Le 25 mai en kiosques et assimilés, Siné Mensuel publie un hors-série nº 5 intitulé « Siné, toujours mort de rire ». 40 pages d’hommage décapant.
Je ne sais plus trop combien de contributions j’ai pu consacrer à Maurice Sinet, dit Siné, ici, sur Come4News (cherchez, ou voir par exemple cela) ou ailleurs (par exemple, là). M’enfin, comme aurait dit Franquin, une recherche Google remonte 553 résultats en associant son pseudo et mon patronyme… Je n’étais pas un grand admirateur de Siné avant de le rencontrer à Angers, devant le tribunal de grande instance et un escadron de gendarmes mobiles à l’occasion d’un procès d’affichage sauvage satirique qui fit date, circa 1970. Bon, je ne vais pas radoter, vous retrouverez peut-être… Plus récemment, tout est relatif, je le retrouvais parfois lors des séances de dédicaces d’Étienne Liebig à La Musardine, un fois en comité de rédac’ du mensuel (ou de l’hebdo ?), et je ne sais plus où jusqu’au lieu de sa dernière demeure (magnifique sépulcre, non point magnificent, mais ô combien remarquable, car insolite, en dépit de ses discrètes dimensions).
Dékonne vacharde
Autant Siné était affable et discret, autant ses œuvres (quelques chats inclus) étaient vachardes et même tonitruantes. En voici rassemblées, sur 40 pages, sélectionnées à travers une production d’un demi-siècle – sur davantage, car en 2009 paraissait un Siné, 60 ans de dessins (Hoëbeke éd) – en raison de leur actualité. Utopiste, généreux, toujours du côté des opprimés, bouffeur de curés, ironiste iconoclaste, Siné n’avait pas que le trait pour le rire comme d’autres ont le mot pour dire. Sa patte était parfois grinçante, rageuse, féroce, et en tout cas le plus souvent impétueuse, même si mûrement réfléchie. Sa prose, que l’on retrouve en « mini-zone » sur le site du mensuel, était fréquemment acerbe (sauf, par exemple, pour évoquer le chanteur Renaud en dépit de ses égarements). Décédé le 5 mai 2016, Siné conservera à jamais, ce hors-série l’atteste, sa vitalité. Allez, je ne vais pas tirer à ligne sur la sienne, plutôt charnue bien que fort claire, comme on dit en BD. Simplement dire, que, avant-hier encore, un Liégeois chroniquait son Journal pré-posthume (Le Cherche midi éd.). Parmi une foultitude de « sine die » ou « qua non » et quelques « Sine Saloum », j’ai retrouvé cela en rubrique actualités de Google.
Personnage historique, ¡si!
Je ne sais s’il se savait pour homonyme un acronyme (Sine, Sistema National de Emprego), lui qui illustra Les Offres d’emploi, de Jean-Louis Coals, paru en 1978, et s’employa pratiquement jusqu’à son dernier souffle à faire vivre son mensuel qui lui survit. Le Figaro et L’Obs, parmi tant et tant d’autres, se sont fendus d’articles au lendemain de son décès, dont l’un – devinez dans lequel des deux – de l’ami Denis Robert, qu’on retrouva plus tard dans Les Inrocks. Depuis son enterrement en fanfare, plus grand’ chose (en nombre), mais quelques pépites de qualité (je pense à cet entretien de Catherine Sinet pour L’Humanité, par exemple). Mais je vous fiche mon billet qu’il aura la postérité d’un Daumier. Plus ample, par exemple, que celle d’un Jean-Louis Forain (†1931, qui signait Forain), pourtant comblé d’honneurs (commandeur, président, académicien, &c.), dont j’ai encore le Doux Pays (189 dessins de presse, Plon éd., 1897), encore çà et là évoqué. Forain était anti-Dreyfus, et se montrait parfois un talentueux Déroulède au crayon et au son des canons. Forain s’était parfois aveuglé, ou simplement trompé, sur son époque. Siné, pratiquement jamais, enfin, que je sache ou me souvienne. Cela peut, à titre d’exception, se discuter : il n’était pas tout à fait contre la force de frappe nucléaire française, en 1960, ce qui peut prêter à controverse. Je ne sais en revanche si des extraits de son Dico illustré, ou des dessins de Le Déshonneur est sauf (sur « les événements » d’Algérie), figureront un jour dans les manuels scolaires. Il me semble (on me contredira, j’espère, avec une référence antérieure) que son premier opus fut Complaintes sans paroles de Siné avec d’horribles détails et une préface de Marcel Aymé (1956, Pauvert, année où Siné reçu le Prix de l’humour noir). Eh, une époque, où on faisait « chiant » dans Le Monde, qui s’affranchissait des titres courts, non encore imposés. Ami de Genet, aussi de Bouteflika, de l’écrivain argentin Ezequiel Martinez Estrada (dont il illustra El verdadero cuento del tio Sam), de tant de musiciens, écrivains, artistes, cinéastes, &c., Siné restera encore longtemps à découvrir autrement que par ses crobars. Immense chantier… Pour l’instant, ne passez pas à côté de cet hors-série qui ne sera vraisemblablement pas tiré de nouveau…