Alors que le "père" provisoire de l’Eglise renonçait à sa mission, de Nantes jusqu’à Strasbourg, en passant par la cité si joliment nommée Saintes, des pères lançaient donc des cris de SOS afin de pouvoir vivre pleinement leur paternité. Du représentant du « Père éternel », pour ceux qui y croient, à cette protestation subite de pères en souffrance, quelque chose marque t’il symboliquement la société occidentale ? Dans le rejet croissant de toute forme d’autorité, la féminisation promue, à juste titre pour la parité notamment salariale, il reste que l’Homme en tant que tel n’a jamais autant été interrogé dans tout ce qu’il représente. Du manque des pères au manque de repères, le risque d’une société orpheline ?

Pendant que le débat relatif au « mariage pour tous » fait la navette entre l’Assemblée Nationale et le Sénat, ces pères se hissant subitement sur des grues pour réclamer le "droit à l’amour" dans la filiation, parlaient assurément bien au-delà de leur petit cas personnel. Qu’on s’en réjouisse ou pas, la cellule familiale est sur le point d’être profondément remise en cause, notamment par la désacralisation de la place de chacun, en premier lieu, des enfants, de la mère, et, du père.

Pour peu que l’on pense vraiment que le Pape Benoît 16 se retire pour cause de fatigue insurmontable, sauf à souligner qu’il évoqua aussi une lassitude "Spirituelle", il n’en demeure pas moins qu’un combat plus vaste se déroule. Entendre un pape souhaiter de façon testamentaire que « l’Eglise revienne à Dieu » n’est pas anodin. L’Eglise serait-elle au seuil d’un divorce avec une partie de son passé ? Son positionnement par rapport à un monde occidental en perte ou rejet de repères n’est pas aisé non plus. La confrontation avec une supposée "modernité" dont le relativisme n’est souvent que le masque du matérialisme pourrait exiger une « sacrée » réorganisation de la maison « mère » Vaticaniste.

La famille épiscopale rentrerait-elle dans une phase de désunion conflictuelle ? Comme dans la société globale, l’espoir demeure de voir émerger un « père » suffisamment réinstauré dans ses pleins droits et sa légitimité. Par sa renonciation, Benoît 16 semble avoir paradoxalement redonné force à la fonction du » père », en l’occurrence dans l’Eglise. La nécessité reste encore que les femmes y prennent enfin toute leur place. La crise générale occidentale n’étant pas qu’économique, il n’est pas exclu que le retour souhaitable du Politique incarne pareillement celui de l’autorité. Dans certains pays celui du père,…de la nation ?

L’écho mondial de la renonciation de Benoît 16 atteste de l’influence de cet Etat à visée pourtant, spirituelle. Certains médias n’ayant pour paternité que celle du Marché auront su rendre compte de ce fait planétaire inattendu. Alors que cette autorité à domina paternelle marque sa permanence au cœur d’un Occident tout occupé à vouloir s’en défaire (à la différence de l’Afrique, de l’Amérique Latine…), les sociétés, notamment la France, cherchent précisément à réduire ce qui incarne « le père ». Que le premier projet de Loi emblématique du nouveau pouvoir français porta sur la famille et ses cadres vécus comme « d’autorité » parle en ce sens. Le « pays des Droits de l’Homme » aurait-il un problème avec le statut de la masculinité ? La condition féminine exige bien des améliorations, aussi.

A travers le "mariage pour tous", la structuration filiale axée autour du couple "souche de l’Humanité" pourrait se dissoudre avec l’accroissement des cas de divorces, l’émergence de nouvelles formes de « couples » sans capacité naturelle de descendance, la monoparentalité, bref, l’enfance rendue à elle-même ? L’avenir verra t’il l’avènement d’une société orpheline ? Emasculée ? A chacun d’oser librement se poser la question.

