et une tête fut tranchée.
Il s’agit d’un document historique qui fut remis au Monde et qui relate les derniers instants de l’exécution capitale d’Hamida Djandoubi le 10 septembre 1977 à 4 h 40 à la prison des Baumettes à Marseille. Ce Tunisien de 31 ans fut le dernier condamné à mort en France pour crime, et la dernière personne au monde guillotinée pour le meurtre d’Elisabeth Bousquet. C’est un meurtre après tortures et barbaries, vol et violences avec préméditation sur cette jeune femme de 20 ans. Il fut le dernier condamné à mort en France et décapité quatre années plus tard. Avant lui, il y eut Christian Ranucci en juillet 1976 pour l’enlèvement et le meurtre d’une fillette de 8 ans, et Jérôme Carrein le 23 juin 1977 pour l’enlèvement, le viol et l’assassinat d’une autre fillette de 8 ans, Hamida Djandoubi fut le troisième condamné exécuté sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing.
En 1971, Hamida Djandoubi, à la suite d’un accident du travail comme manutentionnaire, fut amputé d’une jambe. En 1973 il tenta par la force de prostituer cette jeune femme qui déposa plainte. Condamné à plusieurs mois de prison, il jura de se venger. En juillet 1974, il kidnappa Élisabeth Bousquet, la conduisit chez lui et la tortura pendant des heures. Il la transporta ensuite nue et sans connaissance dans la campagne, jusqu’à une quarantaine de kilomètres de Marseille. Il la cacha alors dans un cabanon et l’étrangla. Le corps fut trouvé quelques jours plus tard par des enfants. Arrêté quelques mois plus tard, il fut aussi accusé de sévices et de viols aggravés sur une adolescente de 15 ans. Il reconnu les faits et collabora avec la justice lors de la reconstitution.
Robert Badinter alors Garde des Sceaux qui, lors des débats parlementaires à l’Assemblée nationale le jeudi 17 septembre 1981 contre la peine de mort, évoqua, entre autre, le cas d’Hamida Djandoubi «qui était unijambiste et qui quelle que soit l’horreur, le terme n’est pas trop fort présentait tous les signes d’un déséquilibré et que l’on présenta à l’échafaud après lui avoir enlevé sa prothèse» voir le Journal officiel de la République Française. Le procureur général Chauvy parla à l’époque «d’une âme démoniaque», les experts psychiatres considérèrent qu’il avait «une intelligence supérieure à la normale mais constituait un colossal danger social». Il fut condamné à mort le 25 février 1977 par la cour d’assises des Bouches-du-Rhône qui siégeait à Aix-en-Provence. Le 9 septembre sa grâce fut refusée par le président Valery Giscard d’Estaing pour une exécution le lendemain.
C’est de cette exécution que la doyenne des juges d’instruction Monique Mabelly commise d’office pour y assister, consigna par écrit ce qu’elle vit et ressentit. Quelques lignes écrites au retour de l’exécution suscita en elle une «émotion froide», afin de témoigner. Monique Mabelly léguera dix ans plus tard ce manuscrit à son fils, Rémy Ottaviano, qui le remit il y a quelques semaines à Robert Badinter.
Exécution capitale de DJANDOUBI, sujet tunisien
«À 15 heures, Monsieur le Président R… me fait savoir que je suis désignée pour y assister».
«Réaction de révolte, mais je ne peux pas m’y soustraire. Je suis habitée par cette pensée toute l’après-midi. Mon rôle consisterait, éventuellement, à recevoir les déclarations du condamné».
