Lorsqu’on parle du nucléaire civil, la question de la concurrence entre les grandes puissances se pose inévitablement. Entre les questions de puissance installée, et de sûreté des installations, la technologie française tire actuellement son épingle du jeu lors des appels d’offre, mais jusque quand ?
Le CNRS fait une cartographie du nucléaire dans le monde
La cartographie interactive du Centre National de Recherche Scientifique rappelle qu’actuellement les Etats-Unis disposent du plus grand nombre de centrales nucléaires. En effet, 103 réacteurs sont en activité sur le territoire de la première puissance économique, contre 58 en France, 51 au Japon et 33 en Russie.
Toutefois, lorsqu’on s’attarde sur la part du nucléaire dans le mix électrique, le classement est sensiblement différent. La France produit à 74,79% de son électricité grâce à son atome, alors qu’outre-Atlantique, moins de 19% du courant est lié à l’exploitation de l’uranium…
L’American Nuclear Society reconnait l’importance du commissariat à l’énergie atomique
En janvier 2014, Donald Hoffman, président de l’American Nuclear Society livre une autre version de la suprématie française. Selon lui, « EDF est un acteur global, qui a fait beaucoup pour la standardisation, que nous n’avons pas aux Etats-Unis puisque nos cent réacteurs nucléaires sont exploités par 32 opérateurs et même si elles collaborent d’un point de vue technologique, nous aurions beaucoup à gagner en bénéficiant de davantage de transfert de technologie ».
Cependant, son témoignage révèle également une importante concurrence sur le marché nucléaire. Si on s’intéresse cette fois aux réacteurs en construction, on s’aperçoit que l’ordre évoqué ci-dessus pourrait prochainement être remis en cause. En France seulement un EPR est en construction, aux Etats-Unis, 3 réacteurs sont en travaux, alors qu’en Chine 28 réacteurs sont en chantier contre 11 pour la Russie.
La Chine profitera-t-elle de la transition énergétique pour récupérer le leadership ?
Avec le texte présenté à l’Assemblée Nationale par Ségolène Royal, le gouvernement va réduire la part du nucléaire à 50% de notre mix-énergétique. Avec cette nouvelle donne, le journaliste de BFMBusiness Guillaume Paul se demandait « comment relancer la filière nucléaire française »?
Jean-Bernard Levy et Philippe Varin auront pour mission de trouver une réponse au défi lancé par le japonais Toshiba, le Russe Rosatom, mais aussi par les ambitions chinoises tandis que se prépare la fusion de CNNC et CGN. D’après Fatih Birol, l’économiste en chef de l’Agence internationale de l’énergie, « la Chine détiendra près de 50% du marché mondial de production d’énergie nucléaire d’ici 2040 ».
La sûreté nucléaire, le meilleur atout de l’offre française ?
Cet été, la Hongrie a passé commande de deux nouveaux réacteurs à Rosatom, grâce à une technologie « jugée aujourd’hui très sûre par l’Agence internationale pour l’énergie atomique ». Si la Russie qui s’occupe parallèlement de la construction d’un réacteur en Finlande, renforce ainsi sa position dans la stratégie énergétique européenne, on note qu’elle n’a pas remporté d’appel d’offre pour obtenir le contrat avec Budapest.
Côté français, la filière s’occupe également de la construction d’un réacteur en Scandinavie et installe deux EPR en Angleterre. Question sûreté, l’AIEA a récemment souligné les « bonnes pratiques » de l’exploitant français EDF par la voix de Miroslav Lipar, directeur du département sûreté en exploitation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les chinois ont également passé commande de deux EPR, avant de peut-être se lancer dans la conception de leurs propres modèles…
L’avenir du nucléaire ne fait pas de doute dans le monde
L’Agence Internationale de l’Energie indique que « les capacités de production nucléaire augmenteront de 60% », d’ici à 2040. La Chine est le principal moteur de cette progression mais la Russie, les Etats-Unis, et même le Japon ont pris la décision de relancer leur parc nucléaire. Entre recherche et développement et transfert de technologie, le nucléaire continuera sans doute de faire l’objet d’une âpre bataille commerciale dans les temps à venir !
En revanche en France, le rééquilibrage souhaité entre les différentes sources d’énergie risque de se faire au détriment de cette industrie. Pourtant, il faut rappeler qu’en 2012 le mix énergétique français se composait de pétrole à 41,8%, d’électricité à 24,4%, de Gaz à 20,8%, d’ENR à 9,7% et de charbon à 3,4%. Pour l’instant cela dit, aucune décision n’est de nature à entamer l’outil industriel français avant la mise en route de Flamanville prévue pour 2017, l’année de l’élection présidentielle…