Or donc, Bradley Manning, le militaire étasunien informateur de WikiLeaks, a été condamné à 35 ans d’emprisonnement. Mais Chelsea Manning, soit « la » même, pourrait soit bénéficier d’une grâce d’Obama, soit n’effectuer que sept ou huit ans de peine dans une prison pour femmes. Un fait de genre parmi d’autres ? Peut-être, mais très fortement médiatisé, difficile à imputer à la recherches de conditions de détention moins rigoureuses, et de quoi mettre les contempteurs de ce qu’ils nomment « la théorie du genre » au piquet.
Comment empêcher des personnes de presque tout âge de s’interroger sur le genre et sa construction alors qu’un personnage aussi connu mondialement que Bradley Manning, 25 ans, demande à suivre une thérapie hormonale et devenir Chelsea Manning ?
Tant qu’il ne s’agissait que de mannequins ou de jeunes gens devenues chanteuses de variétés, ce type de transformation pouvait être considéré négligeable. Même s’il reste statistiquement exceptionnel, tout comme les mariages entre personnes de même sexe dans les pays les admettant (environ 5 %, plutôt progressivement, et majoritairement sur le tard, entre époux âgés en vie commune antérieure durable), comment dissimuler ces « seins » que l’on ne saurait voir ?
La « théorie » du genre est une totale invention visant à discréditer les recherches, mondiales et parfois contradictoires, de qui se penche sur les faits de genre, se livre à des études de genre. Tant que les faits peuvent être niés, déconsidérés, la supposée « théorie » reste vaguement plausible. Donc les arguments de qui la construit pour la vouer aux gémonies, confusément recevables.
Qu’on le veuille ou non, s’y intéresse ou non, l’information se diffuse. La banalisation – et relativisation – s’installe.
Cela n’a-t-il vraiment rien à voir avec ce qui précède ? Peggy Sastre, chercheuse spécialisée dans les études de genre (entre autres ; son Ex utero ne s’appuie pas que sur ces études, loin de là…), est devenue traductrice pour les éditions Harlequin. Il faut bien vivre. Cela ne va pas tout à fait de soi car la branche française de ces éditions recherche surtout des adaptatrices (il existe peut-être de rares adaptateurs) et les essais qui leur sont soumis avant signature de contrat visent davantage à vérifier la conformité au style de la maison que l’exactitude de la traduction.
Cela laisse-t-il envisager que, bientôt, même dans des ouvrages à l’eau de rose comme L’Amant de Wolff Mountain ou Héritière malgré elle, s’insinueront des questions relatives à celles du genre ? La collection « Audace » (dernier titre significatif : Sans tabou) va-t-elle aborder les liaisons féminines ? On verra bien.
L’UMP Bernard Debré, dans une perspective à la « hou, faisons-nous peur », se lance dans la SF en prédisant l’administration contrainte d’anti-hormones à tous les enfants (depuis le stade de la gestation, via le cordon ombilical ?). Pour que les futur·e·s adultes soient moins femmes ou moins hommes et idéalement hermaphrodites ?
En fait, il s’agit de défendre une conception sociale totalement figée, d’entretenir la fiction que rien ne peut bouger. Qu’importe si, selon les dernières statistiques, la réussite scolaire des garçons est redevenue légèrement plus forte que celle des filles au Royaume-Uni, sans que la diffusion des études de genre y soit pour quoi que ce soit ? Personne n’arrive à savoir si c’est temporaire ou durable, et les tentatives d’explications les plus fumeuses – faute de recul – sont avancées.
Tout cela reste fort marginal, même si, chaque année, en France, près de ou un peu plus de 200 nouveaux-nés (ou nouvelles nées) sont médicalement (la médecine reste une science humaine) considérés indéterminés, soit pouvant évoluer de manière plus marquée vers un sexe ou un autre, sans qu’on puisse le prédire à coup sûr.
En fait, les inventeurs et créatrices de la théorie du genre voudraient surtout qu’on naisse chrétien, ou musulman, ou autre, et que cela soit irréversible. Bizarre comme cela ne prend guère dans certains milieux protestants pratiquant à la naissance une sorte de baptême d’accueil, facultatif et n’ayant aucune valeur contraignante (le baptême étant reporté un peu au-delà de l’âge de raison édicté par l’église catholique romaine pour la première communion). Certes, des laïcs s’opposent aussi à la diffusion de toute étude, tout sujet relatif au genre. L’épouvantail imaginaire se construit tout autant que la supposée « théorie ». Ou permet de peser un peu en se faisant connaître, ainsi du fameux Les Poissons roses, du Parti socialiste, chantre de l’éthique familiale et sociale.
On peut tout fantasmer. Je partage la majeure partie de mon existence avec un·e individu·e de sexe féminin et de genre à ses yeux identiques qui s’impose de repasser ses chemisiers mais m’impose aussi de ne paraître avec elle/il en public que vêtu de chemises repassées. Intolérable machisme de sa part, découlant d’une éducation sexuée imposée par les tenants d’une théorie du genre qui lui ont laissé supposer que son comportement était « naturel » ! Un homme, un vrai, décide seul, souverainement de sa mise ! Mon altérité est niée !