«À 19 heures, je vais au cinéma avec B. et B. B., puis nous allons casse-croûter chez elle et regardons le film du Ciné-Club jusqu’à 1 heure. Je rentre chez moi ; je bricole, puis je m’allonge sur mon lit. Monsieur B. L. me téléphone à 3 heures et quart, comme je le lui ai demandé. Je me prépare. Une voiture de police vient me chercher à 4 heures et quart. Pendant le trajet, nous ne prononçons pas un mot. Arrivée aux Baumettes. Tout le monde est là. L’avocat général arrive le dernier. Le cortège se forme. Une vingtaine, une trentaine de gardiens ? Les «personnalités». Tout le long du parcours, des couvertures brunes sont étalées sur le sol pour étouffer le bruit des pas. Sur le parcours, à trois endroits, une table portant une cuvette pleine d’eau et une serviette éponge».
«On ouvre la porte de la cellule. J’entends dire que le condamné sommeillait, mais ne dormait pas. On le «prépare». C’est assez long, car il a une jambe artificielle et il faut la lui placer. Nous attendons. Personne ne parle. Ce silence, et la docilité apparente du condamné, soulagent, je crois, les assistants. On n’aurait pas aimé entendre des cris ou des protestations. Le cortège se reforme, et nous refaisons le chemin en sens inverse. Les couvertures, à terre, sont un peu déplacées, et l’attention est moins grande à éviter le bruit des pas».
«Le cortège s’arrête auprès d’une des tables. On assied le condamné sur une chaise. Il a les mains entravées derrière le dos par des menottes. Un gardien lui donne une cigarette à bout filtrant. Il commence à fumer sans dire un mot. Il est jeune. Les cheveux très noirs, bien coiffés. Le visage est assez beau, des traits réguliers, mais le teint livide, et des cernes sous les yeux. Il n’a rien d’un débile, ni d’une brute. C’est plutôt un beau garçon. Il fume, et se plaint tout de suite que ses menottes sont trop serrées. Un gardien s’approche et tente de les desserrer. Il se plaint encore. A ce moment, je vois entre les mains du bourreau, qui se tient derrière lui flanqué de ses deux aides, une cordelette. Pendant un instant, il est question de remplacer les menottes par la cordelette, mais on se contente de lui enlever les menottes, et le bourreau a ce mot horrible et tragique, «vous voyez, vous êtes libre !…» Ça donne un frisson…»
«Il fume sa cigarette, qui est presque terminée, et on lui en donne une autre. Il a les mains libres et fume lentement. C’est à ce moment que je vois qu’il commence vraiment à réaliser que c’est fini – qu’il ne peut plus échapper -, que c’est là que sa vie, que les instants qui lui restent à vivre dureront tant que durera cette cigarette».
«Il demande ses avocats. Me P. et Me G. s’approchent. Il leur parle le plus bas possible, car les deux aides du bourreau l’encadrent de très près, et c’est comme s’ils voulaient lui voler ces derniers moments d’homme en vie. Il donne un papier à Me P. qui le déchire, à sa demande, et une enveloppe à Me G. Il leur parle très peu. Ils sont chacun d’un côté et ne se parlent pas non plus. L’attente se prolonge. Il demande le directeur de la prison et lui pose une question sur le sort de ses affaires».
«La deuxième cigarette est terminée. Il s’est déjà passé près d’un quart d’heure. Un gardien, jeune et amical, s’approche avec une bouteille de rhum et un verre. Il demande au condamné s’il veut boire et lui verse un demi-verre. Le condamné commence à boire lentement. Maintenant il a compris que sa vie s’arrêterait quand il aurait fini de boire. Il parle encore un peu avec ses avocats. Il rappelle le gardien qui lui a donné le rhum et lui demande de ramasser les morceaux de papier que Me P. avait déchirés et jetés à terre. Le gardien se baisse, ramasse les morceaux de papier et les donne à Me P. qui les met dans sa poche».
«C’est à ce moment que les sentiments commencent à s’entremêler. Cet homme va mourir, il est lucide, il sait qu’il ne peut rien faire d’autre que de retarder la fin de quelques minutes. Et ça devient presque comme un caprice d’enfant qui use de tous les moyens pour retarder l’heure d’aller au lit ! Un enfant qui sait qu’on aura quelques complaisances pour lui, et qui en use. Le condamné continue à boire son verre, lentement, par petites gorgées. Il appelle l’imam qui s’approche et lui parle en arabe. Il répond quelques mots en arabe».
