Bravo les artistes ! En critiquant, avec des arguments parfois spécieux, mais non dénués de fondements, l’intervention militaire au Mali, Jean-Luc Mélenchon et Noël Mamère ont réussi à faire parler d’eux. Du coup, on a retrouvé sur le plateau de Mots Croisés (France 2), Noël Mamère, ancien journaliste, aux côtés de Gérard Longuet – ancien des mouvements d’extrême-droite, lui donnant du « Cher Noël » –, et arborant des atours jaunes des plus seyants. Consensuel en diable, finalement, le maire de Bègles. Allez, au tour de Jean-Luc Mélenchon, dans le style un contre, un pour, mais au final, tous d’excellents Français, d’excellents soldats, qui marchent au pas… du spectacle favorisant leurs intérêts. 

Titre du Monde : « Noël Mamère qualifie de “propagande” les raisons de l’intervention au Mali ». Je vous passe les divers titres portant sur le billet de Jean-Luc Mélenchon sur son blogue, critique lui aussi. Puis vous retrouvez Noël Mamère dans Mots croisés, sur France 2. Jouant le rôle de l’utilité nécessaire face (hmm… face ?) à de présumés contradicteurs, opposés à ses vues. Et finalement si consensuels.
Tout cela n’était qu’un malentendu. On joue les « voix discordantes » et au fond, on se retrouve sur les radios et les plateaux de télévision pour lever les équivoques.

Après, les uns apparaissent cravatés, les autres sans cravate. Mais de fait en parfait connivence, se servant mutuellement la soupe, soit la visibilité. Chacun joue le faire-valoir de l’autre.

Mode d’emploi qui vaut pour les uns et les autres : des déclarations qui vont faire des titres. Puis, parce qu’il faut que, pour animer un « débat », il y ait des pour, des contre, des milieux du gué, les dissidents font un « plateau », soit, ici, comme pour ceux des fromages, des pâtes dures, des pâtes molles, des fermentés et des pasteurisés, des suaves, des agressifs, des relevés.

C’est tout un art que de composer un plateau de fromages, et un plateau télévisuel.

On aura compris que tout un chacun est dans son rôle, de faire-valoir de lui-même. Après, en fonction de votre valeur ajoutée médiatique, vous pouvez capitaliser. Peu pour Besancenot ou Nathalie Arthaud qui a déclaré, sans sourire, que l’intervention au Mali n’avait que pour objectif de « défendre les intérêts impérialistes français [et] maintenir un ordre économique qui permet au grands groupes français de piller ce pays ». Une « opinion » quelque peu simplificatrice : on attend toujours le « retour sur investissement » de l’intervention française en Libye promise par Alain Juppé.

Il ne s’agit pas de reprendre l’antienne du « tous pourris ». Enfin, si, avec ce bémol : à divers degrés. Hervé Gattegno, pour Le Point, indique : « il n’y a pas d’opération armée qui ne soit armée que de de bonnes intentions. ». De même, il n’y a pas d’intervention médiatique…

Et puis, au-delà de la dérision que suscitent, et de l’ironie que méritent, ces poses, il y a de nécessaires débats. Que ces personnages nous offrent l’occasion de tenir. La réclame, la propagande, ne doivent pas nous offrir le prétexte de renoncer à réfléchir. De considérer aussi nos responsabilités : ne sommes-nous pas friands de ce système qui nous offre des « plateaux » prêts-à-penser ? Nous leur offrons le choix ?

Sont-ils l’offre ou la réponse à la demande ? Vaste interrogation qui répond à la réflexion d’un De Gaulle à propos des « cons ». Vaste programme que des éliminer tous. Si nous nous comportons tels quels, comment accuser de nous prendre pour tels ?

Tenez, Marine Le Pen fustige le Qatar : « Marine Le Pen dénonce très solennellement la soumission indigne des élites françaises à ce pays, qui en quelques années a multiplié les initiatives pour mettre la France sous tutelle. » Chevènement et Jean-Marie Le Pen avaient des indulgences pour Saddam Hussein. Au nom du réalisme et des intérêts français. Comprenez : le Qatar n’a pas d’indulgences financières pour le MRC ou le Front national. Jusqu’à ce qu’il y trouve son compte. Et réciproquement.

Restons lucides, et puisque nous n’avons pas le choix du meilleur, résignons-nous à celui du moins pire. En essayant de décrypter ce qu’on nous prie de bien vouloir avaler ; et avaliser.