17 millions de manifestants contre Morsi.

 

 

De jours en jours d’heures en heures la situation en Égypte évolua pour aller jusqu’à la destitution du président Morsi. A la fin de l’ultimatum implicite de l’armée au président Morsi, la feuille de route qu’elle s’était assignée fut appliquée. Il faut revenir au début des manifestations qui prirent une telle ampleur que pouvoir des Frères musulmans ne pouvait que vaciller. Celles contre le président Hosny Moubarak sur la place Tahir n’avaient jamais été si importantes. Celles qui viennent de se produire le 30 juin à l’anniversaire de l’investiture du président Morsi mobilisèrent l’ensemble des grandes villes égyptiennes. Elles dénoncèrent la main mise des Frères musulmans sur les rouages de l’État.

 

Des milliers de musulmans furent rassemblés place Tahir contre le président Morsi et les Frères musulmans. Le bilan fait état de 16 victimes et de 781 blessés au 1er juillet entre les partisans et adversaires de Morsi/ AFP, document Les Échos.fr

 

La révolution n’est donc pas terminée, de nouvelles élections vont avoir lieu. Il fallait s’y attendre tant l’influence religieuse des Frères musulmans pesa sur les élections qui suivirent la chute du président Moubarak. Dans l’article les révolutions musulmanes Tunisie Egypte, Libye déjà je me posais la question de ce qu’elles deviendraient connaissant l’influence islamiste qui agit sous le manteau. Les révolutions musulmanes furent celles des jeunes qui, aussi bien en Tunisie qu’en Égypte manifestèrent pour libérer leur pays des dictateurs Ben Ali et Moubarak, pour plus de démocratie et pour la laïcité. Leurs actions furent donc volées par les élections qui suivirent. Il est évident que le parti Ennahda en Tunisie et celui des Frères musulmans en Égypte appliquent la charia qui met la femme dépendante de l’homme. Ils ne reflètent pas l’espoir qui fut porté par les jeunes à l’origine de ce mouvement de libération. Les présidents Marsouki et Morsi en furent issus par les élections. Mais, pour ces jeunes, leur révolution n’est pas achevée et un an après ils manifestent à nouveau pour que «Morsi dégage». En Tunisie la situation n’est pas celle de l’Égypte, mais elle s’en rapproche.

C’est un véritable ultimatum qu’ont lancé les manifestants en réclamant le départ immédiat du président Morsi. «Nous donnons à Mohamed Morsi jusqu’à mardi 2 juillet à 17 h 00 h, 15h 00 GMT, pour quitter le pouvoir et permettre aux institutions étatiques de préparer une élection présidentielle anticipée, affirma un communiqué de Tamarrod publié sur son site internet». En cas de refus, mardi 17h 00 sera le début d’une campagne de désobéissance civile totale.

Le mouvement Tamarrod, qui signifie rébellion, fut fondé par Mohamed Heikal ancien rédacteur en chef au Caire du journal Al-Ahram, il rassembla plus de 22 millions de signatures exigeant ainsi, à l’appui de cette pétition, le départ du président Morsi. Ce mouvement est composé par un groupe d’activistes politiques qui ne cessèrent de militer avant et après la révolution, il est non partisan, apolitique et pacifique. Dans son communiqué, Tamarrod appela l’armée, la police et l’appareil judiciaire à «clairement se positionner du côté de la volonté populaire représentée par les foules» de manifestants. Le discours fut ferme, «impossible d’accepter les demi-mesures. Il n’y a pas d’autre alternative que la fin pacifique du pouvoir des Frères musulmans et de leur représentant, Mohamed Morsi».

C’est donc une deuxième révolution, et Tahrir en est le symbole, affirmait un manifestant de Damiette, nord, venu participer aux rassemblements dans la capitale. Des manifestations anti-Morsi eurent lieu à Alexandrie, nord, deuxième ville du pays, à Menouf et Mahallah, dans le delta du Nil, ainsi qu’à Port-Saïd et Suez, sur le canal du même nom, ou encore dans la ville natale de M. Morsi, Zagazig, au nord-est du Caire.

Il est reproché à Morsi de n’avoir apporté aucune réponse face à la crise économique, d’autant que lui-même, est raillé, moqué. C’est ainsi qu’il a fédéré ce large mouvement d’opposition, le mouvement Tamarrod est soutenu par de nombreuses personnalités et des mouvements de l’opposition laïque, libérale ou de gauche comme le Front de Salut National.

Dans ce pays c’est l’armée qui tient le pouvoir, et son rôle est toujours obscur, ne sachant jamais pour qui elle roule, mais cette fois-si elle choisit la voie de la sagesse s’interposant entre les deux tendances. Dans cette épreuve, elle surveille les sites stratégiques notamment le canal de Suez. Le lundi, 1er juillet le siège des Frères musulmans fut saccagé. Situé dans le quartier du Moqqatam, dans l’est du Caire, il fut envahi par des assaillants qui jetèrent des objets par les fenêtres, tandis que d’autres emportaient des meubles. Aucun membre de la confrérie ne se trouvait à l’intérieur du bâtiment, qui avait été évacué dans la nuit. Le correspondant du New York Times sur place a pris une photo du bâtiment après les attaques,

Les Frères musulmans déclarèrent qu’ils ne toléreraient plus les attaques contre les institutions.

