Boum ! Une affaire chasse l’autre. Après l’affaire du présumé compte à l’étranger de Jérôme Cahuzac, voici que l’ancien ministre gaulliste Jean Charbonnel veut livrer à Christiane Taubira les noms de deux personnages qu’Alexandre Sanguinetti estimait responsable de la mort de Robert Boulin en 1979. On finira peut-être aussi par savoir qui avait abattu en pleine rue le prince Jean de Broglie (†1976), ancien secrétaire d’État. Mais revenons, avec Antoine Peillon, journaliste d’investigation, frère d’Antoine, autre ministre, en exercice, sur l’affaire Cahuzac. 

Mediapart donne l’impression d’avoir passé le relai de l’affaire Cahuzac à Antoine Peillon, journaliste spécialiste de la fiscalité (auteur pour Le Seuil de Ces 600 milliards qui manquent à la France), qui revient dessus sur son espace personnel (hébergé par Mediapart).

Notons quand même que le texte d’Antoine Peillon est signalé en page d’accueil du site. Cela vaut-il aval de la rédaction ?
Un magistrat pourrait fort bien l’estimer. Et notamment considérer qu’il s’agit d’un message : où en êtes-vous&nbsps;?

Au fait, en préambule, vous aurais-je signalé l’un des charmants épilogues des affaires Lamblin et consorts et de la fratrie El Maleh ?

Lundi dernier, Meyer et Nessim El Maleh comparaissaient en Suisse devant la justice.
On sait qu’avec GPF SA, ils planquaient dans leurs sociétés suisses et d’ailleurs, dans des paradis fiscaux, via des établissements bancaires de premier, second et troisième plan, les fonds d’évadés de l’imposition, remboursés en fraîche par leur frère resté en France, Mardoché.

Florence Lamblin et divers notables recevaient leurs avoirs (amputés de commissions) en petites coupures provenant de la revente de drogues. Eh bien, le parquet suisse a été très clément. Meyer El Maleh sera bientôt libre : il a écopé de six petits mois de prison (mais attention, cinq fois plus s’il a la mauvaise idée de se refaire prendre bêtement). Nessim El Maleh est libre depuis Noël : deux ans de prison assortis de sursis… Sa caution de 1,6 millions d’euros lui a donc été rendue sans demandes d’explications.

Or donc, Antoine Peillon aurait reçu les confidences d’une « haute personnalité » suisse. Lequel considère bien qu’Hervé Dreyfus « fait partie des réseaux des frères Antoine et Jérôme Cahuzac ». Cet Hervé Dreyfus est le demi-frère de Dominique Reyl, de l’helvétique Reyl & Cie. Hervé Dreyfus, tel un commis de commerce des El Maleh en France, s’occupait de « l’accueil de clients français voulant protéger des actifs non-déclarés ». Une sorte de cornac, rabattant pour Dominique Reyl.

« Reyl avait des comptes en son nom auprès de différents établissements bancaires suisses ». Et donc, UBS n’avait dans ses livres que lui (et non pas, comme on a pu le lire dans un titre de presse s’étant imprudemment avancé, la clinique Cahuzac).

Reyl ouvre, après 2008, des filiales hors de la Suisse, dont l’une à Singapour. « C’est ce qui, à mon avis, a permis à Jérôme Cahuzac de pouvoir dire qu’il n’était pas le titulaire d’un compte en Suisse, » poursuit l’informateur du frère du ministre Antoine Peillon.

En fait, selon cette source, Mediapart aurait dû demander à Jérôme Cahuzac : « Êtes-vous, d’une façon directe ou indirecte, bénéficiaire d’un compte non-déclaré en Suisse, êtes-vous ce que les Suisses appellent un ayant-droit économique (ADE) d’un compte non-déclaré ? ». Eh bien, désormais, la question donc clairement posée : au moins via le service de presse du ministre du Budget qui s’est empressé de transmettre.

Autre morceau choisi : « le fait que Jérôme Cahuzac ait un compte auprès de Reyl ou, via Reyl, auprès d’un autre établissement bancaire, me semble être une certitude à 95% du fait de l’implication d’Hervé Dreyfus. ». Mais pas davantage que Nicolas Sarkozy, qui serait aussi dans le portefeuille de clientèle d’Hervé Dreyfus.

Là encore, il y avait d’ingénieuses façons « de mettre à disposition des liquidités auprès de clients sans avoir à les faire traverser la frontière, simplement par des compensations-miroir entre des comptes non-déclarés ouverts en Suisse et des comptes français. Hervé Dreyfus a été en quelque sorte un porte-valises et je peux en témoigner. ».  

Antoine Peillon a aussi adressé des questions précises à Hervé Dreyfus qui sont restées sans réponse. Ce dernier n’a rien démenti catégoriquement. Le groupe Reyl n’a pas non plus daigné répondre. Quant à Jérôme Cahuzac, il attend « avec sérénité le travail de la justice ».

Pascal Arfi maintient que la conversation enregistrée avait deux protagonistes, Jérôme Cahuzac et Hervé Dreyfus, qui se trouvaient « dans la même pièce ».

Quant au volet se rapportant aux possibles disparités dans les déclarations fiscales du ministre, Le Point a confirmé à Arrêt sur Images mener une enquête dont le titre prévu serait « Les petits problèmes d’ISF de Jérôme Cahuzac ».

Mais qu’on se rassure, le titre de La Dépêche du Midi, « De Cahuzac à la Sardine », n’a rien à voir avec l’affaire de DSK et Dodo la Sardine. Il s’agit d’un parcours de pèche à la ligne depuis la localité de Cahuzac.

Il existe parfois des coïncidences : un ancien ministre gaulliste qui finit par se confier à la justice, le frère d’un actuel ministre qui vient à la rescousse et en appui de Mediapart, la clémence de la justice suisse à l’endroit de personnes profitant du blanchiment d’argent de la drogue…

Comme l’a consigné Le Temps (.ch) à propos des affaires Florence Lamblin et El Maleh « ceux qui espéraient un grand déballage sur les dessous de l’opération Virus vont déchanter. »
Fati Mansour, du Temps, poursuivait : « Pour la section des affaires complexes du parquet genevois, dont les dossiers ont, par habitude et par essence, tendance à traîner en longueur ou à ne jamais aboutir en jugement, cette procédure marque un record absolu en matière de célérité. En à peine 3 mois d’une intense activité, grâce aussi à l’apport de l’enquête française, le choix de la voie simplifiée [a permis] une issue précoce mais qui donne forcément un goût d’inachevé. ».

Eh oui, parfois, comme pour l’affaire Boulin, cela prend beaucoup, beaucoup davantage de temps.

Et quand cela va un peu rapidement, on ne peut que se demander si la volonté de tourner la page au plus vite n’est pas sous-jacente.

De toute façon, après Billancourt qui finit par dépérir en tant que banlieue ouvrière et s’en est bien remis, il n’est pas vraiment question de désespérer Neuilly-Auteuil-Passy…