Réalisateur : Tran Anh Hung
Date de sortie : 7 septembre 2016
Pays : France
Genre : Drame
Durée : 115 minutes
Budget : NC
Casting : Audrey Tautou (Valentine), Bérén ice Bejo (Gabrielle), Mélanie Laurent (Mathilde), Jérémie Renier (Henri)
Nous sommes à la fin du XIXème siècle, dans le jardin d’une villa bourgeoise du sud de la France, Valentine n’est encore qu’une petite fille entourée de ses parents et de ses sœurs quand l’histoire commence. Quelques années plus tard, à 20 ans, elle épousera Jules et, comme pour la majorité des femmes, elle enfantera et ce sera le début de plusieurs générations de femmes jusqu’à cette parisienne du XXIème qui court dans les bras d’un homme. Une lignée qui a traversé les époques, forgée par l’amour des mères pour leurs enfants et de deux êtres qui un jour ont décidé de s’unir pour donner la vie. Le nouveau film de Tran Anh Hung, que l’on avait connu avec L’odeur de la papaye verte en 1992, narre une histoire qui transcende les générations, servie par un trio d’actrices convaincantes.
Tout d’abord, visuellement le film est d’une grande finesse. On ressent bien la rigueur quasi tyrannique du réalisateur pour avoir le plan parfait. Il multiplie les effets pour apporter finesse et élégance. Cependant, il en abuse. Certes ça peut fonctionner une fois, voire deux fois mais plus, ça devient gavant. Les traveling avant, arrière, les ralentis, les jeux de miroirs, les effets de lumières, les flashback ou les contrastes, tout est bien maîtrisé mais utilisé à outrance. D’un point de vue esthétique, c’est un plaisir pour les yeux. On est séduit par les costumes raffinés, les intérieurs cossus des grandes demeures bourgeoises ou des appartements huppés idéalement reconstitué mais également par les paysages à l’image des calanques bordées d’une eau d’un bleu éclatant. Musicalement parlant, ce n’est pas non plus très dynamique, pas de rythme effréné, juste de la musique classique douce et dodelinante collant parfaitement à l’ambiance du film et à son contexte. Omniprésente, elle berce le spectateur. Au fur et à mesure, nous avons l’impression d’être dans un roman de sentiments bourgeois de la fin du XIXème siècle, quelque part entre du Flaubert, du Stendhal ou du Musset, ou dans une toile d’un peintre impressionniste. Comme si on avait devant les yeux un beau livre d’images serti de quelques textes. En effet, la narration est particulière, une voix suave, très peu de dialogues, tellement qu’à chaque fois, c’est surprenant. Le tout très bien écrit, traduisant parfaitement par les mots le sentiment amoureux et l’amour maternel. Une tendresse perceptible sur l’affiche, pendant féminin à celle du Tree of Life de Terence Malick, où Mélanie Laurent cajole un nouveau né prête à l’embrasser. D’ailleurs niveau bisou, on a une avalanche de bisous, des baisers sur les joues et sur la tête, les nourrissons en sont submergés.
Beau mais d’une extrême longueur ! On a l’impression que le film dure une éternité tellement le rythme est lent. Malgré tout, il se dégage quelque chose d’envoûtant et on plonge avec un certain plaisir dans ces tranches de vie. En effet il y a cette étrange impression d’un récit non séquencé, à travers les années qui passent et qui emportent avec elles de nombreuses vies. Car une chose notable dans Éternité c’est la mort, elle est partout mais toujours de façon figurative, on ne montre que très rarement un personnage mourir. L’être humain est d’une grande fragilité face aux accidents et aux maladies. Certains meurent jeunes alors qu’ils voulaient vivre tandis que d’autres, à l’image de Valentine, vivent tout en étant morts de l’intérieur. Est-ce de la maladresse ou non mais certains passages de vie à trépas sont mal traités , trop brutaux, trop « faciles ». A cela s’ajoute un traitement assez inégal des histoires, tandis que l’on s’étend assez longuement sur les segments d’Audrey Tautou et de Mélanie Laurent, celui de Bérénice Béjo semble secondaire. Son histoire paraît moins travaillée, moins aboutie. Tout comme celles des fils, quid des progénitures masculines ? A part deux ou trois personnages, les autres sont complètement effacés du film. La place est faite aux femmes et le réalisateur a raison de faire un choix car trop de personnages nuit à la qualité du récit.
Eternité, adapté du roman L’élégance des Veuves d’Alice Ferney, reste un beau film, long mais envoûtant, avec des actrices en forme et pertinentes, apportant une réflexion sur la maternité mais plus encore. Il y est question, de façon sous-jacente, de la condition de la femme à cette époque particulière qu’est la Belle Epoque. Des poules pondeuses faisant des enfants chaque année, ou presque, cantonnées à s’ennuyer dans leur demeure pendant que leur mari travaillait, mourant d’épuisement en couche à force d’avoir donner leur énergie pour offrir la vie. Il montre également que la vie est cyclique, qu’importe les époques, les environnements, les habits que l’on porte, nous reproduisons les mêmes schémas que nos ancêtres et c’est en cela que nous devenons éternels.