiers de latitudes et longitudes de l’hémisphère nord dit Occidental, c’est encore considéré « anormal ». Alors que, sans doute, les états-civils d’antan, devaient peut-être révéler des taux de naissances dans des foyers (au sens économique : un couple, une personne seule) comprenant un, de très jeunes parents. Des adolescentes accompagnaient les troupes incluant de jeunes tambours d’une douzaine d’années, on « fautait » jeune, et il y a fort à parier que certaines grossesses ont été désirées par des aïeules de la plupart d’entre nous. Vouloir tôt être enceinte, ou l’accepter totalement, comme ces jeunes Yéménites de douze-treize ans très fières de l’être, est-ce si « anormal » ? Pour qui, au fait ? Pourquoi ?

« Infantiliser », consciemment ou non, les adolescentes peut se concevoir : âge et maturité sont des variables parfois floues selon les individus, les sociétés, les milieux. Médicalement, une très jeune mère court des risques d’anémie, d’autres risques physiques, d’accoucher prématurément ou de donner naissance à des enfants plus petits que la moyenne, et carencés (surtout et principalement quand la grossesse n’est pas suivie, beaucoup moins pour une ado de 15 ans et plus correctement suivie). Il y a aussi, selon l’âge, la constitution, des risques de mortalité et de morbidité. En revanche, faire du non-avortement un diktat peut équivaloir à une prise de pouvoir irrationnelle ou sciemment cynique (pour des motifs tant patriarcaux, au sens large, que religieux, par exemple), notamment si la jeune mère a été violée (ou « séduite » abusivement) par un proche (parent ou autre tiers, amant d’un après-midi ou soir), ne désire pas du tout ou vraiment enfanter, &c.

Faisons-nous, pour des raisons de démonstration et non par provocation, l’avocat, non pas du diable, mais d’une sorte d’anticonformisme (par rapport à certains préjugés dominants). Une très jeune femme peut désirer une grossesse, y compris sans l’accord du père, et envisager d’avoir un premier enfant dont le père sera, ou non, absent ou très peu présent. Les cas sont sans doute très rares, mais apparemment plus fréquents. Nombre d’adolescentes s’envisagent déjà vivant en couple alors qu’elles ne connaissent leur partenaire que depuis un trimestre ou un semestre. Mais d’autres, sans doute, peuvent éprouver très tôt un réel désir de maternité. Et certaines sont peut-être moins infantiles que leurs propres parents. Plutôt que de n’avoir pour perspective que des petits boulots, ou un poste socialement peu valorisant, mal rétribué, pour un temps incertain, pourquoi ne pas choisir, dans un premier temps, d’élever un enfant, quitte à se trouver par après une voie professionnelle ou de vie plus satisfaisante, ou estimée telle ?
Et pourquoi ne pas envisager un second enfant, plus tard, en relation de couple (y compris avec une compagne pour certaines), ou au sein d’un relationnel familial ou amical de proximité qui vous convienne ?

Qu’on ne se méprenne pas : je penche pour la dissuasion à l’égard des potentielles mères-adolescentes globalement ; mais pas tout à fait systématiquement, de manière indiscriminée, et pas en tant qu’adulte « mieux sachant » par principe. C’est facile à énoncer, moins facilement applicable ; je suis plutôt content que ma fille ait finalement choisi d’attendre un divorce, puis une nouvelle relation stable et satisfaisante, pour avoir, à l’âge où la plupart des femmes disposent en général d’un emploi un peu plus stable, soit, de plus en plus, comme en Espagne et ailleurs, le cap de la trentaine passée, pour faire un premier enfant. En revanche, s’engager dans des études longues, faire un enfant à l’âge généralement estimé (pour diverses raisons) « idéal » (26-27 ans), ou plus tardif, et se retrouver en situation professionnelle précaire, sans compagnon (ou compagne) de vie stable, c’est certes socialement plus acceptable qu’une maternité précoce, mais pas forcément plus facile à vivre.
Il faut faire avec le réel, qui n’est plus celui des Trente Glorieuses, ni même celui des Trente Calamiteuses suivantes, mais mieux vivables qu’actuellement, du siècle dernier. Par ailleurs, comme l’estimait le regretté Serge Leclaire, psychanalyste, l’enfant « programmé » (parfois vraiment trop), ce n’est pas vraiment toujours un cadeau, tant pour ses concepteurs que pour leur progéniture.

