La nouvelle réforme de la carte judiciaire organisée par le garde des sceaux prend forme, et se dessine un peu plus clairement à présent, mais elle est finalement moins ambitieuse que prévu. En effet, suivant le projet initial, il s'agissait d'aligner la carte des tribunaux de grande d'instance sur la carte des départements. S'il y eut beaucoup de protestations, il faut croire qu'elles ont été entendues par le ministre qui a revu à la baisse les prétentions de la réforme, ministre qui avait fait paraître un article dans les colonnes "débats" du Figaro, dans lequel il expliquait que la carte judiciaire avait besoin d'être rénovée, puisque datant de 1958, expliquant que les "Français veulent une justice plus proche, plus efficace, plus humaine et plus accessible", arguant du fait qu'en regroupant les tribunaux, ils seront plus efficace "en favorisant le recours aux nouvelles technologies". L'argument principal, est que la carte judiciaire date de 1958, et qu'en tant que telle, elle a fort besoin d'être rénovée. "La proximité géographique ne doit pas être confondue avec la proximité judiciaire" dit-elle. En conséquence, 176 des 473 tribunaux d'instance, c'est à dire les tribunaux qui traitent principalement de la mise sous tutelle, mais aussi des expulsions et du surendettement, seront supprimés ainsi que 23 des 181 tribunaux de grande instance du pays.

Maître Eolas détaille sur son blog ce que sont ces différents tribunaux, à la date du 25 juin, et donne un éclairage tout à fait essentiel sur cette réforme qui au moment où il l'écrit, n'est pas encore définitivement tracée, donnant un contre-argument  pour la date de 1958 dans un article plus récent: "le projet de départ était d'aligner la carte des tribunaux de grande instance sur la carte des départements qui date de 1790." Il précise notamment que la carte judiciaire "a été modifiée à de nombreuses reprises, notamment avec la créations des tribunaux de grande instance de Nanterre, Bobigny, Créteil au début des années 70, et de la cour d'appel de Versailles en 1975. Dire que cette carte date de 1958 est donc faux." Personne ne conteste au sein de la profession que la carte avait pourtant besoin d'être réformée, prend-il soin de préciser.
Sous l'article de Rachida Dati, un commentaire affirme que les Français ne veulent justement pas avoir affaire à la justice, et que pour les citoyens honnête ce n'est jamais le cas. Pourtant la question est plus importante qu'il n'y parait puisque les tribunaux supprimée concernent le quotidien, le droit de la famille, c'est à dire les divorces ou d'autres sujets, tels que le droit de visite des grand-parents (ce qui touche aussi les parents bien sûr) par exemple, mais aussi la mise sous tutelle à laquelle tôt ou tard, les justiciable pourront être confrontés, ou encore le surendettement qui explose dans notre pays, et le sujet préoccupant des expulsions de domicile.
Plus les tribunaux sont éloignés, plus les frais pour s'y rendre s'élèveront en conséquence,les tribunaux se trouvant rarement à proximité des gares. Pour une personne agée cela peut être problématique, c'est la raison pour laquelle le garde des sceaux l'évoque dans son article: "si une personne mise sous tutelle ne peut venir au tribunal, le juge et son greffier se déplaceront à l'hôpital ou dans la maison de retraite." On imagine pourtant mal les juges et les greffiers se rendre ainsi dans les maisons de retraite… Selon Arnaud Montebourg, 800 000 personnes  seraient à ce jour concernées par la mise sous tutelle. Le garde des sceaux ajoute: "le contentieux familial continuera à être traité dans les tribunaux d'instance renforcés, là où il n'y aura plus de tribunaux de grande instance", ces mêmes tribunaux d'instance qui ont pour nombre d'entre eux été supprimés…(!) On peut imaginer une femme (ou un homme) seule avec des enfants, contrainte de subvenir à leurs besoins parfois difficilement, prendre une journée de congés, faire garder ses enfants, pour se rendre au tribunal, loin de son domicile, tandis que l'aide juridictionnelle sera aussi réformée normalement sous peu (cela est détaillé ici )
La moitié des 271 conseils de prud'hommes devraient aussi être supprimée, selon Brigitte Bruneau, secrétaire général de l'Union syndicale autonome justice (USAJ) qui s'attend à une telle annonce pour la fin du mois, et pour le Syndicat de la magistrature, il ne s'agit dans le cadre de carte judiciaire que d'une logique de rentabilité, car les tribunaux sont supprimés en fonction de leur seuil d'activité. Et pourtant cela devrait coûter fort cher en terme d'aménagement, sans évoquer les employés qui devront être redéployés, d'un tribunal à l'autre.
Sur son blog, Maître Eolas, qui a pris soin de préciser dès le départ que les avocats sont "des professions libérales et nous devons nous adapter au fait du prince", ajoutant dans son billet plus récent:"Une réforme cohérente aurait voulu que l'on déplaçât des juridictions isolées vers des nouveaux pôles urbains, et qu'on en augmente plutôt le nombre. Or c'est tout le contraire. On concentre et centralise. C'est aller à contresens de l'histoire."
Le "fait du prince". Oui, le prince et la justice vont toujours de paire, ce n'est pas nouveau! Du jugement de Salomon au chêne de Saint-Louis, c'est bien la tradition qui nous le rapporte, le prince a à sa charge d'organiser la justice dans l'Etat, et il est jugé selon son bon sens. Une petite réflexion autour du billet de Mme Dati: Les tribunaux devront "traiter des contentieux de plus en plus complexes, compte tenu de l'application croissante des règles de droit international et européen." Eh bien soit! Mais n'y a-t-il pas trop de lois en France , pour tout et pour rien ? Ce serait peut-être une piste…? D'autant plus que les procès coûtent fort cher, au citoyen concerné aussi.
Le lecteur aura tout à gagner à consulter le blog de Maître Eolas. Lire surtout ceci.