Depuis maintenant quelques mois les côtes méditerranéennes italiennes, autrefois cartes postales paradisiaques, voit échouer sur leurs rivages la misère du tiers-monde. L’horizon du pays de la dolce vita est jonché de bateaux ivres, chancelant seulement pour les plus solides, coulant pour les cas les plus tragiques, sous le poids de la pauvreté de centaines de naufragés du malheur bravant la mer sur des embarcations de fortunes au péril de leur vie pour fuir les atrocités des guerres sévissant chez eux. Contraints de risquer leur vie pour ne pas la perdre, ces sinistrés de la société laissent derrière eux le chaos poussés à avancer vers une terre non promise mais panacée de leur détresse. Le joli dégradé bleu de la mer épousant le ciel laisse désormais place à un spectacle de désolation, reproduction malheureuse d’un célèbre tableau de Théodore Géricault.

Au commencement nouvelles coqueluches des médias, les migrants, ainsi que les appellent ces derniers, se fondent aujourd’hui dans le décor et ne nourrissent plus les machines à pathos que sont les journaux d’informations en continu et autres presses poubelles. Relatés, constatés, commentés, sur-commentés, instrumentalisés, pour fabriquer du compassionnel et du sensationnel, chair fraîche qu’on donne en pâture aux petits gloutons cathodiques avides de buzz inédit, m’obligeant à tomber dans la formule pléonastique, étant bien entendu qu’à la base le propre du buzz est d’être inédit, tellement celui-ci vient saturer nos fenêtres d’informations.

Mais quid de l’analyse, de l’enquête journalistique, de la causalité, bref de la pensée ? Car quand on se veut journaliste il ne suffit pas de combler du temps de cerveau disponible avec du commentaire de commentaire servant la soupe aux pontifes politiques ou d’attiser les passions tristes en éculant les poncifs s’adressant aux viscères des masses plutôt qu’à leur cerveau, appuyant de la sorte l’émergence des partis fascistes.

 

Alors prenons de la hauteur pour sortir de la trivialité et du manichéisme servis sur plateaux et essayons d’identifier la cause du phénomène, de mettre en lumière et à la barre de la raison les responsables de cette paupérisation extrême des populations conduisant à des flux migratoires de survie concentrés vers un nombre réduit de destinations. Car comme le disait justement Camus : " Mal nommer les choses c’est ajouter aux malheurs du mondes."

Nommons donc les choses, nommons le mal pour tenter de trouver les solutions adéquates. Quel est ce mal qui ronge les trois quarts de la planète en perpétrant des inégalités sociales, sociétales, économiques et politiques engageant un processus de clochardisation de la société ? Le libéralisme économique. Cette idéologie donnant le monopole à l’économie de marché, donc à l’argent, permet l’enrichissement des plus riches sur le dos des plus pauvres, localisant les richesses mondiales dans un nombre toujours plus limité de lieux laissant le plus grand nombre se battre pour les miettes débinées par l’ogre libéral.

Evidemment les quelques miettes ne suffisent pas au nombre toujours plus grandissant des gens de peu qui se voient obligés d’émigrer vers un horizon dorée qui rétrécit proportionnellement à l’augmentation de la misère mondiale. Et les pays frontaliers d’évacuer cette misère créée pendant que ses administrateurs se déchargent de toutes responsabilités rejetant la faute sur les dictatures et le manque de libéralisme chez les pays touchés : si ça ne marche pas, c’est qu’il n’y a pas assez de libéralisme. Allons donc !

Les dictatures deviennent donc boucs émissaires idéaux, parfaits pour légitimer, sous prétexte des droits de l’Homme, la diplomatie au mortier pratiquée envers les pays offrant des avantages géopolitiques, géostratégiques, militaires, miniers, laissant derrière elle charniers, ruines et guerres civiles.

 

Alors en semant le vent on récolte la tempête, et selon les lois de l’effet papillon un bombardement par-ci amène un flot de migrants par-là. Et les petits semeurs de mort de discourir dans leurs salons, le cul vissé dans leur fauteuil de cuir capitonné et dans la presse jouant d’exercices de rhétoriques et de gloses, Bernard-Henri Lévy au premier rang de ce bastion occidental mené par les USA.

Pourtant les solutions existent, sans même parler de sortir de la logique libérale, Michel Onfray en a donné une très intéressantes qui malheureusement n’a pas eu l’écho qu’elle méritait. Le philosophe proposait une conférence internationale dans laquelle les pays occidentaux tels que la France et les Etats-unis reconnaissaient leur responsabilité et agissant en conséquences se répartissaient de manière équitable l’accueil de leurs victimes. 

Rêvons, rêvons…