Nous serions professeurs, nous ne refuserions pas de lire la lettre de Guy Môquet à nos élèves, comme une directive de Xavier Darcos, ministre de l'Education nationale, y oblige les enseignants aujourd'hui sur ordre du président.
Nous désobéirions ainsi à leur principal syndicat, le SNES, dont Claudie Martens, la co-secrétaire générale, dénonce en cette initiative une "récupération politique" : "Nous obliger à parachuter en plein cours un savoir sur un seul et unique personnage, sorti de son contexte, c'est manquer de respect à notre métier", estime-t-elle. Elle se trompe, en ce que nul n'empêche le professeur de resituer le contexte, et c'est justement ce qu'il convient de faire.
Darcos est très clair : "On le dit depuis le début, les enseignants peuvent faire ce qu'ils veulent autour de cette lettre". Chiche ! Il faut alors prendre Sarkozy à son propre piège et expliquer en quoi Guy Môquet est mort non en tant que résistant, mais parce qu'il était communiste. Henri Guaino, conseiller du président, explique à propos du jeune fusillé, dans Libération : "Il tombe victime de la barbarie nazie". La part de vérité de cette affirmation est si partielle qu'elle en devient presque mensongère. Ce sont certes les nazis – en l'espèce le général Stülpnagel – qui ordonnent qu'en représailles à la mort du lieutenant-colonel Holtz, abattu à Nantes par la résistance, on fusille 50 otages. Mais lesquels ? Les Allemands n'interviennent pas dans le choix des victimes.
L'homme qui désigne les suppliciés s'appelle Pierre Pucheu, le ministre de l'Intérieur de Pétain. C'est donc lui qui condamne à mort les 27 fusillés de Châteaubriant, groupe auquel appartient le jeune Guy Môquet. Tous sont communistes et le hasard n'a rien à y voir : Pucheu explique clairement son choix comme dicté par la volonté d' "éviter de laisser fusiller 50 bons Français". A ses yeux, un communiste n'est pas un bon Français. Or celui qui était alors le candidat Sarkozy a déclaré : "Je veux dire que cette lettre de Guy Môquet, elle devrait être lue à tous les lycéens de France, non comme la lettre d’un jeune communiste, mais comme celle d’un jeune Français faisant à la France et à la liberté l’offrande de sa vie". Absurde, puisqu'on a vu que Môquet est mort justement parce qu'il est communiste ! Et pourquoi Pucheu choisit-il les otages dans leur rangs ? C'est tout simplement qu'il est un digne représentant de cette droite collaborationniste viscéralement anti-rouges, au point de faire sienne la devise : "plutôt Hitler que le Front populaire".
Au moment d'entrer en politique, Pucheu n'est pas n'importe qui. "Administrateur des fonderies de Pont-à-Mousson, des aciéries de Micheville, fondateur du Cartel international de l’acier, énumère l'ancien sénateur communiste Maurice Ulrich dans L'Humanité, il est l’un des plus éminents représentants de ce qu’on appelait alors le Comité des forges et de cette bourgeoisie qui, après le triomphe de Hitler, entend prendre sa revanche sur le Front populaire. Pucheu, donc, choisit. Politiquement. Charles Michels, secrétaire général des cuirs et peaux CGT ; Jean-Pierre Timbaud, dirigeant de la métallurgie CGT ; Jean Poulmarch, dirigeant du syndicat des produits chimiques CGT ; Jules Vercruysses, dirigeant du textile CGT ; Désiré Granet, dirigeant du papier-carton CGT ; Jean Grandel, secrétaire de la fédération postale CGT…"
En somme, se débarrassant des syndicalistes, il joint l'utile (pour le patronat) à l'agréable (trucider la vermine rouge). Voilà donc la vérité historique qu'il faut rappeler, à l'occasion de ce que le pouvoir a baptisé "commémoration du souvenir de Guy Môquet et de ses 26 compagnons fusillés". En faisant d'abord observer que l'utilisation du mot "compagnons" est inappropriée et que le vocabulaire a un sens : les résistants gaullistes se donnaient du "compagnon" quand les communistes s'appelaient "camarade".
Et Môquet lui-même parle de ses co-suppliciés ainsi : "mes 26 camarades". Mais évidemment, le mot "camarade" lui-même, fortement connoté, évoque le communisme comme si on le prononçait en langue soviétique, "tovaritch". On a donc remplacé le mot honni de la droite par un "compagnon" moins "ringard", dixit Guaino. Cette précision utilement apportée aux élèves, il faudra ensuite leur conter comment la frange la plus puissante du patronat français, en cheville avec l'Etat pétainiste, a profité de l'exigence allemande d'exécuter des otages pour éliminer ses opposants politiques en même temps que les animateurs du mouvement social, pour mieux le décapiter.
Et enfin leur lire la lettre de ce jeune homme de 17 ans, qui va mourir simplement parce qu'il est le fils de Prosper Môquet, député communiste élu en 1936, et que cette seule filiation suffit aux yeux du gouvernement français de Vichy à lui faire mériter la peine capitale. "Victime de la barbarie nazie" ? Plutôt martyr politique aux bourreaux bien Français !
