Tiens-tiens, tout le site de la société Spanghero à Castelnaudary, où s’étalaient des slogans vantant bon les produits du terroir, la qualité des viandes préparées, &c., a fait place à un communiqué d’une agence de communication, département gestion de crise. Tiens-tiens, dans un très récent article, signé Louis Morice, Le Nouvel Observateur vante la réactivité par le passé de Spanghero en matière sanitaire… en oubliant de signaler que, depuis 2008, Arcadie Sud-Ouest, actionnaire principal, reste mis en examen dans une affaire de corned beef avarié dont l’instruction, dure, dure, dure… 

Nous n’allons pas résumer l’ensemble de nos articles sur la question de la viande de cheval vendue pour de la viande de bœuf, et question enquête, dans deux heures, toute la presse reprendra la bonne parole interministérielle sur la question (voir plus bas l’actualisation).

Rappelons simplement deux faits. C’est un trader néerlandais, avec un actionnariat dans un paradis fiscal et un relais à Chypre (le premier pôle bancaire « russe » après sans doute Moscou) qui a facturé clairement de la viande de cheval à la filiale d’Arcadie Sud-Ouest et du groupe Lur Berri, Spanghero.

Un fac-similé a été reproduit par Le Parisien. Un faux ? Automatiquement puisque l’agence  et son département gestion de crise, affirme depuis Paris que son client ne traite absolument pas de la viande de cheval.
Mieux, alors qu’un patron de Spanghero déclarait à la presse qu’il ne pouvait avoir fait procéder à des contrôles sanitaires, car cela revenait à rompre la chaîne du froid, et qu’on s’était contenté de revendre en l’état du minerai de bœuf étiqueté tel, voici que l’agence fait savoir que son client, « dans le cadre de son plan d’autocontrôle systématique, Spanghero a procédé à des analyses bactérioliogiques (…) conformes à la réglementation sanitaire. ».
Ce qui veut dire quoi au juste ? Qu’il est généralement procédé à des contrôles, sur les lots incriminés ou sur d’autres, et que tant que la viande, qu’elle soit de kangourou, de minet, chiot, rat, de n’importe quoi, du moment qu’elle est estimée consommable, tout va bien ?
En tout cas, il ne s’agit pas de contrôle d’ADN puisque la réglementation européenne ne l’impose pas.

Et voilà, cela se conclut par une plainte contre x pour tromperie et une mise en garde : la société dénonce les mises en cause dont elle fait l’objet « et examine les suites judiciaires à y apporter », un très, très grand classique.

Derrière cela, pour ne prendre qu’un exemple, suit un article du Nouvel Obs’ avec cette précision : « Par le passé, Spanghero a su se montrer réactive sur les questions de sécurité alimentaire. En juin 2011, à la suite d’un autocontrôle, elle a ainsi retiré de la vente un lot de viande hachée pour une suspicion de contamination à l’E. Coli. Fausse alerte, mais bons réflexes. ».

Certes, certes. Mais c’était du temps de qui ? Des frères Spanghero, qui ont tout revendu en 2009 ou quand au juste ?

La mémoire flanche

Très rares ont été les titres de presse qui se sont étendus sur l’affaire choletaise Colvi, entreprise cliente d’Arcadie Sud-Ouest. Cela remonte à 2006-2007, Arcadie Sud-Ouest et Défial, sociétés liées à Lur Berri, et d’autres, se retrouvaient mises en examen (voir « Findus, Picard, &c. : la chaîne du froid rompue ou non, et où ? »).

On avait pris son temps, c’était en 2008, on le prend encore, l’instruction n’est pas terminée en 2013 et la juge du pôle sanitaire, sur cette affaire et d’autres, a fait état de pressions.

Décidément, certains confrères ont la mémoire très sélective, notamment quand des professionnels de la com’ de crise (qui ont d’autres clients que celui sur la sellette ; parfois de gros annonceurs) commencent à s’en mêler.
Bien sûr, Spanghero par elle-même, en 2008, n’était absolument pas impliquée dans l’affaire de Colvi à Cholet.
Mais ses principaux actionnaires actuels, si.  Dont, nominativement, Barthélémy Aguerre, conseiller général Modem et suppléant du député Jean Lasalle, qui au moment de l’affaire Colvi déclarait : « avec notre travail de traçabilité, nous sommes à peu près sûrs que ce ne sont pas nos lots qui sont responsables ».