L’Égypte vit donc des heures difficiles, tout est à recommencer pour son avenir, c’est le pays le plus peuplé du Moyen-Orient avec plus de 80 millions d’habitants. Ce qui s’y passe ne peut laisser indifférent si c’est la fin du pouvoir islamique. Cette région avec la Libye, Israël, le Liban, et les groupes armés du Hezbollah qui interviennent en Syrie sans oublier les Palestiniens, sous la surveillance des chiites iraniens n’est pas prête de trouver son équilibre. Le président Hosni Moubarak savait très bien qu’il fallait, comme pour la Libye avec Kadhafi, maintenir le pays d’une main de fer. Le problème est que ces pays n’évoluèrent pas, c’était donc retarder leur émancipation vers plus de libertés mais aussi plus de troubles. Ce qui se passa ces quelques jours fut proche de la guerre civile entre deux idéologies de gouvernance.

L’échec économique précipita cette révolte qui en fit une revanche. En fait les égyptiens crurent que le changement de président pouvait s’accompagner d’un meilleur social, ce fut leur erreur après avoir chambardé les institutions. Pour la plupart des égyptiens c’est de vivre qu’il s’agit, mais comment organiser un programme économique dans un pays en complète évolution. Il faut avant tout que les égyptiens apprennent à vivre d’une autre façon et qu’ils aient la patience de s’organiser pour que leur pays retrouve un chemin de croissance. Mais cela ne peut se faire sans démocratie et le président Morsi pendant son année de règne n’a pas su s’imposer, paraissant hésitant, et ne voulant gouverner qu’avec ses amis.

Ainsi s’est coalisé un vaste mouvement d’opposition, qui regroupa l’essentiel du camp laïque, plus quelques revanchards de l’ancien régime, et qui peut capitaliser sur le désespoir d’une bonne partie des égyptiens. A coups de pétitions signées par des millions d’électeurs. c’est donc un mouvement très hynomogène qui lui, pas plus qu’un autre, ne pourra résoudre les difficiles problèmes de ce pays.

Selon l’agence officielle égyptienne MENA, plusieurs ministres se réunirent pour étudier la possibilité d’une démission collective et leur ralliement au mouvement de protestation. Des sources gouvernementales citées par l’AFP et Reuters avancèrent que quatre d’entre eux ont d’ores et déjà présenté leur démission au premier ministre, Hicham Qandil, les ministres du tourisme, de l’environnement, des communications, et des affaires juridiques et parlementaires. D’autres ministres suivirent pour sauver leur tête.

L’armée reste le rempart à toutes dérivent, c’est d’elle que peut s’établir un régime démocratique laïque. Dans ce contexte, elle donna 48 heures aux politiciens pour s’entendre.

Dans une déclaration lue à la télévision, le général Abdel Fatah al Sisi, nommé à son poste par Mohamed Morsi, ne demanda pas explicitement le départ de Morsi. L’armée, qui géra la transition entre la chute d’Hosni Moubarak en février 2011 et l’élection de Mohamed Morsi l’été dernier, ne s’impliquera pas directement en politique ou au gouvernement, a-t-il ajouté. Mais elle supervisera la mise en œuvre de la feuille de route avec la participation de toutes les tendances et partis nationaux, dont la jeunesse révolutionnaire.

C’est cette feuille de route qui vient de s’appliquer.

Pour Morsi, la déclaration ne fut pas soumise à la présidence avant la diffusion, elle contiendrait des signes pouvant causer la confusion. Morsi rejeta donc l’ultimatum implicite de l’armée qui demandait de satisfaire les demandes du peuple, faute de quoi la feuille de route s’imposerait, voir l‘armée adresse un ultimatum aux forces politiques et dément préparer un coup d’État.

Il est évident que Morsi se targue d’avoir été élu démocratiquement, mais les manifestants lui reprochent de n’avoir jamais tenu ses engagements, et pour beaucoup, cela le remet en cause.

Le communiqué de la présidence affirma que «l’Égypte ne permettra absolument aucun retour en arrière quelles que soient les circonstances». Le Parti pour la liberté et la justice, aile politique des Frères musulmans, dont M. Morsi est membre, fut beaucoup plus direct, et demanda aux Égyptiens de «se rassembler pour défendre l’ordre constitutionnel et pour exprimer leur refus de tout coup d’État».

Dans ce contexte l’opposition désirant mettre en œuvre une transition politique choisit Mohamed ElBaradei, l’ancien directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique, pour la représenter.

Le 3 juillet des blindés et des hommes de troupe occupèrent le palais ou se trouve le président Morsi, pour l’empêcher de s’enfuir ainsi que ses principaux collaborateurs, mais aussi d’empêcher ses partisans de l’investir. Morsi destitué, la Constitution est suspendue jusqu’à de nouvelles élections annonça chef le général Abdel Fattah Al-Sissi, dans une allocution télévisée. De même, «un gouvernement regroupant toutes les forces nationales et doté des pleins pouvoirs sera chargé de gérer la période actuelle», indiqua le général Sissi. L’ancien président Morsi est maintenu au ministère de la défense.