Adapté d’un roman de Jean-Paul Dubois, « la nouvelle vie de Paul Sneijder » est une comédie dramatique savamment orchestrée qui peut difficilement laisser insensible. Rescapé d’un de ces rarissimes accidents d’ascenseur, Paul Sneijder, (Thierry Lhermitte), a depuis comme changé de peau d’autant que sa fille y a laissé la vie. Autour de lui le monde lisse, immuable, demeure engagé dans cette course folle à la « réussite » qui était sienne, ne laissant pas de place aux sentiments, d’où sa solitude dans son nouveau combat.
D’emblée le ton est donné : alors que le père à la béquille se présente au funérarium pour récupérer l’urne renfermant les cendres de sa fille, l’hôtesse d’accueil ne lui épargne pas sa leçon de marketing bien apprise, lui dégainant une liste non exhaustive des services macabres de la Maison. Imperturbables devant la perte de Marie née d’un premier mariage, la femme et les deux fils de Paul Sneijder n’ont qu’une idée en tête : la garantie d’un procès réussi pour récolter un maximum de dommages et intérêts, pour encore plus d’ascenseur social ! Après une remise en question radicale de son ancien mode de vie, l’ancien cadre supérieur, atteint désormais de claustrophobie va se délester de ses vieilles lunes pour mieux regarder, mieux voir, ses proches, son monde. Il va devenir promeneur de chiens.
Loin de s’enfermer et le spectateur avec, dans un climat de sinistrose, Paul S va s’engager au gré de ses rencontres dans un lent processus de résilience, à l’origine de pépites improbables tout au long du film comme la rencontre avec son nouveau patron, un calculateur prodige, collectionneur de nombres premiers, palindromes. Et le tour de force du réalisateur réside notamment dans cette aisance à surfer d’un registre à l’autre avec une extrême fluidité rendant le film captivant pendant les deux petites heures.
Thomas Vincent capte les sentiments avec une précision, une sobriété sans s’encombrer du moindre artifice : souvent filmé en gros plan, le visage accablé, le regard aux cinquante nuances de douleur en disent infiniment plus que les mots. En plus de l’éloquence du silence, il y a celle complémentaire du cadre de vie, de ce Québec . Tout est gelé, aussi bien la douleur que la neige de l’hiver québécois. L’économie du bavardage finit par mettre en valeur l’intensité des dialogues qui ont le mérite d’être concis, aérés.
Dans le talent qu’il déploie dans ce rôle d’un nouveau genre pour lui, Thierry Lhermitte confirme l’idée selon laquelle un bon acteur mange à tous les râteliers. Les autres comédiens ne sont pas en reste tout comme leur contribution à la réussite de ce film…