Pour véhiculer, préserver et commercialiser les vins, y compris les plus fins, des vignerons, œnologues et amateurs avertis préconisent la capsule métallique vissée. D’autres, pour les vins de moyenne garde, se prononcent pour les bouchons synthétiques. Bref, le liège est pris en tenaille, sauf pour les grands vins de longue garde… Une société du Portugal, l’un des principaux fournisseurs mondiaux de liège, a trouvé une solution originale : le flacon et le bouchon à pas de vis. Avantage : ouverture aisée, plus besoin de reboucheur-stoppeur (pour préserver le reste du contenu). Désavantage : sans doute un prix plus élevé, si cette solution ne se généralise pas assez vite.
C’était tout bête, mais il ne suffisait pas d’y penser, il fallait vraiment mettre au point…
Un bouchon, de liège, genre bouchon de champagne (ou plutôt de Porto), mais permettant de déboucher (en vissant) et reboucher (en revissant). Ce qui implique de presser le bouchon pour en former le pas « femelle » ou d’écrou (pas trop compliqué) et de trouver des verriers fournissant des « cols » (parfois synonyme de flacon ou bouteille) moulés comportant le pas correspondant.
Amorin, ou Corticeira Amorin, société portugaise, s’est alliée avec une verrière nord-américaine pour mettre au point et populariser le concept.
Celui du bouchon de liège Helix, qui bouche, débouche aisément, par torsion, et rebouche tout aussi facilement pour un utilisation ultérieure.
Les limitations sont connues. Le liège, de piètre qualité, peut mal réagir au contact du vin, et entraîner des pertes dues au « goût de bouchon ». Un bouchon de liège droit, peu compressé, ne convient pas aux divers mousseux et effervescents, même muni d’un mantelet : il ne serait pas assez hermétique. S’il s’agissait d’un modèle pouvant servir à reboucher aisément, il résisterait encore moins à la pression des gaz. De même, un tel bouchon à vis ne serait sans doute pas assez hermétique pour préserver les vins de longue garde, pour lesquels le bouchon synthétique est déconseillé (il est, lui, trop hermétique… empêchant le vieillissement… mais, à terme, il peut perdre de son étanchéité).
C’est donc à des vins qui se boivent frais, comme certains blancs, hors effervescents (à la rigueur, du lambrusco, avec un mantelet) ou des rouges à consommer dans les deux-quatre ans, que ce bouchon Helix se destine.
L’idée est de ranger (partiellement) le tire-bouchon et le bouchon reboucheur (ou taquet de bouteille) au rencart. La partie émergée du bouchon, aplatie, se saisit bien, mieux qu’une capsule de bière dévissable. Et entre deux utilisations (par exemple lors d’un pique-nique), la bouteille peut sans risque retrouver sa place dans la glacière ou le réfrigérateur, un seau à glace, sans avoir à trop peu ou trop forcer un rebouchage (pas toujours évident, que le bouchon soit en liège ou synthétique).
Le partenaire nord-américain, Owens-Illinois (le verrier O-I), représenté en Europe (et implanté à Vayres, dans le bordelais), considère que cette solution peut complaire tant aux producteurs de certains vins qu’aux consommateurs et à l’industrie verrière. Vers la fin 2014, l’emploi du système Helix devrait être généralisé.
Helix se destine aux vins de qualité à consommer sous quelques années, dans une gamme de prix se situant actuellement en Europe entre quatre-cinq et dix-douze euros.
Carlos Jesus, d’Amorim, compare l’Helix à l’œuf de Christophe Colomb… Une solution très simple. À cela près que sa mise en application a exigé une sérieuse mise au point… De quatre ans… Le fin du fin : le bruit caractéristique (« pop », en anglais) entendu au débouchage traditionnel, resterait perçu.
Pour en savoir davantage, un site helixconcept (.com) sera ouvert ce jour (à présent, selon le compte à rebours, dans un peu plus d’une heure), à l’occasion du salon Vinexpo, à Bordeaux.
Des tests consommateurs ont été lancés en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Chine, prouvant que la réception est bonne. Selon ses concepteurs, le système permet de conserver sans altération les vins pendant 26 mois. Soumis à des conditions peu recommandées (un mois à la température élevée, pour un vin, de 35°, en stockage horizontal), le vin bouché avec Helix se comporte très bien.
Cela étant, la capsule métallique, de type Stelvin, ou autre (plastique) n’a pas dit son dernier mot. Un brevet français de « récipient avec capuchon à vis » (pas de vis extérieur, capuchon avec filetage intérieur et pièce cylindrique d’étanchéité) a été déposé en 1978. Il pourrait peut-être s’appliquer aux vins.
En Australie, comme au Japon, il est de plus en plus envisagé d’étendre la commercialisation de canettes de vins, s’ouvrant plus ou moins comme des canettes de bière ou de sodas.
