Je voudrais vous parler d’un petit pays.
Il est tellement petit, que tous ses habitants sont voisins.
C’est un pays très étroit !
Tellement étroit que les habitants ont le dos contre les montagnes et les pieds dans la mer !
Certes, je voudrais vous en parler, parce qu’il est aussi un peu le mien !
Tableau d’Ana Mandillo (généreusement offert)
Ce pays a les frontières les plus anciennes de l’Europe.
Il est le premier à avoir aboli l’esclavage !
Il est connu par ses navigateurs (Vasco de Gama, Magellan..), ses peintres (Vieira Da Silva, Joana Vasconcelos…), son prix Nobel de littérature (José Saramago), ses cinéastes (Manoel De Oliveira, Miguel Gomes)…
Ce pays n’est pas plus glorieux qu’un autre. Il a connu aussi ses heures troubles de la dictature et du colonialisme.
Je voudrais en parler surtout parce qu’il se meurt !
Comment un pays peut-il mourir, me direz-vous ?
L’histoire nous a démontré qu’il y a plusieurs manières de l’assassiner.
Ni nucléaire, ni chimique, ici, l’arme choisie est sournoise !
Certes, l’asphyxie économique est un moyen très efficace !
Cela commence par une forme de mise sous tutelle par une troïka.
Les habitants seraient trop dépensiers, de mauvais gestionnaires.
Ils n’arrivent plus à rembourser leur dette.
Puisqu’ils n’arrivent plus à rembourser la dette, on augmente les taux d’intérêt.
C’est ainsi que commence le cycle infernal !
Alors, les dirigeants sont mis en injonction de réduire les dépenses dites « superflues ».
Ces tutelles trouvent en interne, des alliés qui ne demandaient pas mieux pour s’attaquer à tout ce qui n’est pas productif.
L’action sociale, n’est que de l’assistanat, pour des fainéants, des profiteurs ? Il faut réduire toutes les aides !
La culture n’est pas rentable ? Supprimez toutes les subventions !
Dans ce petit pays, le ministère de la culture n’existe plus !
Alors, en effet, la question de l’existence de ce pays est posée !
Comment se définit une nation ?
Ses frontières, sa ou ses langue(s), son unité historique et culturelle, sa souveraineté, les liens de solidarité entre ses habitants…
Nous sommes tous le fruit d’une triple culture :
1) Notre culture d’origine, qui est définie par notre histoire personnelle. Je suis né, vécu dans le rural, j’ai fait ou pas des études, j’ai fait des rencontres, je suis issu d’une famille nombreuse ou enfant unique…. Il faut imaginer tout ce qui nous a construits !
2) Notre culture d’appartenance, qui notre environnement actuel, nos relations, nos habitudes alimentaires, notre travail, nos engagements….
3) Notre culture d’aspiration, qui forge nos rêves, nos projets…
Si nous n’avons plus de culture d’aspiration, nous mourrons, socialement ou physiquement. Au mieux, nous devenons des légumes, dépourvus de sens.
Une nation est un être vivant, avec une culture qui évolue, qui se transforme au gré des contacts avec d’autres. Elle s’enrichit, dans l’imagination, dans la création.
La culture est le liant entre des citoyens. Considérer, en période de crise économique, que la culture est un luxe, utiliser les fonds culturels comme variable d’ajustement économique, est une aberration historique.
Supprimer la culture c’est assassiner un pays !
Ce petit pays, dont je parle, vous l’avez certainement reconnu, c’est le Portugal !
Certainement, vous vous dites que tout cela est bien loin. Cela ne nous arrivera pas de sitôt, ici en France !
Je connais des villes, qui vident tellement leur budget culturel, que plus aucune action n’est possible.
Je connais des villes, qui ont connu une gouvernance de l’extrême droite, où le premier geste fut de supprimer les fonds dédiés à la culture.
Malgré tout il existe encore, grâce à des partenaires étrangers, des créateurs qui réalisent des petits chefs d’œuvres !
Voici, l’exemple d’un film Portugais, coproduit par France inter.
Il s’agit du film "Tabou" de Miguel Gomes.
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Je voudrais également, illustrer l’aberration économique de ces restrictions budgétaires, par un seul exemple ;
Alors que le tourisme est l’une des ressources principales, au Portugal, les monuments historiques ne sont plus entretenus. En plus du gâchis patrimonial, il faut imaginer l’impact à court terme sur l’industrie touristique.
Le comble du cynisme, c’est que la ville de Guimarães, est capitale Européenne de la culture en 2012.
Marseille le sera en 2013 !
J’ habite un pays qui meurt
Bonsoir Joaq.
J’habite un pays ou le décor change un tantinet,ou la technologie prend le pas sur les êtres a en être dépendant ou le chacun pour soi est l’ordre national,ou la politique ne signifie plus rien sinon qu’une symbolique ritournelle.Vous voyez le Portugal dans le fond est comme la France.Des petites colonies constituantes de cette Europe de voyous !!!
Bye et bonne soirée.
C’est vrai Humaniste, j’aurais du intituler mon article « un pays est assassiné! ».
Ana, je pense souvent à toi, aux difficultés que rencontrent tous les artistes portugais, plus particulièrement en ce moment.
La culture est comme la biodiversité, si on fait disparaitre un élément, le monde n’est plus équilibré. Alors courage, vous êtes des éléments de résistance indispensables!