Je considère les opinions de la docteure Michèle Dayras, de Sos-Sexisme, non seulement très recevables, mais très certainement – aussi – solidement fondées. Son commentaire du rapport de l’Union européenne sur la liaison vie familiale-études (qui, à mon sens doit aussi concerner les très jeunes pères) est certes militant (mais le militantisme est nécessaire, et cela ne le disqualifie aucunement). Mais je ne sais plus si ce qui s’appliquait au siècle dernier se vérifie aujourd’hui, fin 2010, à l’identique. Ce qui se vérifiera sans doute, c’est que les structures d’accompagnement des très jeunes mères seront en nombre insuffisant, de plus en plus mal correctement financées, et ce qui se passe actuellement au Royaume-Uni est à cet égard fort inquiétant.
Pour la France, je relève que le rapport du Conseil régional Poitou-Charentes 2010 indique, à propos de l’action de l’association Les Passagers du Temps 17 (Saintonge) qui accueille des adolescentes enceintes mais traite aussi d’autres problèmes (mal être, suicide…) : « Expérimenté pendant deux ans et porté par l’association Les Passagers du Temps 17, le dispositif est devenu hospitalier en 2009 avec un financement insuffisant pour maintenir les mêmes effectifs. ». Énoncer qu’il faut sans doute dissuader, mais aussi admettre des choix responsables tient effectivement du « vœu pieux », de la « phraséologie » et des « paroles en l’air » (dixit Michèle Dayras). Les financements feront défaut ou seront trop limités, faute de réelle mobilisation politique. Une éducation non seulement sexuelle mais relationnelle, abordant les questions de la maternité précoce (et de l’éducation des enfants qui en sont issus), sous la forme d’une information aussi neutre (et laïque) que possible, mais non dénuée de sensibilité, devrait s’adresser aux jeunes adolescent•e•s : mieux vaut prévenir que « guérir ». Mais on ne peut et ne doit, à mon sens, mettre la prévention de grossesses précoces sur le même plan que l’abus du tabac, des drogues, de l’alcool.
Si l’âge de la puberté avance, il semble logique que celui des premiers rapports sexuels suive assez étroitement. Ni prêcher l’abstinence, ni traquer les publicités érotisées (la plupart vantant des produits de beauté le sont), ne sera vraiment productif, et en tout cas, pas pour toutes et tous. Ce n’est là, de même, qu’une opinion, plus ou moins validée par diverses études, rapports, &c., (et on en trouvera bien sûr d’autres, contradictoires). Conscientiser, peut-être, et même sans doute, assurément, culpabiliser : non ; ne pas laisser aux ados l’accès à des contraceptifs (qu’ils utiliseront ou non selon leurs propres consciences, religieuses ou autres), cela revient à prôner, de fait, sans l’énoncer, et bien sûr en s’en défendant, des pratiques à risques, et exposer les ados à des risques vénériens (que le « tout saut tout » de naguère n’excluait pas) et à des grossesses non désirées.