A travers la procréation artificielle, l’homoparentalité effaçant de fait l’un des deux parents, la promotion quasi mercantile du "droit à l’enfant", la destruction encourue du sacré qui en découle, la Vie en tant que telle est en question, dans sa permanence autant que dans sa valeur même. A travers la non primauté des enfants de part le règne des exigences d’adultes, la base de la société perd de sa résistance. Celle-ci pourrait à terme s’apparenter globalement à une famille décomposée ? Un retour salvateur du « père » et de tout ce que cette dimension incarne n’est pas exclu. Ces pères revendiquant leurs droits l’annoncent-ils ? Ce pape jetant l’éponge en appelant sa « famille » à retrouver son sens initial ? La démocratie deviendra-t-elle à terme plus autoritaire pour sauver ce qu’il reste ? A trop déstructurer les cadres ayant prévalus depuis des millénaires afin de correspondre à une pseudo « modernité », le retour de l’autorité est fort probable. Le débat reste ouvert.

Tous ces pères éprouvés sont donc redescendus du haut des édifices sur lesquels ils plantèrent le drapeau de leurs revendications paternelles. Le premier à s’être manifesté, Serge Charnay, resta le plus longtemps dans les hauteurs. Que ses droits de garde et de visite aient pu lui être retirés par la justice sur des arguments qu’il persiste à contester aurait alimenté sa rébellion. Il entendait dénoncer une "Justice sexiste". Depuis de nombreuses années, son cas n’est pas unique, sans avoir pris une telle visibilité. Mettant en avant le souhait légitime de l’égalité en droits entre hommes et femmes, il semble que des excès aient menés à une forme de négation de la paternité. Une future société infantile ou émasculée ? Du féminisme légitime à la féminisation absolue, le temps serait-il venu de rééquilibrer la société dans son fondement même ?

Selon Fabrice Méjias, président de SOS Papa, association créée en 1990 pour la défense des droits des pères divorcés ou séparés, le geste de Serge Charnay et compères recouvre « une exaspération générale » affirmant que « nous sommes le pays des droits de l’Homme, mais la justice familiale française n’est certainement pas un exemple". Gardons qu’il réclame depuis longtemps "une stricte application de la loi, qui soit égalitaire et équitable. ». A trop vouloir "tuer le père" dans l’héritage psychanalitico-soixante-huitard, la société française se revendiquant comme celle des Droits de l’Homme n’en aurait pas moins été irrespectueuse à l’égard de la gente masculine ? En parallèle de la bisexualité souvent promue en modèle ou de la fameuse théorie du "Gender", difficile de nier que la société est ainsi interrogée dans sa permanence. Le débat participant du « mariage pour tous » aurait des répercussions plus vastes qu’on veut bien se l’avouer ? 

Sans alimenter une opposition stérile entre hommes et femmes, rappelons que les femmes obtiennent toujours très majoritairement la garde des enfants après un divorce. Selon une enquête récente de l’Insee ce fut le cas pour les 130000 divorces prononcés en 2011. Plus des trois quarts des enfants mineurs résideront ensuite chez leur mère, seulement 8 % chez leur père. Selon la même enquête, plus l’enfant est jeune, plus il incombera à la mère d’en assurer la "parentalité". Certes, la Loi de 2005 voyant le consentement mutuel revalorisé aura permis que celui-ci l’emporte sur les ruptures conflictuelles, dont les enfants sont les premières victimes. L’actuelle ministre invitant à "développer la médiation" n’apporte rien de novateur. En effet, les divorces par consentement mutuel représentaient 54% des cas selon une étude remontant à 2010, alors qu’ils étaient minoritaire en 1998 (41%). La proportion des divorces "pour faute" est passée durant la même période de 42,2 % à 10 %. La pacification de la relation durant la procédure de divorce permet donc un déroulement plus égal des conditions futures de la "parentalité" partagée.


Selon une enquête de l’INSEE datant de la même année, un quart des enfants de moins de 25 ans issus d’un couple divorcé voient régulièrement leur père, une fois par semaine. Pour 22 % la fréquence des contacts tournerait autour de quelques fois, par an, 18 % affirment ne voir jamais leur père. Comme l’affirme Fabrice Méjias « C’est un vrai fait de société ». Il aura donc été reçu par la ministre de la justice, Christiane Taubira, et la ministre déléguée à la famille, Dominique Bertinotti. Et donc ?A contrario, un divorce "frontal" serait toujours beaucoup plus préjudiciable au père. Une sorte de préjugé « culturel » voudrait-il que l’homme soit toujours suspecté en premier lieu ? Certes, les épouses victimes de violences conjugales marquent un scandale national. Que le couple ait des enfants, ou pas, reste un facteur déterminant pour la qualité de la procédure de divorce. Chacun peut se réjouir qu’à la différence du débat sur le "mariage pour tous" voyant les enfants réduits à "des droits" comme il y en a en sécurité sociale ou routière, l’enfant resta jusqu’à ce jour le pivot des couples. Ainsi, le taux de divorce par consentement mutuel était en 2007 de 59 % pour les couples sans enfant. Pour les couples avec enfants, les divorces sont plus conflictuels. En outre, ils s’étalent plus durablement dans le temps. Les plaintes sont monnaies courantes après énoncé du jugement. Le "partage" des enfants et le paiement des pensions en sont les principales causes. En 2008, les tribunaux ont ainsi du faire face à plus de 60000 prolongements conflictuels sur les 132000 divorces prononcés cette année là. Les procédures furent largement en défaveur des pères. Pourquoi ? 