PS
on pourra aussi opérer un rapprochement très pédagogue avec l’actualité, en précisant que Guy Môquet était fils de cheminot, profession dont le régime spécial de retraite va être réformé par le gouvernement. Qu’en aurait pensé le jeune militant communiste ? Que dirait-il aujourd’hui en lisant le numéro 2 du MEDEF, Denis Kessler, qui affirme tranquillement, analysant la politique sarkoziste : « Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses (…) A y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. (…) Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! » On pourra enfin lire aux élèves cet autre texte de Guy Môquet, témoignage naïvement formulé de l’engagement qui le conduisit à la mort :
Parmi ceux qui sont en prison
Se trouvent nos 3 camarades
Berselli, Planquette et Simon
Qui vont passer des jours maussades
Vous êtes tous trois enfermés
Mais patience, prenez courage
Vous serez bientôt libérés
Par tous vos frères d’esclavage
Les traîtres de notre pays
Ces agents du capitalisme
Nous les chasserons hors d’ici
Pour instaurer le socialisme
Main dans la main Révolution
Pour que vainque le communisme
Pour vous sortir de la prison
Pour tuer le capitalisme
Ils se sont sacrifiés pour nous
Par leur action libératrice. »
@ Olivier Bonnet : VICHY EST UNE VILLE ! Merci de faire preuve de plus de respect dans la narration des faits historiques !
Olivier Bonnet, dans votre très intéressant article, vous ne faites pas preuve de rigueur dans la narration des faits historiques, ce, pour une raison très simple : dans la conclusion de votre article, vous écrivez, et, je vous cite, « …cette seule filiation suffit aux yeux du gouvernement français de Vichy à lui faire mériter la peine capitale. ».
Aussi, le Vichyssois que je suis, se doit de remettre les choses en ordre !
1. Vichy est une ville ;
2. Aux côtés du Maréchal Philippe Pétain, Chef de l’Etat, les Vices-Présidents du Conseil des Ministres furent : Pierre Laval (devenu, par la suite, Président du Conseil des Ministres), l’Amiral François Darlan et Pierre-Etienne Flandin ;
3. Pour parler de la France à cette époque, l’appellation « Etat Français » avait été choisi, le vocable « République française » ayant été banni par les autorités de l’époque ;
4 Vichy est une ville et non une personne.
De plus, il faudrait faire attention à ces deux mots : « de » et « à » ! Ils ont une signification différente !
Pour vous en convaincre, je vous invite à lire :
– mon article : « La Ville de Vichy ne doit pas servir de bouc émissaire lors des commémorations de la Shoah » [ publié, le 18 juillet 2007 sur C4N :
http://www.come4news.com/index.php?option=com_content&task=view&id=4959 ] ;
– De se pencher sur la Proposition de Loi, « visant à substituer dans les communications publiques invoquant la période de l’État français, aux références à la ville de Vichy, l’appellation ‘’ dictature de Pétain’’ » [ voir le texte de cette Proposition de Loi sur ce lien : http://www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion0729.asp ].
Merci de bien vouloir faire les corrections nécessaires en écrivant, dans votre conclusion : « …cette seule filiation suffit aux yeux du gouvernement français de l’Etat Français à lui faire mériter la peine capitale. ».
Si j’étais professeur, je lirais cette lettre, car je considère que Guy Moquêt fut un grand résistant.
Puis, il est inutile de rappeler que Pierre Pucheu fut un des représentants les plus en vue du Patronat français, avant d’être Ministre de l’Intérieur du Gouvernement Pétain !
Pourquoi ?
Pourquoi serait-ce inutile ? Que Pucheu fasse fusiller 6 responsables syndicaux, aux côtés de Guy Môquet, alors qu’il est un représentant du grand patronat, n’est pas neutre.
Par ailleurs, il est clair que l’expression « gouvernement de Vichy » renvoie à l’Etat français sous le maréchal Pétain et non à une quelconque faute commise par les habitants de cette ville.
Justement l’expression « GOUVERNEMENT DE VICHY » n’a pas lieu d’être, même, si par commodité de langage -alors que c’est une faute de grammaire-, il est admis de parler des capitales au lieu des chefs de gouvernements !
Donc, que cela plaise ou non,
– IL N’Y A JAMAIS EU DE GOUVERNEMENT DE VICHY,
– IL Y A EU UN GOUVERNEMENT PETAIN INSTALLE A VICHY…
Tout est question de sémantique : regardez dans votre dictionnaire la différence entre « de » et « à »…
vichy
@Olivier Bonnet
Pour être proche de la ville de Vichy, je sais tout le mal qu’a cette ville pour se dépétrer de cette image de régime de pétain qui lui reste accolée et qui lui nuit encore aujourd’hui…pire que le crime de Caïn!
D’où la réaction de Dominique Dutilloy, natif de Vichy et qui se bat pour que ses oncitoyens cessent de payer pour quelques uns qui n’étaient même pas de vichy.
Essayons de lui donner un coup de main en étant vigilants sur les termes employés.