Toute coïncidence avec des faits récents serait bien sûr nulle et non avenue. On notera que le département gestion de crise de l’agence n’a pas encore référencé Spanghero sur son site et que son communiqué n’est signé que d’un « contact presse », à savoir Jeremy Seeman.

Virer tout le contenu du site Spanghero au profit d’une page affichant le communiqué est bienvenu. Plus de trace de la « hype » sur la qualité totalement sans reproche, sur les analyses fréquentes, les références au terroir, &c. ; plus de trace non plus des conditions générales affirmant que la société ne pouvait être tenue à l’exhaustivité de ses informations révisables à tout moment. Mais cela avait laissé des traces, écrites, avec des citations dans les journaux et sur des sites.

La presse est gentiment priée d’avoir la mémoire courte.

On retrouve des poids ultra-lourds dans le portefeuille de l’agence : Edf, Guerlain, Vinci, Bouygues, Orange, Roche et Institut Pasteur (tiens, coucou l’affaire de la maladie de la vache folle… et le choix de tests de détection moins performants que les suisses…).

Crise de confiance

En fait, selon deux sondages commentés par L’Usine nouvelle, c’est toute la filière agroalimentaire qui se trouve désormais encore davantage suspectée par une majorité de sondés.
Bref, si Spanghero est mise vraiment cause, cela rejaillit sur tout le monde.

Tandis que s’il ne s’agit que d’un trader ou d’un autre, comme dans les cas de la Société générale et des Caisses d’épargne, tout le secteur bancaire est censé en ressortir blanc comme neige. Là encore, toute coïncidence serait nulle et non avenue.

Cela va loin, questions implications dérivées. Voilà le groupe socialiste de la région francilienne qui rappelle que « seul 0,25 % des 2 400 tonnes de viande de bœuf produites chaque année en Île-de-France est consommé dans notre région ». Une région exportatrice de viandes ? C’est un peu toute la question sous-jacente.

Le Financial Times a fouillé les archives du tribunal de Breda aux Pays-Bas a retrouvé des documents relatifs au trader Draap Trading, avec le nom du client français masqué pour une livraison de viandes de bœufs allemands donnant des morceaux halal. Le directeur de Draap avait été condamné pour tromperie (le bœuf étant du cheval sud-américain) en janvier 2012. Là aussi, grande clémence de la justice néerlandaise : du sursis seulement… Était-ce bien le seul directeur, Jan Fasen, qui se retrouvait ainsi admonesté où avait-on cherché à creuser plus loin et plus profond ? 

Spanghero n’était pas la seule destinataire de la viande de cheval de la maison néerlando-chypriote, il y avait aussi des sociétés locales et belges. À Chypre, l’opacité est totale quand aux identités d’investisseurs, et pour la nébuleuse Draap, on n’en saura sans doute pas davantage.

Findus devanceur-devancé

Maintenant, Findus se vante d’avoir « pris l’initiative de réaliser des tests inopinés sur ses plats cuisinés. ». On oublie un peu qu’avant l’histoire du circuit Spanghero-Comigel, il y avait eu des fuites depuis l’Irlande où l’autorité de sécurité alimentaire avait lâché le morceau.  Bref, pour Dom Bochel Guégan, du Plus (Nouvel Observateur), à présent, on devrait dire « Merci, Merci Findus ! ».

Il ne faut pas en rester là : merci la Comigel, merci Spanghero, merci Lur Berri, merci Arcadie Sud-Ouest, merci, merci, merci…

Pourtant, Benoît Hamon estime que la Comigel « aurait dû relever les anomalies d’étiquetage ainsi que des anomalies de couleur et d’odeur de la viande ». La chaîne du froid aurait-elle été rompue&nbsp? Parce que, franchement, pour des pains de minerai de 10 kilos, surgelés, n’importe quel « nez » ne resterait pas longtemps dans une telle entreprise : l’industrie cosmétique se l’arracherait à prix d’or.

