La liberté selon Valls :

Manuel Valls : 

Si les Français élisaient Marine Le Pen en 2017, nous suspendrions le processus électoral…

Riposte Laïque : 

Monsieur le Premier ministre, quelles sont vos premières analyses, 24 heures après la quatrième défaite spectaculaire de l’ensemble de la gauche, depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande ?

 

 

 

Manuel Valls : 

En 1980, Margareth Thatcher, pour laquelle j’ai énormément d’admiration, disait, concernant sa politique : « There is no alternative ». Je dirai ce jour la même chose, il n’y a pas d’autre choix économique possible, et je suis en place pour faire appliquer la politique décidée à Bruxelles, comme la France s’y est engagée. Le reste n’est que démagogie et fausses promesses, que cela vienne des prétendus frondeurs ou de l’extrême droite anti-républicaine.

Riposte Laïque : 

Vous vous réclamez souvent de la République, pour attaquer vos adversaires, et les taxer d’antirépublicains. Pour vous, qu’est-ce qu’un républicain, en 2015 ?

Manuel Valls : 

Un républicain est un homme qui a compris qu’il n’y a pas d’avenir en dehors de l’Union européenne. Etre contre Bruxelles, c’est combattre la République.

Un républicain a compris que le mariage homosexuel, c’est une nouvelle avancée pour plus d’égalité. Combattre le projet de Christiane Taubira, c’est combattre la République.

Un républicain sait que l’immigration est une chance pour la France. Demander la fermeture des frontières, c’est alimenter le racisme et combattre la République.

Un républicain sait que l’islam est une religion d’amour, de tolérance et de paix. Critiquer cette religion, c’est attiser la haine contre les musulmans, et combattre la République.

Un républicain sait que la gauche, c’est le camp du progrès et de la justice sociale, alors que la droite, c’est le camp de la réaction. Critiquer la gauche, c’est donc combattre la République.

Riposte Laïque : 

Pourtant, récemment, vous avez été qualifié de « crétin » par le philosophe de gauche Michel Onfray…

Manuel Valls : 

Je peux vous dire que nous avons mis immédiatement sur écoute cet ennemi de la République, et qu’il va subir un contrôle fiscal sur vingt ans, pour que nous sachions qui le finance. Je ne veux plus entendre parler de ce personnage, sinon je mets fin à l’entretien !

Riposte Laïque :

 Dans ce cas, Monsieur le Premier ministre, revenons aux élections de dimanche. Que répondez-vous à ceux qui disent qu’il ne sert plus à rien d’aller voter, puisque, quoi qu’expriment les Français dans les urnes, vous n’en tenez pas compte ?

Manuel Valls : 

Vous posez une bonne question, et le gouvernement s’interroge sérieusement sur cette piste. En effet, les élections sont très coûteuses pour la Nation. Elles ne servent pas à grand-chose. Encore plus ennuyeux, les ministres, comme moi, sont obligés d’aller sur le terrain pour limiter les dégâts, et, pendant ce temps là, nous ne travaillons pas sur nos dossiers. Et en plus, on se fait siffler ! Je pose donc clairement la question, en homme de gauche qui n’a pas peur d’affronter les tabous. La preuve, je suis favorable à ce qu’on change le nom du Parti socialiste, car socialiste ne veut plus dire grand-chose. J’ai osé défendre Tony Blair. J’ai eu le courage de dire que les 35 heures étaient une stupidité économique qui avait ruiné la France. J’ai multiplié les exonérations fiscales aux entreprises, faisant hurler mes gauchistes de service. Eh bien, j’ose cette question, au lendemain des départementales : le suffrage universel est-il de gauche, et devons-nous le maintenir ?

Riposte Laïque : 

Mais enfin, Monsieur le Premier ministre, vous déniez au peuple le droit de choisir ses dirigeants, et la politique qui va être menée ? Mais c’est le retour à l’ancien Régime ?

Manuel Valls :

 Arrêtez avec vos grandes formules, Madame, on n’en est plus là ! Le suffrage universel a eu sa raison d’être, il y a une époque, je l’admets. Mais à ce jour, la situation n’est plus la même. Dans un système très complexe de mondialisation de l’économie, les dossiers sont devenus trop ardus pour que le commun des mortels y comprenne quelque chose. Nous avons vu le désastre en 2005. On a demandé l’avis des électeurs sur le Traité constitutionnel européen, par référendum (une belle connerie de Chirac). Tous les partis respectables ont demandé aux électeurs de soutenir ce traité, et nos meilleurs journalistes sont allés dans le même sens. Eh bien, les Français ont fait massivement le contraire, à 55 %. Résultat, 2 ans de perdu, et il a fallu faire le traité de Lisbonne, et contourner leur vote. De même, depuis que nous sommes au pouvoir, nous n’arrêtons pas, inlassablement, d’expliquer aux électeurs ce qu’est vraiment l’extrême droite. Nous leur disons que le FN est xénophobe, raciste, homophobe et islamophobe. Et bien, plus nous le disons, plus ce parti antirépublicain progresse. Nous ne pouvons qu’en tirer les conclusions qui s’imposent, et prendre toutes nos responsabilités…

Riposte Laïque : 

Que voulez-vous dire, Monsieur le Premier ministre ?