Bouteilles et bouchons Helix sont bien sûr recyclables (et on peut évidemment remplir avec d’autres liquides que du vin). Pour les amateurs mettent eux-mêmes en bouteilles le vin acheté en vrac (ou tonneau), selon la nature du vin, la préservation espérées, c’est peut-être même une aubaine (les boucheuses sur trépied ou à main à levier sont fastidieuses à employer).
Bien évidemment, pour les producteurs, des solutions sont prévues pour adapter les dispositifs plus ou moins mécanisés.
Le « spiral wine cork stopper » s’annonce prometteur. D’autant que, si la capsule dévissable est vantée par des connaisseurs, certaines régions d’appellation contrôlée la bannissent d’emblée (question d’image plus que de technique ou de qualité de la préservation). Et puis, le vin s’accompagne de l’idée de terroir, de rites.
L’autre segment de marché, pour les deux sociétés associées, s’étend au-delà du secteur des vins ou spiritueux, à ceux de produits alimentaires divers gagnant à être présentés en flacon de verre, car le bouchon de liège à ouverture et fermeture faciles peut représenter un élément de prestige.
Il n’empêche : la concurrence est rude. Côté flacon, le plastique gagne du terrain, y compris pour les vins de qualité (soit non seulement pour les packs de petites bouteilles de vin de cuisine). Côté bouchon, pour des vins se voulant de prestige, à offrir par exemple, le bouchon en verre, genre bouchon de carafe, mord un peu déjà sur le liège. Alcoa, avec Vino-lok (ou Vino-seal), proposait des bouchons type carafe assortis d’une rondelle en PVC ou silicone pour l’étanchéité : ils sont devenus CSI (Closure systems international). Des lignes d’embouteillage existantes peuvent être adaptées.
Un capuchon amovible en aluminium reçoit la « capsule congé » (française, réglementée, servant aussi au fisc pour la taxation). Là encore, débouchage et rebouchage sont très aisés.
Ce type de bouchon en verre, testé en Californie, en 2003, a conquis des parts de marché en Europe centrale (Allemagne, Autriche, pays de l’est européen). En France, le domaine Lafage, d’Éliane et Jean-Marc Lafage, du Roussillon (Perpignan, Pyrénées orientales), l’a déjà adopté pour ses rosés et muscats 2012. Là encore, en dépit d’un embouteillage automatique, le prix est grevé (50 centimes pièce, contre de 10 à 20 pour le liège, selon qualité).
Ce type de produit en verre s’adapte à tous les liquides non gazeux (dont les huiles et vinaigres). Ces bouchons en verre, hermétiques, permettraient toutefois l’évolution du vin en cave.
En Bourgogne, Vincent Fournier avait tenté la capsule à vis, mais cela avait dévalorisé l’image de ses crus. Il importe des bouchons en verre de Tchéquie mais veille à la qualité de ses flacons car le goulot doit être évidemment irréprochable. S’il présente un défaut, le débouchage sera peut-être catilleux, comme le rebouchage. Le calibrage doit donc être très soigné.
Alors, liège, verre ou synthétique ? Diverses considérations sont à prendre en compte. Pour un bon rouge (voire un mauvais), les vingt premiers mois de vieillissement sont négligeables. Pas de variation de goût ou de couleur (robe). Amorim a financé l’étude d’un œnologue bordelais, Paolo Lopes, qui a conclu (peut-être légèrement, ou non, influencé par son commanditaire, allez savoir…) que le bouchon synthétique était plus perméable à l’oxygène que celui en liège, surtout aggloméré. En stockage horizontal, à 20° sur 24 mois, seul le bouchage verre s’est révélé totalement étanche.
Le riesling Zellberg, du domaine alsacien Julien Meyer, est aussi ainsi commercialisé, et la tendance s’étend.
Voici quelques années, un éditeur de presse avait lancé un magazine à destination des collectionneurs de tire-bouchons (le premier de la série s’est révélé fragile à l’usage). Elle ne comportait évidemment pas le tire-bouchon à champagnes ou effervescents présenté par Jacques Pitoux et Pierrick Duret au concours Lépine 2013. Il s’agit d’un modèle à crémaillère (parfois très mal adapté aux bouchons synthétiques, qui s’enfoncent ou résistent, même si la mèche est en Téflon). Couteau-sommelier, limonadier, et autres tire-bouchons simple ou à système, à pompe à vide, résisteront sans doute à l’arrivée de la capsule à vis, du verre ou du bouchon liège à pas de vis.
Selon l’usage que vous ferez d’un vin tranquille, chaque type de bouchon a sa chance. Cependant, le liège peut conserver sa primauté : une société française, Oeneo, a mis au point un procédé de purification du liège. Les lièges Diam, d’Oeneo, assurent l’absence de goût de bouchon. Les lièges Diam peuvent être aussi adaptés aux effervescents, et présenter divers degrés de « mémoire mécanique ».
Quoi qu’il en soit, en matière de vin, soyez-en sûr, on continuera à « pousser » un peu plus loin le bouchon.