Benoît Hamon se croit-il au-dessus des menaces de Spanghero (voire plus haut à propos des suites judiciaires envisagées par la société) ? Il a platement déclaré que « Spanghero savait qu’il étiquetait “bœuf” de la viande chevaline ». Ah bon, mais, c’est qui, au juste, à présent, Spanghero, puisqu’il ne s’agit plus des deux frères rugbymen, mais d’un groupe tentaculaire ? Bref, l’essentiel est déjà de dédouaner les abattoirs roumains…

Benoît Hamon indique que « le prix » aurait dû « interpeller » Spanghero. Eh bien, dans ce cas, le responsable achats de Spanghero ne s’est-il pas empressé de faire remonter l’information, pour se signaler à l’attention du groupe ?

Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, envisage, envisage seulement, de suspendre l’agrément sanitaire de la seule société Spanghero. Comme si elle était totalement autonome. Comme si aucun objectif de lui avait été fixée. Le retrait pourrait être immédiat, mais on laisse un sursis d’une semaine pour voir si le retrait d’agrément sera définitif.

Aubaine chypriote

On attend la réaction de l’agence avec impatience. Elle rétorquera sans doute que les étiquettes étaient libellées « BF 90/10 » (viande de bœuf avec 10 % environ de matière grasse), mais qu’elle ne s’est pas aperçue que les factures portaient un numéro à huit chiffres insolite (il semble qu’il désignait de la viande de cheval, mais, évidemment, si Spanghero ne traitait jamais de cheval, personne n’a pu l’interpréter). Cela doit carburer à plein dans cette agence et la machine à café doit être constamment sous pression. Car Benoît Hamon a rappelé que « la présence d’un code douanier sur la facture et la lettre de voiture attestaient qu’il s’agissait de viande de cheval ». Le temps qu’on puisse s’en inquiéter, tout était déjà reparti en direction de la Comigel à Luxembourg, sommes-nous priés de croire.
Une chose qui reste à déterminer, c’est donc la compétence des employés de Spanghero à lire une facture et une lettre de voiture. Dans l’affaire choletaise Colvi, les sociétés propriétaires (depuis) de Spanghero n’avaient pas non plus totalement exclu une sorte de maladresse. Certes, mais acquérir « bien en-deçà des prix du marché », c’est seulement un effet d’aubaine exceptionnelle.
La direction de Spanghero affirme à présent que le numéro de code à huit chiffres présent sur les factures, soit 02050089, aurait dû être précédé de la mention « nomenclature : ». Fort bien, et l’absence de cette mention n’a pas du tout inquiété ? 

Une chose que l’on apprend de la bouche d’un ministre, c’est que Findus (merci, merci, naturellement) et tant d’autres (dont Picard) laissaient le soin à la Comigel de décongeler des pains de minerai de viandes diverses pour faire des préparations, puis qu’il était procédé à recongélation.

L’Ania (Association nationale de l’industrie alimentaire) a confirmé qu’il y a bien eu tromperie sur la marchandise. « L’ensemble de la filière est donc victime d’une fraude sans précédent et doit désormais tout mettre en œuvre pour que cela ne se reproduise plus ». Fraude sans précédent en vertu de quoi ? De sa seule ampleur ? Elle pâlit en comparaison d’un scandale similaire au Royaume-Uni en… 1948. Mais c’est toujours « sans précédent ».

Cette fraude portait sur 750 tonnes de viande de cheval (dont 550 livrées à la Comigel, et rien que 200 on ne sait trop où ; aucun destinataire connu ou… trop connu ?) et les faits auraient répétés sur plusieurs mois. Mais il y aura-t-il délit (et sanction maximale, soit deux ans de prison pour un lampiste) ?

Le scandale s’étend désormais mondialement : la CBS a découvert des ventes aux enchères de chevaux pour l’abattage (interdit, comme l’export hors de cet État) en Californie. Certains chevaux pouvaient finir en Europe. Tout se fait sous le manteau. Les chevaux sont censés être exportés vivants vers d’autres pays. Dans des bateaux surchauffés. On ne sait trop dans quel état ils parviennent. 