Manuel Valls :

 Chère Madame, j’ai une admiration sans bornes pour les généraux algériens qui, en 1991, ont suspendu le processus électoral pour sauver la démocratie dans leur pays.

 En effet, les électeurs, sans doute trop incultes, se préparaient à mettre au pouvoir le FIS, qui voulait instituer une République islamique en Algérie. 

Tout le monde a félicité les dirigeants de leur choix de mettre fin au processus électoral. Je vous rappelle que les Allemands ont élu démocratiquement Hitler, et qu’on a vu la suite…

Dans le contexte actuel, si les Français, en 2017, élisaient Marine Le Pen à l’Elysée, quel serait notre devoir de Républicains, de socialistes et d’hommes de progrès ?

Peut-on croire que les millions d’enfants français de la diversité laisseraient faire de telles choses ?

Nous serions dans des émeutes de 2005 puissance cent ! Devrions-nous abandonner notre pays à la guerre civile ? 

Naturellement, les organisations syndicales, en pointe dans la défense du service public, n’accepteraient pas qu’un parti fasciste puisse diriger la France, et déclencheraient une grève générale qui paralyserait le pays. 

Avons-nous le droit de laisser notre France dans les mains des nostalgiques de Vichy ? Pouvons-nous laisser un parti raciste expulser massivement des millions de citoyens étrangers sans qui l’économie de la France ne peut pas tourner ?

 Faudrait-il leur permettre de casser notre belle Union européenne ? 

Est-il possible de les laisser attaquer nos mosquées, et détruire l’islam de France que nous mettons en place patiemment ?

 Peut-on accepter que se mette en place, dans notre France, une politique sécuritaire où des jeunes en pertes de repères seraient systématiquement mis en prison à la moindre pécadille ?

Ma réponse est très claire, chère Madame, c’est non !

Riposte Laïque : 

Mais enfin, cela ressemblerait à un Coup d’Etat. Vous auriez le peuple de France contre vous…

Manuel Valls :

 Vous me paraissez bien naïve, chère Madame. Rappelez-vous, en 2002, Chirac a refusé tout débat avec le père Le Pen. 

Pendant quinze jours, nous avons occupé la rue. 

Ils étaient où, les électeurs du FN ? 

Terrés chez eux. 

En 2005, nous avons violé le vote des Français. Vous avez vu un mouvement de rue ? 

Rien. 

Sarkozy a refusé tout débat avec Marine Le Pen. Et pourtant, les Français ont voté majoritairement UMP.

 Donc, on peut suspendre des élections, il n’y aura pas de mouvements de masse, parce que nous contrôlons les médias, et que nous mettrons en avant tous ceux qui se sont livrés à une répétition générale avec « Je suis Charlie ». Je vous rappelle qu’on avait interdit le FN, et que tout le monde s’en est foutu…

Nous aurons peut-être quelques réactions d’activistes identitaires ou patriotes, mais cela sera très vite réglé…

Riposte Laïque :

 Donc, si je comprends bien, vous dites aux Français que s’ils continuent à mal voter, ils n’auront plus le droit de voter ?

Manuel Valls : 

Je demande à nos compatriotes de se ressaisir, et de mériter le droit de vote qui leur a été accordé.

 Faute de quoi, l’exécutif, en 2017, sous ma direction, prendra toutes ses responsabilités. 

Si Marine Le Pen arrive en tête en 2017, je ferai suspendre le processus électoral, 

j’instituerai l’Etat d’urgence, je ferai dissoudre le Front National pour tentative de putsch démocratique et pour anti-républicanisme.

 Je le dis en me revendiquant de l’héritage de Jaurès et de Clemenceau, et, faites moi confiance, mon bras gauche ne tremblera pas si cette hypothèse se confirmait.

Je veillerai, d’autre part, à ce que les discours réactionnaires des Zemmour, Onfray, Rioufol et autres n’aient plus leur place sur les plateaux de télévision et dans une presse que nous subventionnons.