"Le Conseil constitutionnel valide les tests ADN", ont titré nombre de médias à la suite de la décision des "sages" concernant la loi sur l'immigration de Brice Hortefeux. "Avec des réserves", ont ajouté les plus prudents. Mais des réserves qui changent tout ! Le Conseil constitutionnel a en réalité pris la majorité UMP à son propre piège.

Photo : Pescade

Les Tartuffe défenseurs de l'instauration des tests ADN ont toujours prétendu que cette disposition était destinée à offrir un nouveau droit aux demandeurs du regroupement familial, celui de recourir volontairement à une telle preuve. Comique distorsion entre cette présentation, mettant en avant des visées généreuses et humanitaires, et les arrière-pensées de Thierry Mariani, ultra droitier député auteur de l'amendement ADN, et du ministre de la Persécution des étrangers, Brice Hortefeux : évidemment que l'instauration des fameux tests était imaginée pour restreindre le nombre de candidats admis au regroupement familial !

Puisque toute la philosophie de la politique sarkozyste en matière d'immigration est de faire baisser le nombre d'étrangers vivant sur notre sol, à grands coups de quotas d'expulsés, pour complaire à son électorat raciste. Le message politique adressé par le gouvernement avec ces tests ADN est limpide : "regardez comment on lutte contre l'invasion des immigrés : on va coincer les resquilleurs en les obligeant à apporter la preuve génétique". Oh, bien sûr que l'amendement n'énonçait pas ce caractère obligatoire : c'est le demandeur, librement, qui pouvait choisir d'y faire appel. Et librement, voir son dossier rejeté en l'absence de test…

Voilà comment les hommes du ministère de l'Identité nationale comptaient utiliser cette disposition, comme une arme supplémentaire pour interdire le regroupement familial, pourtant déjà excessivement difficile à obtenir (combien d'immigrés depuis plus de dix ans en France attendant toujours l'autorisation de faire venir leur famille ?). Mais évidemment, un discours franc en la matière ferait trop mauvais genre – jusqu'à indigner le bien-pendant Philippe Val, c'est dire ! Alors on minaude que, pas du tout, on ne veut pas les refouler en masse, ces gentils immigrés, et que ces tests représentent simplement une possibilité de plus, gentiment offerte pour leur montrer à quel point on les aime… C'est là que la décision du Conseil constitutionnel, avec ses fameuses réserves, est maligne en diable : elle prend la majorité au mot et encadre le recours aux tests de façon à en interdire toute exploitation qui se ferait au détriment du demandeur.

Lisons ce qu'explique Maître Eolas dans son Journal d'un avocat : "La loi, pour permettre le recours à un test ADN, exige plusieurs conditions. (…) si ces étrangers établissent leur filiation conformément à la loi qui s'applique à leur nationalité, l'administration sera tenue de s'y plier et ne pourra pas demander un test ADN en plus. Ces tests ne seront donc qu'un mode de preuve subsidiaire, proposé uniquement à un étranger sollicitant un regroupement familial et ne pouvant établir sa filiation par la preuve prévue par la loi du pays dont son enfant a la nationalité, ou si l'administration démontre le sérieux de ses doutes sur l'authenticité de l'acte produit."

La charge de la preuve est renversée pour peser sur l'administration, heureuse précision. "Ainsi interprétée, écrit encore Eolas, la loi ne peut être utilisée par l'administration pour remettre en cause toute filiation qui lui semble simplement douteuse sans qu'elle ait à s'expliquer sur les raisons de son scepticisme, mais seulement proposer un tel test à la place du refus de visa pur et simple, test qui sera autorisé finalement par le juge après débat contradictoire. Bref, le test ADN sera une exception."

Bertrand mathieuMathieu, Professeur à l'université Panthéon-Sorbonne Paris-I et directeur du Centre de recherche de droit constitutionnel, va plus loin dans un article publié par Les Echos: "Les conditions dans lesquelles il pourra être recouru à de tels tests rendent le dispositif quasi inapplicable", annonce frontalement l'exergue de sa tribune. L'on pourrait donc se réjouir qu'ainsi retoqué, l'amendement ADN se voit privé de toute sa potentielle nuisibilité. D'autant que le Conseil constitutionnel réaffirme que l'enfant adopté conserve ses droits au regroupement familial, alors que la possibilité de faire procéder à un test ADN est pour lui de fait exclue. Mais justement à ce propos, Bertrand Mathieu tique : un enfant naturel peut prouver sa filiation, mais "un enfant adopté, dont les actes relatifs à son adoption ont été perdus, et qui ne peut pas apporter la preuve de sa filiation par possession d'état, pourrait ne disposer d'aucun moyen d'établir sa filiation. Ainsi, il est permis de voir dans cette différence de traitement une discrimination en fonction des origines génétiques."

Le ver serait-il alors dans le fruit ? "Mais comment ne pas voir que les discriminations génétiques sont susceptibles de constituer, à terme, l'une des plus graves atteintes au principe d'égalité ?, poursuit l'universitaire. L'on peut comprendre que la prudence ait incité le juge à ne pas censurer. On aurait attendu que, saisi pour la première fois de cette question, il pose un principe fondé sur l'article 1 de la Constitution, justement invoqué par ailleurs, en affirmant, par exemple, que «l'identification génétique d'une personne ne peut conduire à une discrimination fondée sur ses origines». La question de savoir s'il y avait, ou non, en l'espèce, discrimination était seconde. Parfois de petites affaires font naître de grandes décisions, ce n'est pas ici le cas."

En somme, le Conseil constitutionnel a raté l'occasion de poser un garde-fou pour l'avenir. Quant à son interdiction des statistiques ethniques, le sujet est complexe, certains de leurs défenseurs parlant au nom de la lutte contre les discriminations. On mesurerait mieux le racisme si l'on pouvait connaître la répartition ethnique précise, invoquent-ils. Mais d'autres campent sur une position simple : on ne compte pas les noirs, n'en déplaise à Finkielkraut ou Frêche, ni les Arabes, ni les blancs ou les jaunes ! Nous laissons le débat ouvert aux brillants commentateurs de Come4News.


16822087La palme de l'hypocrisie attribuée haut-la-main à François Fillon !
"Les réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel rejoignent les préoccupations du gouvernement, qui s'est efforcé tout au long de la procédure législative d'encadrer le dispositif en prévoyant son caractère facultatif, gratuit" : c'est sans doute pour ça que l'assemblée des "sages" a été obligée de bien réaffirmer longuement tout ça et de fixer les limites auxquelles le gouvernement avait justement laissé la porte ouverte…

La représentation du Premier ministre en plante verte provient de Médias libres.