Au Pays de Galles et dans le Yorkshire, les inspecteurs trouvent bien des documents dans les abattoirs perquisitionnés mais ils sont « difficiles à interpréter » et la destination des viandes ne peut être correctement tracée, rapporte la BBC. Peut-on avancer que ces documents avaient été conçus pour être difficilement interprétables ?

Bref, il y a des questions qui méritent plus que d’autres d’être posées, et reformulées encore et encore si les interlocuteurs, épaulés par des communicants, semblent ne pas devoir les comprendre ou répondent à côté. Sinon, le public n’aura droit qu’à des éléments de langage congelés… Bah, comme cette affaire l’a démontrée, on peut tout lui faire avaler !

Ah, au fait, au Pays de Galles, où deux dirigeants de l’abattoir des Raw-Rees ont été arrêtés par la police dont Dafydd Raw-Dees, la famille menait grand train : yacht, shopping spree dans les Émirats, galas de charité, Farmbox Meats rapportait gros. Dans le Yorkshire, un autre responsable d’abattoir a été aussi arrêté. La BBC révèle que 7 000 documents relatifs à des chevaux avaient été émis (soit partie des « horses passports », émis par près de 80 associations) étaient plus que douteux. Une société a été radiée en 2008. Ces « passeports » sont aisément falsifiables. C’est fai- pour ? Calculé pour ? Il y avait 64 000 de ces documents en circulation en 2011. Ils doivent mentionner les traitements vétérinaires… mais sont très aisément falsifiables.

Traçabilité… des propos

Attendez-vous à savoir qu’au final, la Spanghero poursuivra ses activités. Le maire de Castelnaudary est déjà intervenu auprès des ministres pour limiter la casse de l’emploi. Mais, enfin, faire reprendre la Spanghero et le personnel par d’autres, présentant de réelles garanties, est-il totalement inenvisageable.
Le président de la Spanghero (et vice-président de Lur Berri, d’Arcadie Sud-Ouest, de la nébuleuse), dit à présent : « Le ministre Benoît Hamon a été très léger et s’est montré extrêmement imprudent en procédant à ces annonces (…) Il met en danger 300 personnes qui travaillent chez Spanghero sans aucune preuve. ».

Le plus drôle, c’est que Barthélémy Aguerre qui assurait ne pouvoir faire aucun contrôle pour ne pas briser la chaîne du froid dit à présent au Monde et à d’autres qu’il savait « depuis qu’on a eu le problème, on a analysé des pains de viande, et on a trouvé dans certains du bœuf et du cheval mélangé ». Tiens, on rompt la chaîne du froid à présent ?
Bon, tâchons de comprendre. Un lot de plus de 700 tonnes est livré à la Comigel, pur cheval, ou alors on nous aurait raconté n’importe quoi.
Mais il reste des lots chez Spanghero et cette fois, le minerai contient viandes chevalines et bovines mélangées (dans quelles proportions : genre dix grammes de grive et quatre-vingt-dix de merle, par exemple, Barthélémy Aguerre ne l’explicite pas…). « La magouille vient d’ailleurs », poursuit-il. Certes, on veut bien l’admettre. Mais quand on achète à moitié prix, on ne s’inquiète pas, on ne cherche pas à voir, y compris chez l’expéditeur ? Il passe où ses vacances, B. Aguerre ? Il a peur de prendre l’avion ? Ah, selon B. Aguerre, les palettes auraient payées « au prix de la viande de bœuf », mais il n’indique pas le prix du marché voici six mois et le prix acquitté.

Bouché plus que boucher

Au fait, en matière douanière, les quatre premiers numéros pour le bœuf, c’est 0201 ou 0202. On trouve un « code produit » en 0205····, et cela passe inaperçu, cela n’évoque absolument pas un code douanier ? On n’est plus boucher, à la Spanghero, on est bouché. Bizarre quand même, un code produit à huit chiffres comme un code douanier et la mention « nomenclature » n’apparaissant nulle part…

Les étiquettes auraient été « reçues ». Ah bon, c’est une erreur de l’imprimeur qui livre des étiquettes avec du « transformé en France » alors qu’il n’y a aucune intervention et juste du transit. Des explications sur le circuit de ces étiquettes ? Aucune… pour le moment.

