Le film de Robert Guédiguian revient sur le génocide et son impact transgénérationnel chez les Arméniens. 1921 assassinat à Berlin de Talaat Pacha, instigateur du génocide, par Soghomon Tehlirian, (Robinson Stevenin). S’ensuit un procès en noir et blanc riche en émotions où le réalisateur semble se livrer à une sorte de thérapie à travers la défense de Soghomon au cours de laquelle ce dernier égrènera toutes les injustices endurées par sa famille, son peuple. Entre déportations dans des conditions atroces, déboires de tous genres, massacres, spoliations, la matière ne manque pas pour donner à la lutte armée toute sa légitimité. Le tueur sera acquitté par le jury populaire du tribunal allemand. Erigé en icône, sa mémoire sera entretenue et il jouera un rôle important dans la transmission du flambeau.
Après plus d’un demi siècle, les massacres de 1915 n’étant toujours pas reconnus, des Arméniens de la troisième génération décideront de se battre pour faire valoir leur cause. Dans les années 80, ils vont recourir à des attentats terroristes, tous azimuts, contre les intérêts turcs faisant d’innombrables victimes innocentes dites collatérales. Il y aura l’attentat à la voiture piégée menée à Paris en 1980 contre l’ambassadeur turc où un cycliste, un certain Gilles Tessier, (Grégoire Leprince Ringuet))sera grièvement blessé sous le regard impuissant de son bourreau.
Aram, (Syrus Shahidi) l’auteur de cette opération quittera son cocon marseillais pour rejoindre ses frères d’armes de l’Asala (armée secrète arménienne de libération de l’Arménie) dans les camps d’entrainement du Liban. L’occasion de découvrir les coulisses de ces organisations terroristes tenues d’une main de fer. La rencontre à Beyrouth entre Aram le militant et sa victime, orchestrée par la mère du second, (Ariane Ascaride), constitue le joyau du film où il est question de mémoire, responsabilité, terrorisme, vengeance, pardon…
Portés surtout par Ariane Ascaride, Grégoire Leprince Ringuet, Syrus Shahidi, le film nous plonge en immersion dans cet univers arménien où l’identité tient une place prépondérante. Riche scénario où même la part fiction puise son inspiration de faits réels. Robert Guédiguian a réussi le tour de force de porter sur écran cette sombre page d’histoire avec beaucoup d’humanité.
Ce drame fait écho à la tragique actualité et la réponse à la question cruciale qu’il soulève par rapport à la "lutte armée", à savoir si la fin peut justifier les moyens, s’illustre par les carnages auxquels nous assistons, les bras presque croisés…
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