«Le verre est presque terminé et, dernière tentative, il demande une autre cigarette, une Gauloise ou une Gitane, car il n’aime pas celles qu’on lui a données. Cette demande est faite calmement, presque avec dignité. Mais le bourreau, qui commence à s’impatienter, s’interpose, «on a déjà été très bienveillants avec lui, très humains, maintenant il faut en finir». À son tour, l’avocat général intervient pour refuser cette cigarette, malgré la demande réitérée du condamné qui ajoute très opportunément, «ça sera la dernière»».
«Une certaine gêne commence à s’emparer des assistants. Il s’est écoulé environ vingt minutes depuis que le condamné est assis sur sa chaise. Vingt minutes si longues et si courtes ! Tout s’entrechoque. La demande de cette dernière cigarette redonne sa réalité, son «identité» au temps qui vient de s’écouler. On a été patients, on a attendu vingt minutes debout, alors que le condamné, assis, exprime des désirs qu’on a aussitôt satisfaits. On l’avait laissé maître du contenu de ce temps. C’était sa chose. Maintenant, une autre réalité se substitue à ce temps qui lui était donné. On le lui reprend. La dernière cigarette est refusée, et, pour en finir, on le presse de terminer son verre. Il boit la dernière gorgée. Tend le verre au gardien. Aussitôt, l’un des aides du bourreau sort prestement une paire de ciseaux de la poche de sa veste et commence à découper le col de la chemise bleue du condamné. Le bourreau fait signe que l’échancrure n’est pas assez large. Alors, l’aide donne deux grands coups de ciseaux dans le dos de la chemise et, pour simplifier, dénude tout le haut du dos».
«Rapidement, avant de découper le col, on lui a lié les mains derrière le dos avec la cordelette. On met le condamné debout. Les gardiens ouvrent une porte dans le couloir. La guillotine apparaît, face à la porte. Presque sans hésiter, je suis les gardiens qui poussent le condamné et j’entre dans la pièce ou, peut-être, une cour intérieure ? Où se trouve la «machine». A côté, ouvert, un panier en osier brun. Tout va très vite. Le corps est presque jeté à plat ventre mais, à ce moment-là, je me tourne, non par crainte de «flancher», mais par une sorte de pudeur, je ne trouve pas d’autre mot, instinctive, viscérale».
«J’entends un bruit sourd. Je me retourne, du sang, beaucoup de sang, du sang très rouge, le corps a basculé dans le panier. En une seconde, une vie a été tranchée. L’homme qui parlait, moins d’une minute plus tôt, n’est plus qu’un pyjama bleu dans un panier. Un gardien prend un tuyau d’arrosage. Il faut vite effacer les traces du crime… J’ai une sorte de nausée, que je contrôle. J’ai en moi une révolte froide».
«Nous allons dans le bureau où l’avocat général s’affaire puérilement pour mettre en forme le procès-verbal. D. vérifie soigneusement chaque terme. C’est important, un PV d’exécution capitale ! A 5 h 10 je suis chez moi. J’écris ces lignes. Il est 6 h 10». Le Monde.fr.
pourquoi écrire toujours des nouvelles « à sensation » c’est tellement facile de raconter des choses « spectaculaire » les journaux en sont pleins!!!
[b]Mozarine[/b] bonjour,
Je ne raconte toujours des choses spectaculaire Mozarine, mes articles sont plutôt politiques, mais là, j’ai trouvé qu’il fallait écrire ce qu’est une exécution par guillotine.
Il y peu de temps qu’elle n’est plus exécutée, mais malgré cela de nombreux Français, dont vous connaissez l’idéologie, sont partisans de revenir à la peine de mort !
Cette exécution par guillotine fait partie de notre histoire, et pour autant affreuse et bestiale qu’elle fut, il faut connaître les derniers instants du guillotiné.
Bien à vous,
Anido