Monsignore (titre honorifique) Tony Anatrella, enseignant au collège des Bernardins, consulteur au Conseil pontifical de la famille, psychothérapeute diplômé de l’EHSC, a considéré qu’une puissance étrangère, les États-Unis, n’avaient pas à s’immiscer dans la question de la criminalisation de l’homosexualité en Afrique (on attend ses réflexions sur l’Europe centrale et la Russie) du fait des traditions africaines. Alors, dans ce cas, pourquoi pas l’excision et l’infibulation ? Je vais solliciter son avis au sujet du repassage de mes chemises… atteinte intolérable à ma tradition familiale qui ne l’admet que lors des cérémonies et administration des sacrements (baptême, communions première et solennelle, mariages et enterrements) et les revues de détail militaires. Je me méfie toutefois de sa réponse car sa soutane est fort peu souvent maculée et froissée (encore un méfait de la diffusion des considérations sur le genre).
Manning en Jeanne d’Arc condamnée au bûcher par les Cauchon étasuniens n’a écopé que d’une peine d’emprisonnement. Tout fout le camp ! Bientôt, il nous faudra de nouveau marquer le pli des jeans !
J’attends avec impatience que la Manif pour tous (saison 2, sans Barjot) traite du cas Manning lors de son université d’été (les 14-15 sept. prochains). Pour dénoncer son « hyper-matérialisme hédoniste » ? Fustiger l’influence de la franc-maçonnerie dans les armées ?
Au train où cela va, il se trouvera peut-être une religieuse américaine qui entreprendra un changement de sexe et sera admise à la prêtrise. Et cela changerait fondamentalement quoi ? En quoi les rabbas (comme Delphine Horvilleur, auteure d’En tenue d’Ève, Grasset) transforment-elles radicalement le judaïsme ? En quoi la prêtresse catholique non romaine Sinead O’Connor (qui estime qu’il « faudrait interdire tout mariage », selon sa dernière déclaration à L’Express), mère de quatre enfants, issue d’un pays, l’Irlande, encore, selon elle, fortement peuplée « de refoulés sexuels et émotionnels », fait-elle évoluer la chrétienté ?
On joue à se faire peur, à s’indigner. En fait, c’est bien souvent une question d’opportunité, changeante, évolutive. Ainsi, le patriarcat orthodoxe russe appuie-t-il l’attitude de Poutine vis-à-vis de Snowden. Ouf, Snowden n’est pas « une » Manning. Et aucun agent des services de renseignement russes n’a proclamé publiquement exfiltrer des documents confidentiels vers le monde entier.
Ah oui, au fait… Des femmes soldats, marins, corsaires, bien avant Jeanne d’Arc et bien après, il y en eut fort davantage que l’on croit généralement. Pas que dans les nations indiennes d’Amérique. Boudicca (Boadic) la Bretonne n’a guère démérité. Qui s’en plaignait vraiment ? En cas de péril, toutes les gonades sont bonnes sous les armes.
Faut-il rappeler que l’homosexualité, la cohabitation et les rapports sexuels entre personnes de même sexe, ou entre bisexuel·le·s, n’ont pas vraiment eu besoin de l’appui des études de genre pour exister, à diverses époques, en diverses sociétés de par le monde ? Quant aux fameuses traditions immémoriales qui fonderaient l’identité des populations, on ne sait trop dire à quel point nos très lointains ancêtres d’une préhistoire chaque année un peu moins mystérieuse, ont privilégié des formes patriarcales ou matriarcales d’interprétation du monde et de la vie en couple ou plus largement en commun.
Qui peut dire que, si elles avaient été promues dans les années 1920 en Europe, en Amériques (du nord, centrale, du sud), les fondamentaux dominants auraient été radicalement transformés ? C’est ce genre d’interrogations que les bâtisseurs d’une théorie inexistante veulent soigneusement occulter. Chelsea Manning vient involontairement de leur adresser un sacré pied de nez.
C’est sûr, la guerre des Cimbres (-113) a irrémédiablement sapé les fondements mêmes des sociétés germaniques. Pourtant, pourtant, plus d’un millénaire après, les trois K prédominaient. Les Suissesses de Nidwald, en 1798, n’ont certes pas réussi : elles n’étaient pas trop convaincues par la France des Lumières. J’en passe…
Daniel Palieri et Irène Herrmann concluent :
« [i]Cette dichotomie entre guerriers et mères permet aussi, en stigmatisant les premiers et en innocentant les secondes, de ne pas se poser la question qui dérange, à savoir que la guerre et la violence qui lui est associée n’est pas une question de sexe, mais d’abord d’individus ; et qu’il nous faut donc considérer la bellicosité comme une activité humaine, et non une activité d’hommes. En d’autres termes plus crus, que chacun, mais aussi chacune d’entre nous est à même de tomber un jour dans la barbarie[/i].»
Insupportable travestissement des réalités et des valeurs traditionnelles, n’est-il point ? Les études de genre, c’est surtout cela. Pouah, cachez ces femmes que nous ne saurions voir.
Verra-t-on les FEMEN débarquer aux States?
Je ne le crois pas.
MOI je veux un vagin [u]et[/u] un pénis …C’est plus original, pour l’instant!