Si Haifaa al-Mansour avait décroché la lune, on n’en aurait pas parlé autant et pour cause elle est la première Saoudienne sous la dynastie wahabite à se lancer dans un  long métrage, "Wadjda", tourné en Arabie Saoudite, s‘il vous plaît ! « Wadjda » (Waad Mohammad), l’écolière de ce royaume conservateur à l’uniforme scolaire  noir de la tête aux pieds que nul rose, rouge, violet, orange ou autre ne vient jamais égayer. 

A l’apparence sobre vient se  greffer l’éducation avec laquelle on ne badine pas, où  Bien,  Mal et châtiment trônent parmi la foultitude des valeurs inculquées. Tous les efforts déployés par les enseignants pour baliser le cerveau de leurs élèves demeurent sans effet sur Wadjda qui se sentant brimée, aspire à plus d‘émancipation. 

En effet les adultes ne semblent pas trop l’inspirer : toujours fous amoureux l’un de l’autre, ses parents vont quand même se séparer, le père sous la pression de sa famille, contracte un second mariage avec une femme potentiellement capable de lui donner un garçon. Concernant la directrice d’école, l’antagonisme entre ses discours moralisateurs et ses pratiques « débridées », si l’on en croit les rumeurs, la décrédibilise face à cette enfant à l‘acuité exacerbée qui n‘a plus d‘yeux que pour un vélo vert mis en vente. 

Ce vélo que toute fillette n’a pas le droit d’enfourcher symbolise à la fois la  liberté, l’égalité des sexes, tous ces défis qui  feront carburer à plein régime tout au long du film, la petite Wadjda. Elle le veut et elle l‘aura même si le prix à payer est loin d‘être acquis ! Pas question de se cantonner exclusivement aux jeux de fille comme la marelle, ni d’endosser la posture de victime à la mode de sa mère ; Wadjda la malicieuse voit plus grand. 

Elle a vite compris que dans la vie, il fallait s’investir lourdement pour se donner les moyens de ses ambitions sinon s‘en prendre à soi-même avant de s’en prendre au sexe dit fort ! De ce fait elle ne recule devant rien pour assouvir son rêve et parvient à surmonter certaines de ses réticences jusqu’à participer au concours de récitation coranique…

Un film sympathique qui brosse en somme une société conservatrice à travers, la vie quotidienne d‘une famille « normale » qui n’a rien des richissimes Saoudiens,  les pérégrinations de Wadjda entre les rues de Ryad, la maison, l‘école. S’inspirant peut-être du film, « le miroir » de l’iranien Jafar Panahi, la réalisatrice a réussi dans l‘authenticité, avec le regard touchant de cette fillette de 10 ans où se mêlent humour et fines dénonciations, à nous faire vibrer. 

Aussi minimes soient-ils, les effets  du « printemps arabe » sur ce pays ultra conservateur dans lequel même le cinéma est prohibé, se sont quand même fait ressentir  :  la réalisation de ce film même, Manal al Charif qui défie de manière inédite les Autorités pour le droit de conduire des femmes, le roi Abdallah qui par décret institue un quota de 20% de femmes au Conseil consultatif…

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