Ce qui me fait aussi aller dans le sens de la docteure Dayras, c’est, en France, la réalité du parc immobilier. Comment, à l’heure actuelle, soutenir qu’une très jeune mère puisse trouver facilement un lieu de vie convenant à sa relation avec son enfant ou, aussi, son partenaire ? Quels parents, déjà à l’étroit dans leurs logements, accepteraient facilement l’idée d’héberger aussi un enfant, voire un jeune couple avec enfant ? Le « vœu pieux » d’une entrée plus tardive dans la vie professionnelle ou une reprise ou prolongation d’études après un « maintien au foyer » (difficile de parler de « retour » dans ce cas) n’est pas facilement envisageable globalement. En revanche, je ne suis plus du tout sûr qu’une maternité précoce soit aussi dommageable à l’insertion professionnelle que par le passé. Ce n’est bien sûr qu’une intuition fondée sur un nombre trop restreints d’observations fortuites. Les quelques cas de mères, encore jeunes (trentenaires) de jeunes enfants ou adolescents épanouies, bien insérées socialement, très actives (y compris professionnellement), dont je peux avoir à connaître, ne peuvent être généralisés. Par ailleurs, s’il n’y a (presque) plus d’emplois que précaires, faut-il tant lier la maternité à l’insertion professionnelle ?
On peut, et même, il faut, se poser la question : jusqu’à quel âge, quel niveau d’études et de revenus, quelles facilités de logement, devrait-on inciter les jeunes femmes à repousser la maternité si elle est désirée, assumée ? Chômeuses à 40 ans, décrétées « inemployables » à 50, quels sont leurs « choix raisonnables » ? Et au nom de quoi les édicter ? Notez bien que je ne suis aucunement nataliste et que je respecte tout à fait le choix des femmes – et des hommes – qui n’ont aucun désir d’enfant ou nullement la volonté d’en élever.

Le phénomène doit être envisagé de manière ethnologique, et en fonction de choix de société(s) actuels ou projectifs. Quel vivre ensemble voulons-nous vraiment, et qu’est-ce qui le conditionne ? La consommation ? Des normes de confort ? De regards sociaux portés sur soi ? Une aspiration à l’accession à une classe « moyenne » de plus en plus paupérisée de fait ? Une attention dénuée de préjugés gagnerait à être portée à ces rares « ilots » quasi-matriarcaux de certaines banlieues et milieux redevenus ruraux en Grande-Bretagne, à leurs codes sociaux, leurs modes de vie réels et non fantasmés ou présupposés (parfois selon une logique « de classe » consciente ou non).

Cela ne répond évidement à la question du comment, concrètement, aborder le problème face à une adolescente. Peut-être convient-il d’abord de s’informer en se méfiant des sources. Diverses émissions de télévision ont mis en scène de très jeunes mères, toutes issues de milieux sociaux pas trop favorisés ou considérés « démunis ». D’une part, où se trouvent ces témoins médiatisés ? Essentiellement dans des centres familiaux spécialisés (dits centres maternels) qui accueillent en priorité des jeunes mères issues de tels milieux (car prioritaires du fait des faibles ressources parentales). D’autre part, ces familles sont plus portées à témoigner que celles de jeunes mères de milieux aisés. Et elles sont plus nombreuses que les familles aisées parce que l’enfant conçu précocement est souvent plus facilement accepté (avec, peut-être, une part de fatalisme, mais non uniquement, voire au contraire) dans ces familles « populaires » (étiquette, mettons, commode).
Rétrospectivement, une amie de très bonne famille, pas spécialement « catholique » (non-pratiquante), qui a eu un second enfant à 20 ans, me confiait que, pour le premier, conçu à 17, elle avait été « embobinée par mes parents qui m’ont fait discrètement avorter en Tunisie » (l’avortement étant alors le fait, en France, de « faiseuses d’anges » et fortement réprimé). « Je n’ai jamais eu d’autre enfant que ma fille, je ne saurais dire si j’aurais ou non préféré avoir ce premier enfant, puis un second, encore assez tôt, » dit-elle à présent (à près de 60 ans). Les ados enceintes des milieux aisés ou envisagés tels sont sans doute aussi plus accessibles aux raisonnements parentaux exposés avec l’assurance du niveau social ou d’études qui peut en imposer davantage.

