L’accord d’itinérance entre Orange et Free a eu un impact énorme sur la téléphonie mobile. Non seulement les prix ont pu beaucoup baisser, permettant aux offres « low cost » et sans engagement de représenter maintenant plus de 35 % du marché, obligeant les opérateurs à réduire leurs marges et occasionnant même des pertes à certains!Ainsi, pour réduire les coûts, une seule solution : conclure des accords similaires.

Bouygues Telecom et SFR ont ainsi annoncé être en pleine négociation pour partager une partie de leurs réseaux mobiles. Cette manœuvre permettra non seulement de réduire les coûts mais également d’améliorer la couverture réseau. Un rapprochement unique en France mais pas en Europe (Vodafone et Telefonica en Grande-Bretagne, Orange et T-Mobile en Pologne, Vodafone et Orange en Espagne) qui semble incontournable pour les acteurs de la téléphonie mobile tant les nouveaux réseaux nécessitent des moyens financiers colossaux. Même si les termes de cet accord ne sont pas encore très clairs, Bouygues et SFR ont tout de même annoncé un rapprochement historique dans l’histoire de la téléphonie mobile française.

 

Une mutualisation en vue d’une fusion future ?

 

Les deux opérateurs ont effectivement le souhait commun d’arriver à "un accord stratégique" qui leur donnerait "les moyens de figurer parmi les acteurs incontournables de la modernisation de l’économie numérique en France". Et ce d’ici la fin de l’année.

C’est bien une nécessité économique qui contraint le 2e et le 3e opérateur français à se rapprocher. La fusion n’est pas à l’ordre du jour car chacun "conservera son propre réseau et une indépendance commerciale totale". L’Autorité de la concurrence est pour l’instant contre la fusion. Mais une mutualisation des moyens, en cas de succès, pourrait être un premier pas vers cette dernière.

C’est donc une mutualisation partielle : les opérateurs espèrent regrouper leurs moyens et leur savoir-faire afin de réaliser des économies et d’offrir une meilleure qualité de service à leurs clients. Même s’il est difficile de chiffrer les économies réalisées, les experts estiment que les coûts de maintenance peuvent être réduits de 30 % et les investissements, de l’ordre de 20 % (http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0202911929586-bouygues-telecom-et-sfr-prets-a-mettre-leurs-reseaux-en-commun-588640.php). Cependant, il va falloir jouer serré car cet accord sera soumis avant à l’avis des instances représentatives du personnel des deux sociétés et à l’examen de l’Autorité de la concurrence et de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. De plus, le gouvernement, même s’il voit cette mutualisation d’un bon œil, veille aussi à ce que chaque opérateur continue à s’investir dans le déploiement des nouveaux réseaux.

Cette annonce concerne les réseaux 2G, 3G et 4G. Si les deux premiers verront leur couverture améliorée, le dernier sera en tout cas accéléré, ce qui peut permettre de prendre Orange de vitesse. C’est d’ailleurs l’objectif principal de SFR et Bouygues. Après l’accord d’itinérance Orange-Free, qui a permet à Free de faire beaucoup baisser les tarifs, Bouygues et SFR se devaient de réagir.

 

La course à la 4G

 

En mai 2013, SFR avait déjà annoncé vouloir d’ici la fin de l’année étendre son réseau 4G à 55 agglomération françaises afin de faire profiter de cette technologie à 70 % de la population française. De son côté, Bouygues, toujours par souci d’économie, émettait la possibilité de louer son réseau 4G à Virgin Mobile.

Il ne faut pas oublier que le développement et la maintenance d’un réseau est ce qui coûte le plus cher aux opérateurs. C’est d’ailleurs pour cette raison que Free, lorsqu’il s’est lancé dans le marché de la téléphonie, n’a pu s’offrir son propre réseau, mais loue le sien à Orange. Se rendre maître du réseau 4G en vaut la peine car cela obligera les utilisateurs à renouveler leurs portables et leurs abonnements. Cela justifiera aussi l’augmentation des tarifs : au final, les opérateurs y seront largement gagnants !

D’ailleurs, dans cette course à la 4G, si Orange reste en tête au 1e juillet 2013, Bouygues n’est pas loin derrière et pourrait même prendre la tête à la rentrée ! (voirhttp://www.pcinpact.com/news/80963-bouygues-a-desormais-plus-dantennes-4g-que-sfr.htm).

Mais le temps est compté et les technologies évoluent très vite : on parle déjà de la 5G pour 2020, donc les rapprochements entre opérateurs risquent de se généraliser. Ce rapprochement serait donc le premier d’une longue série qui va bouleverser la téléphonie mobile. Rappelons aussi que Bouygues a eu l’autorisation de déployer son réseau 4G sur ses bandes 2G, ce qui lui confère un avantage non négligeable dont SFR pourrait bénéficier même si on nous affirme le contraire (http://www.frandroid.com/justice/152038_free-mobile-autorise-a-deployer-son-reseau-4g-sur-ses-bandes-2g).

 

Des batailles juridiques à venir

 

Contrairement à l’accord d’itinérance entre Orange et Free, cette mutualisation ne concerne que les zones très peu denses afin de ne pas avoir à échanger d’information. Malgré tout, elle donne un avantage certain aux deux opérateurs et devrait aiguiser la jalousie des principaux concurrents concernés. On s’attend donc à ce qu’Orange ou Free (voire les deux) entament des procédures juridiques afin de préserver leurs acquis, car de fortes sommes sont en jeu. D’ailleurs, Free avait fait état de son fort mécontentement en apprenant ne pas pouvoir déployer son réseau 4G avant juillet 2015. La principale difficulté de cet accord est donc de laisser des conditions de concurrence satisfaisantes, mais ces dernières seront très vite dénoncées par les autres opérateurs. Les avocats vont avoir du pain sur la planche !