Et puis, au départ, selon Aguerre, il s’agissait de pains de dix kilos en palettes de 88 (si je me souviens bien). On peut parfaitement tracer ses déclarations antérieures dans la presse. On l’aurait mal compris ? Les journalistes auraient mal relu leurs notes ?

L’agence française parle de réception pendant six mois de pains de 25 kilos représentant 750 tonnes de minerai de cheval. La Comigel en aurait reçu 550 avec la mention « UE » pour le bœuf, mais munies d’un code douanier pour le cheval. Au fait, elle a payé le prix fort avec une réduction de combien, la Comigel ? Elle non plus ne s’intéresse pas aux codes des douanes ?

En Norvège, la viande de cheval se retrouvait dans des lasagnes, au Danemark dans des pizzas, comme en Autriche. Un abattoir du Jutland mélangeait déchets de viandes chevalines, bovines (et peut-être porcines aussi ?).

Au fait, les produits ont été retirés des rayons. Va-t-on les revendre sous d’autres étiquettes ?

Le plus drôle, c’est que Bruno Le Maire, l’ancien ministre de l’Agriculture qui a diminué drastiquement les contrôles vétérinaires (696 emplois supprimés depuis 2007 et l’instauration de la Sarkozye avec Le Maire, selon Le Canard enchaîné) dit à présent que le gouvernement a traîné la jambe pour contrôler et sévir. La mairie de Castelnaudary étant PS, il est possible que Le Maire ait fait vite quand il était aux manettes…
Mais s’il s’agissait d’une ville tenue par l’UMP ?

Qui était le président de Lur Berri ? Jean-Jacques Lasserre (UDI à présent), sénateur. Maintenant il déclare aux Échos « c’est un système complètement fou (…) il y a longtemps qu’on aurait dû dire non ». Du temps de son copain Bruno Le Maire ? Que ne l’a-t-il donc fait !

Alors maintenant, c’est le gouvernement qui condamne à mort 300 salariés et leurs familles et aucunement les méthodes de Lur Berri ? Quel bel « élément de langage ». Aussi clair que dans l’affaire du sang contaminé : on n’allait pas faire baisser les profits des dirigeants de certaines entreprises, cela aurait menacé l’emploi.

Communication en coulisses

Sur le site a-la-table-de-sanghero (.fr), figure toujours uniquement le communiqué daté du 11 février dernier. Eh, il faudrait actualiser avec la compil évolutive des déclarations de B. Aguerre.

« Je ne me sens pas responsable, je n’ai pas à m’excuser parce que j’ai été trompé » tel un vulgaire dirigeant de grande banque par un trader indélicat ou dépourvu de consignes, s’est exclamé Barthélémy Aguerre. Traduisons en clair : « je suis un irresponsable, n’importe qui peut me gruger, mais le coupable va lourdement payer ». Le pire, cette déclaration : « J’ai consulté des collègues qui travaillent dans l’import-export de viande et personne ne savait que ce code servait à identifier de la viande de cheval. ».

Imaginez la scène : on se rend dans un grand hôtel de l’île Maurice, entre collègues, et le code apparaît sur la présentation PowerPoint. La gentille animatrice à l’assistance, composée de dirigeants de l’agroalimentaire secteur viandes : « Qui pourrait me dire ce qu’est ce chiffre ? ».
Silence total dans la salle, Tout le monde sort son portable pour voir à qui correspond ce numéro de téléphone (02, c’est  un indicatif de l’Ouest, en France). De qui se moque-t-on ? 

02 05 00 80 : « le numéro composé est incomplet ». Avec deux zéros de plus, le numéro n’est pas attribué. On n’a pas non plus les numéros de téléphones des acheteurs de 200 tonnes de viande de cheval restantes. Tiens, pourquoi donc ? Chez Spanghero, on ne note pas les numéros de téléphone des clients ? Allez, au moins un ou deux noms ? Je ne sais pas, au hasard, Labeyrie, par exemple ?