Pour peu que l’on ait suivi les débats sur le « mariage pour tous », voir ces deux ministres soudainement contraintes par l’actualité à une prise en compte plus grande des pères, n’était pas sans être quelque peu cocasse. Alors que le statut du père, fondamental selon tous les psychologues, n’aura cessé d’être bradé au rayon des vieilles lunes anachroniques, certains fossoyeurs du couple « traditionnel » se voient-ils appelés en pompiers à la rescousse des pères ? Certes, il y aurait de pompiers pyromanes.

Ainsi, la ministre Bertinotti n’hésita pas à déclarer « qu’il faudra atteindre un équilibre quand les enfants se trouvent au cœur des situations de divorce ». Elle précisait qu’il incombe de « voir ce qui est le mieux dans l’intérêt de l’enfant ». Si dans le cadre du « mariage pour tous » l’enfant fut le grand absent ou ignoré, hormis l’évocation des progrès scientifiques liés à la « pma » (contraindre la Nature à « produire » les enfants qu’elle ne souhaita pas ?) ou « gpa » (location rémunérées de ventres maternels), le couple « souche » de l’hétérosexualité vient donc opportunément remettre l’enfant au centre de tout. Est-ce inconvenant de le noter ? Cela ne réduit pas le respect requis pour les autres formes d’union.

La ministre de « la famille », notion évolutive (une de ses collègues se demandant « pourquoi il y aurait obligation à n’avoir que deux parents, et pas plus ? »), concluait sa première intervention face à la détresse des pères privés d’enfants en affirmant « qu’il faut garder le soucis de l’autorité parentale ». Il n’est pas certain que les dictionnaires s’y retrouvent pour ce qui est de définir le terme de « parents ». Le grand écart participerait de l’art de gouverner. Gardons que selon la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, ce dernier à précisément « le Droit d’être élevé par ces deux parents ». Durant l’élaboration de cette Charte il était entendu qu’il s‘agissait d’un père, et d’une mère. Le « progrès » aurait donc symboliquement à « tuer les pères » ? Une société émasculée serait en marche ?Alors que le Pape, « père » symbolique de l’Eglise annonçait sa renonciation, certains crurent en effet que le ciel allait leur tomber sur la tête au travers de la foudre inattendue observée ce jour là. Les éclairs se montrèrent très lumineux,. Croyant ou pas, chacun gagnerait à suivre l’exemple du Pape Benoît 16, qui n’entend être « qu’un humble serviteur », la liberté de croire ou pas incombant à chacun. Quoi qu’il en soit, que chacun retrouve un peu d’humilité et de discernement, notamment en matière de gouvernance. La Loi Humaine, celle de « la mère » Nature, n’aurait que faire des lois circonstancielles ou électoralistes. Le droit à l’amour pour tous est sans restriction, il perdurera. Le droit de chaque enfant à évoluer au contact d’un père et d’une mère, aussi, au prix prévisible d’une avalanche future de psychothérapies ? Qui ignore encore cette quête des origines marquant bien des enfants adoptés une fois devenus adultes ?

Pour ce qui est de la nécessité chère à Sigmund Freud de « tuer le père », laissons lui la "paternité" de cette formule, à laquelle chacun est libre d’adhérer, ou pas, qu’il s’agisse du père symbolique de l’église ou de tous les autres pères.

A trop détruire les racines et repères ancestraux, veillons à ne pas tendre vers une société orpheline.

 

Guillaume Boucard