Difficile d’être à l’écoute d’une adolescente sans juger irréaliste, a priori, sa possible volonté de mener à terme une grossesse. Le problème, c’est que de très jeunes mères s’expliquent sur des forums divers et variés, en faisant état de leur satisfaction, réelle ou revendiquée telle. Et que, d’emblée, c’est vers ce genre de forums ou de témoignages qu’une adolescente « embarrassée » (traduction littérale du castillan) et désireuse de l’être va se diriger pour s’informer. De plus, un phénomène nouveau, certes fantasmé, peut se produire : les amies adolescentes de la jeune mère peuvent la conforter dans son choix.
On avait fait grand cas d’un supposé « pacte » de jeunes femmes dans un établissement scolaire de Gloucester (Massachussetts). Le documentaire tourné plus tard avec certaines de ces 18 ados semble contredire cette thèse : voir (en anglais) The Gloucester 18. Mais l’opinion de la meilleure amie, des meilleures copines, peut influencer. Je ne sais s’il faut ou non recommander de consulter le personnel de ces centres maternels, comme Les Passagers du Temps ou La Marelle, à Archicourt (62217), le centre Ker-Huel de Rennes, ou d’autres, plus proches, et les rares structures spécialisées tenant permanence dans les centres Information Jeunesse, ou bien sûr les antennes du Planning familial, et à quel moment au juste, directement. Ce qui est sûr, c’est que, qu’on soit parents ou grands-parents d’adolescente(s), on ne peut plus négliger ce phénomène. Donc qu’il serait pour le moins négligeant de ne pas tenter de s’informer, sans angoisse déplacée, mais avec sérieux. Cela n’arrivera plus seulement forcément aux seuls « autres ».

Les États-Unis comptent un grand nombre de mères adolescentes, pour diverses raisons, surtout sociales, marginalement sociétales (mise en avant de jeunes vedettes accouchant et très médiatisées), ou religieuses– ce majoritairement dans les milieux défavorisés, mais on l’a vu dans le cas de la fille de Sarah Palin, dans tous. Le Royaume-Uni, longtemps en pointe en Europe, avec des taux actuels en baisse mais toujours 900 000 cas recensés (hors Écosse, baisse annuelle de 47 pour mille à 41 sur la dernière décennie globalement, moins de 30 dans certaines régions), ne le serait plus tout à fait. Selon Ségolène Royal, il y aurait eu en France près de 6 000 cas ces derniers mois (d’autres sources ont des estimations inférieures), dont 500 pour sa région (Poitou-Charentes) et c’est ce qui a motivé son envoi de « packs » contraceptifs à des infirmières scolaires (envois bloqués illégalement par le rectorat sur instruction du ministre Luc Chatel, sans doute sensible à l’opinion de l’épiscopat, lui-même sensibilisé au sort des Rroms expulsés, dont des cas de très jeunes mères). Le Royaume-Uni, qui a mis en place un plan de « responsabilisation » des jeunes pères (visant en fait à contrebalancer la hausse des coûts sociaux et allocatifs en tentant d’obliger ces jeunes géniteurs à prendre en charge financièrement leur progéniture), connaît cependant encore des taux de 6 à 7 % dans certaines contrées (pour les moins de 19 ans, de 0,8 % pour le groupe des 13-15 ans).
En France, vers la fin des années 1990, pour « ce » taux (différent, couvrant les 13-18 ans), on en était à 3 %, et la seule quasi-certitude est qu’il progresse. En Seine-Saint-Denis, pour la période 1994-1998 et les mineures de 12 à 18 ans, « les grossesses poursuivies (…) représent[ai]ent 6,8 % des femmes enceintes consultant dans le service de gynécologie-obstétrique. » Soit 1,85 % de toutes les naissances recensées de mères de tous âges (source, Haesevoets, Yves-Hiram, « Adolescentes enceintes », oct. 2006). En Flandre belge, la moitié seulement des adolescentes enceintes avortent : en 2007 ; pour la Belgique, on dénombrait deux naissances pour dix avortements pour la tranche d’âge 10-14 ans, et près de 3 000 naissances pour les 15-19 ans.