Au fait, la viande de cheval boucanée, on connait. La viande de cheval fumée, pas trop. Mais l’enfumage, là, vraiment, on a donné, et on en a bouffé. À l’Aguerre comme à la guerre, quand même, enfin, un peu, ou pas du tout ?

Au fait, tous ces gens sont UDF ou Modem bon teint, et pyrénéens. Qui est le centriste passionné par les chevaux ? François Bayrou. Propriétaire de pouliches, &c. Il ne posséderait plus que des parts de la jument Zangra. Mais auparavant ? Il conserve ses couleurs (toque noire, casaque orange). Et que faisait-il donc de ses chevaux ? Pour une fois que la presse a un expert médiatique, elle ne l’interroge pas. Un oubli ?

Il a pourtant déploré, sur le site du Mouvement démocrate, le circuit : « on va alimenter les chaines de production françaises et d’Europe de l’Ouest, en allant chercher du côté de pays où la main d’œuvre est moins chère et peut-être les autorités moins regardantes. Il y a donc les questions de cette escroquerie, des cadeaux de cette escroquerie, de la traçabilité et de la loi du produit toujours le moins cher qui fait que la qualité passe tout à fait au deuxième plan. ». Qui alimente, avec quelles pressions des lobbies auprès de la Commission européenne. Mystère béarnais.

Mystère franco-luxembourgeois

De Michel de Pracontal (Mediapart) : « Le principal actionnaire de Comigel est Céréa Gestion, filiale d’Unigrains (société financière qui est un très important investisseur dans l’agro-alimentaire). Or, Céréa Gestion et un fonds associé, Céréa Mezzanine, ont aidé Lur Berri à prendre le contrôle de Labeyrie (leader en foie gras et saumon fumé). Et Lur Berri n’est autre que le nouveau propriétaire de Spanghero. ». Selon lui, les quelque 200 tonnes restantes auraient été intégrées dans des merguez (halal ?) et des préparations cuisinées de la marque À la table de Spanghero.
Dans ce cas, eh, oh, on décongèle du minerai, on prépare la tambouille, et là non plus on ne se rend compte de rien et en bout de chaîne, on ne vérifie rien ? Et l’odeur, et la couleur ?
Et pour Labeyrie ? Comment procède-t-on ? Avec injonction de plumes d’alouettes ? Ce n’est pas un problème sanitaire, la plume d’alouette plumée… Seul le consommateur le serait alors… Labeyrie a-t-il importé des saumons infectés du Chili ? On aimerait avoir tous les éclaircissements.

Les abattoirs roumains seraient totalement hors de cause, selon Benoît Hamon. Mais leurs chevaux, selon Mediapart, auraient été vendus en-dessous du prix du marché. Pourquoi ? Peut-être parce qu’ils n’étaient pas de première qualité, même s’ils ne représentaient pas de risque sanitaire.

Bon, allez, un peu plus de subventions européennes aux plus gros abattoirs de viande de cheval, et il n’y paraîtra plus. Le Guardian rapporte que les liens entre Spanghero (et Arcadie Sud-Ouest, et Lur Berri, alors ?) et Draap Trading remontaient à près de sept-huit ans. Tout à coup, clac, le partenaire vous fait un coup dans le dos ? Qu’est-ce qu’elle en dit, la boîte de gestion de crise du groupe ? Ah, là, elle titre : « Mc Donald’s, Nutella : les marques contre-attaquent ». Fort bien pour Mc Donald’s et Nutella de se retrouver associées avec Spanghero.
« Tous les moyens – publicitaires et autres – sont bons. » D’accord, la phrase est tirée de son contexte.
Mais on retiendra : McDonald’s, Nutella, Spanghero, Lur Berri, Arcadie Sud-Ouest, même combat.

Vous savez ce qui va se passer ? Comme dans l’histoire du sang contaminé, en raison du coût des tests (400 euros pour tracer la DNA de cheval), on va – peut-être – trouver un test un peu moins fiable, qui sera favorisé : non, je ne veux pas le croire, pas cette fois. Mais rappelons quand même ce trop peu glorieux précédent, pour prendre date. N’avait-on pas offert une retraite dorée à qui voulait refuser d’importer du sang du Zaïre ?