En tout état de cause, si une adolescente proche de vous menait sa grossesse à terme, peut-être conviendrait-il de pondérer les propos, tenus sur forum de travailleurs sociaux, d’Angélique, qui fut stagiaire dans un centre maternel dédié… « Mon hypothèse s’est orientée vers un accompagnement global de la personne sans l’enfermer dans un unique statut de mère ou alors d’adolescente. Ayant discuté avec ces ados, je me suis aperçue que, pour un grand nombre d’entre elles, la grossesse s’inscrivait dans un projet, un désir, et non dans un manque d’informations concernant la contraception, que leur maternité relevait peut-être d’une "stratégie" face à leurs difficultés familiales et relationnelles. Je me suis alors positionnée dans un travail avec la jeune fille et son bébé mais aussi avec sa famille, l’école, le groupe de jeunes filles de l’institution, d’autres adultes. Il me semble qu’être une mère adolescente c’est être avant tout une personne, que toutes les dimensions qui construisent cette personne sont plus ou moins liées. Être mère, c’est aussi rester une adolescente, une lycéenne, une grande sœur, la fille de sa mère… Pouvoir vivre des relations plus sereines avec sa mère, c’est peut-être avoir la possibilité de se sentir plus facilement mère et responsable de son enfant. » Ajoutons, peut-être, aussi, « une petite sœur », selon le cas, et « pour vivre des relations plus sereines avec son père » et celui de son enfant.

Il ne s’agit pas pour moi de plaider pour ou contre une maternité (et paternité) vécue plus jeune que majoritairement actuellement (surtout pas pour des motifs religieux ou laïques militants), avec des motivations natalistes ou antinatalistes globalisantes (et donc, politiques), même si, intuitivement, et d’expérience personnelle, un premier enfant né de parents de 24-25 ans (ce fut mon cas), me semble, de par diverses observations mais aussi avec le (fort, à présent) recul, me semble très « convenable ». Mais les temps, les conditions socioprofessionnelles et autres, ont évolué – il me semble idoine de s’interroger sur les « convenances » présentes.
Quitte à se fonder les mêmes opinions et convictions que précédemment, mieux raisonnées, mieux adaptées au réel actuel, et surtout tenant mieux compte de ce que porte en germe l’existant, le temps d’une réflexion élargie ne peut être économisé sur un sujet qui pourrait devenir crucial, faute d’avoir su ou voulu l’aborder dès à présent. Peut-être faudrait-il déjà revoir la notion d’« adolescente à risque ». À propos de ce qui est à la fois un problème et devrait moins l’être, l’obstétricien Philippe Faucher (Bichat), considérait en 2002 : « il faut insister sur l’extrême diversité interindividuelle du devenir de ces grossesses et sur l’importance de l’accompagnement et de l’entourage. ». On peut admettre ou réfuter son opinion : « lutter contre ces maternités (ndlr. « activement désirées à l’adolescence ») semble donc utopique. ». De même, on peut s’interroger sur la ségrégation totale ou partielle de ces ados en centres dédiés : des centres « mixtes » (avec des mères, voire des couples… de divers âges) seraient-ils viables ou non et pourquoi ? Aussi sur le mode des éventuels placements en familles d’accueils, &c. En tout cas, il faudra mieux affiner des réponses adaptées. Pour ce faire, l’écoute des ex-adolescentes devenues mères jeunes, et des ados elles (et eux) mêmes, ne saurait être négligée.

 

Un blogue personnel (celui de Lola ***) paraissant bien documenté :

Maternité-adolescente

Son forum :

Maternité-adolescente-forum (discuter et s’entraider)

À signaler, ce 7 déc. 2010 à 18 h 30, Maison de l’Europe (35, rue des Francs-Bourgeois, Paris), un colloque « La sexualité des jeunes en Europe – pratiques, genres et minorités ».
Inscription obligatoire, places disponibles limitées : mailto:[email protected]