L’accroche de cet article, c’est « Médialogie ». Voyez comme l’info est « saucissonnée » (de ch’val, chantait Boby Lapointe). Machin dit, Untel dit, et tout cela finit par s’estomper. Au Mali, un nouveau-né avait des dents, des testicules, un pénis, et deux paires des deux membres. Problème de gémellarité, de pollution industrielle ou alimentaire ? Maria Sellars, du Lancashire, voit ses jambes difformes (l’une a déjà été amputée) devenir plus longues et grosses que son torse et sa tête. Son genou fait deux fois son crâne. Rapprochements hasardeux, certes. Tout comme il est hasardeux de faire la liaison avec les déclarations de Berlusconi selon lequel les pots-de-vin sont nécessaires et qu’il faudrait cesser de se montrer moralisateur.
Tout est dans tout, et inversement. Mais pour le moment, les habitudes de la presse, la prétendue méthodologie (tu parles… juste un argument du service des ventes), visent surtout à faire en sorte de noyer le poisson (nourri aux farines animales). 

Précision de l’agence de communication

Le 15 février au soir, l’agence (gestion de crise) formulait ainsi les précisions données par son client : « nous rappelons que la présence du code douanier n’est pas usuelle sur la facture ». Tellement peu usuelle que la Répression des fraudes n’a récupéré « que » près de 1 500 factures mentionnant le fameux code 02050080 chez Spanghero. D’ailleurs, si « sa présence n’est pas obligatoire » (poursuit l’agence), pourquoi donc des fournisseurs se donnaient-ils tant la peine de rendre présent ce code sur leurs factures. Selon l’agence, « la validation de la fiche palette vaut validation de la facture ». Parfait, et c’est le seul fournisseur, si l’on comprend bien, qui valide. Un fournisseur chypriote avec antenne aux Pays-Bas (pour faire plus sérieux ?), auquel Spanghero avait recours depuis de nombreuses années. l’agence, qui s’est sans doute tournée vers la DGCCRF avant d’écrire, ajoute qu’en l’absence du terme « nomenclature », le code a été interprété telle une référence de la société chypriote. 

Ce n’est effectivement pas le terme « nomenclature » qui figure sur les factures, mais le terme de « description ». Et quand Spanghero réceptionnait des abats comestibles de diverses origines, avec le code 0206 (et chiffres suivants pour référencer l’espèce caprine, chevaline, asine ou mulassière), cette description n’avait-elle aussi nulle importance ? Jamais personne chez Spanghero ne s’est étonné que le terme « nomenclature » ne figurait pas ?

0205 couvre les espèces chevalines, asines ou mulassières uniquement (et 0020 ensuite si les viandes sont fraîches ou réfrigérées, 0080 si congelées).

Il semble que dans certains cas, les codes sur les factures réceptionnées chez Spanghero étaient fort bien interprétés, mais dans d’autres, non…  

Et puis, puisque Spanghero, dans le précédent communiqué, indique vouloir poursuivre quiconque met en cause la société, on s’attend à ce que très vite, France Info soit poursuivi. Pour la radio, les factures sont « accablantes ». 

Allez, en septembre prochain, on célèbrera la Fête de la Gastronomie. On fêtera le jambon salé du côté de Bayonne et vendu pour produit du terroir alors que les porcs proviennent de toute l’Europe, voire de plus loin. On fêtera les produits « corses » en sachant fort bien que la Corse ne peut en produire que le dixième sur place, et encore…

Comme me le disait un chef qui fut réputé, pour faire figurer de la « glace maison » sur une carte de restaurant, il suffit d’y ajouter un coulis quelconque, pas moins industriel, et d’ajouter on ne sait quel brin d’herbe. C’est tout à fait légal. N’importe quoi d’industriel vaguement saupoudré d’une épice quelconque devient une préparation « maison » : faites passer muscade… Comme au bonneteau. Les gastronomes se font tailler un short, se retrouvent « gastronomes en culottes courtes », mais comme ils en redemandent…